Le jeu vidéo a su évoluer de manière drastique ces dernières années, proposant aux joueurs de s’essayer à toujours plus de nouvelles expériences. Ainsi, on ne compte plus le nombre de jeux que l’on peut tester sans pour autant s’y attarder tel un aliment aussitôt oublié après l’avoir mangé. Pourtant, dans cette vision de surconsommation vidéoludique, il arrive parfois qu’un jeu peu banal, s’éloignant d’un énième clone de jeu à succès, réussisse à nous marquer par son approche, comme The Forgotten City.
Ayant initialement prévu un simple mod de Skyrim, les quatre membres du studio Modern Storyteller ont su concrétiser leurs idées jusqu’au bout, afin de nous proposer un jeu à part entière s’éloignant complètement de l’univers prévu au départ. Sorti depuis le 28 juillet dernier, le jeu a su trouver son public avec plus de 3 millions de téléchargements dans le monde, grâce un retour extrêmement positif de la part des joueurs comme de la critique, qui saluent son originalité, et nous ne ferons pas exception !
La collectivité souffrira pour les péchés de l’individu !
Face aux géants de l’industrie vidéoludique, il est clair qu’un petit jeu indépendant se doit de se démarquer afin de pouvoir exister dans ce monde de requins. Les développeurs de Modern Storyteller l’ont très bien compris avec The Forgotten City. Loin de pouvoir égaler les grands studios d’un point de vue technique (rappelons qu’ils ne sont que quatre à avoir développé le jeu), c’est sur l’écriture et l’originalité qu’ils ont décidé de tout donner, et les résultats sont là.
Le jeu nous propose de parcourir un monde du passé rempli de mystères. Plongé en pleine gloire romaine, votre personnage se retrouve dans une cité régie par une unique loi : la cité sera vouée à l’anéantissement si un seul être commet un péché. Si l’idée peut d’ores et déjà paraître saugrenue, ce n’est pas tout ! Car s’il est vrai que notre histoire se passe à l’époque romaine, notre personnage est bel et bien un homme des temps modernes condamné à revivre en boucle la même journée afin d’empêcher ledit anéantissement de la cité.
Il est vrai qu’en lisant ce scénario la première fois, on peut facilement s’imaginer un délire d’auteur ayant tiré leur idée au hasard à l’aide d’un chapeau. Mais il n’en est rien et derrière cette originalité se cache une vraie prouesse d’écriture. Car de ces quelques idées saugrenues va naître un univers logique dans lequel le joueur ne perdra jamais sa suspension d’incrédulité et qui en plus servira à merveille son gameplay.
Car il est indéniable que l’équipe de The Forgotten City sait donner vie à une histoire, rien n’est laissé au hasard, chaque question a sa réponse et les PNJ ont une histoire, voire même une âme. Quoi de plus naturel dans un jeu d’aventure narratif basé sur l’interaction avec le décor et les PNJ, nous direz-vous ? Et à cela, nous vous répondrons simplement que c’est par sa justesse que le jeu se démarque.
L’histoire de The Forgotten City ne tombe jamais dans la surenchère ou au contraire dans le vide scénaristique, elle sait garder constamment le joueur attentif et sait renouveler son intérêt au fil des heures. Car si bon nombre de studios se sont essayés au genre narratif, quelques-uns ont réussi à se démarquer, mais très peu ont réussi à offrir une histoire aussi juste et passionnante que le jeu de Modern Storyteller. Un avis qui n’est pas que le nôtre, semble-t-il, puisque le jeu a remporté un Writer’s Guild Awards en 2016, alors qu’il n’était encore qu’un simple mod de Skyrim !
De plus, il est important de parler de la manière dont sont abordées les différentes civilisations dans le jeu. Bon nombre de titres ont tenté de mettre en lumière la période antique, colportant souvent des idées reçues ou des erreurs (c’est de toi qu’on parle, Ryse), il est appréciable de voir qu’un travail de recherche a été fait pour dépeindre avec justesse la vie romaine. Bien que certaines libertés soit prises pour combler les trous ou pour faciliter la compréhension, nous irons même jusqu’à dire que sur certains points, le jeu se montre éducatif.
Retour dans le passé
Pour autant, un jeu n’est pas un livre, et une histoire seule ne peut pas faire d’un jeu un chef-d’œuvre. On peut alors légitimement s’interroger sur la qualité du jeu en matière de gameplay. Ce dernier est-il à la hauteur de l’histoire ? Et c’est justement là que l’originalité du jeu ainsi que le travail d’écriture font mouche. Car avec une histoire aussi bien ficelée, le gameplay en découle naturellement et ne semble pas forcer ou sortir de nulle part.
De nombreuses bonnes idées viennent varier le gameplay bien que ce dernier se concentre en grande partie sur l’enquête à résoudre. Mais les développeurs ont réussi à éviter de tomber dans la facilité en ne se basant que sur leur histoire et ont mis en place un gameplay alternant phases d’enquête et d’action. Bien entendu, nous vous mentirions en vous disant que ce gameplay correspond à tous les joueurs. Ainsi, une personne adorant tirer dans le tas et déchiqueter des corps ne trouvera que très peu d’intérêt dans ce titre.
Mais the Forgotten City sera un vrai indispensable pour les fans d’énigmes. Afin d’accéder à l’une des cinq fins du jeu, vous allez devoir accomplir diverses quêtes annexes vous demandant parfois d’enfreindre la loi de la cité. Si vous avez bien suivi jusqu’à présent, vous devriez alors vous demander comment finir le jeu si nous sommes obligés de « perdre » pour avancer.
Quand bien même enfreindre la loi met en effet un terme à toute possibilité de terminer le jeu, elle ne met pas pour autant fin à votre partie. Et avec un poil de rapidité, il vous est possible de retourner une nouvelle fois dans le passé et de recommencer ladite journée une nouvelle fois. Il faudra bien entendu tout recommencer, mais votre personnage étant toujours le même, il possédera encore tout son équipement et bien entendu toutes les informations glanées auparavant. C’est ainsi que toutes les pièces du puzzle se mettent en place au fur et à mesure pour vous permettre d’avancer.
Le jeu regorge de bon nombre de bonnes idées que nous pourrions vous citer comme exemple pour vous montrer la richesse de son gameplay. Malheureusement, en parler dévoilerait des pans entiers du scénario, et ce dernier mérite d’être découvert par tout un chacun et non pas au travers d’un spoil lors d’une critique. Bien entendu, nous pourrions nous attarder sur des détails, comme les graphismes qui ne sont pas au niveau par rapport aux exigences actuelles, bien que les décors soient somptueux, ou encore sur le fait que la durée de vie soit un poil courte, mais tout cela paraît au final bien insignifiant une fois plongé dans le jeu.
Il est clair que The Forgotten City mérite amplement les louanges reçues de la presse et des joueurs. Ce jeu indé arrive sans mal à s’élever au niveau de jeux AAA et même au rang de chef-d’œuvre. Bien qu’imparfait, le jeu déborde d’originalité et il ne fait aucun doute que vous passerez un merveilleux moment pour peu que vous soyez réceptif à ce genre d’aventure.
Tant dans son écriture que par son gameplay, The Forgotten City a su prouver qu’il est possible de s’élever au niveau des plus grands sans les copier.