Dans l’arène des FPS free-to-play (F2P) multijoueur, les nouveaux combattants sont fréquents, et si nombre d’entre eux sombrent rapidement dans l’oubli, certains parviennent à se hisser au rang des mastodontes du genre et à les rejoindre parmi les titres qui savent rester populaires au fil des années. The Finals est l’un de ces nouveaux prétendants, avançant de manière un peu pataude dans le Colisée du mont Steam après s’être fait connaître au travers d’une campagne marketing importante, largement aidée par des visuels mémorables.
S’il est encore trop tôt pour savoir si The Finals n’est qu’un succès éphémère ou un nouveau champion avec lequel il faut désormais compter, on peut déjà lui reconnaître un lancement réussi. Il faut en effet rendre au titre ce qui lui revient, à défaut de lui concéder d’emblée un triomphe : avec plus de 200 000 joueurs lors de son lancement début décembre et des pics quotidiens de 100 000 joueurs près d’un mois plus tard, la rétention de joueurs est honorable, particulièrement en comparaison avec des titres AAA payants comme les Battlefield et Halo.
Cependant, ce ne sont pas ces derniers que part affronter le titre d’Embark Studios, mais les champions du monde des F2P que sont Overwatch, Apex, Valorant et Counter Strike, lesquels sont constamment acclamés par leur public dès qu’ils sont nommés, et pénètrent à leur tour dans l’arène afin d’y défendre aisément leur place et leur réputation. The Finals est-il suffisamment armé face à de tels adversaires ?
(Test de The Finals sur PC, réalisé à partir d’une copie commerciale du jeu )
Le bûcher des finalités
Nous avons été nombreux, sans doute, à être témoins de l’importante campagne marketing qui a entouré la sortie du jeu. Il faut dire que l’une des mascottes de The Finals, la ballerine toute de noir vêtue sur fond rouge éclatant, ne passe pas inaperçue au milieu des publicités courantes ou des héros génériques et stéréotypés. Le choix de ce matériel promotionnel ne doit rien au hasard tant le jeu mise énormément sur son style graphique qui, sans être entièrement original, possède son identité propre. Singularité, du moins, en ce qui concerne les visuels.
Car, question gameplay et contenu, la crise d’identité est réelle. Apex est clairement le modèle que tente de suivre The Finals, avec cette même proposition de combats d’équipes dans une arène située dans un univers où des gens regardent ces combats comme du divertissement et sponsorisent leurs favoris. Dans The Finals, ce côté Hunger Games est accentué avec un duo de présentateurs qui commentent régulièrement les actions en cours lors des parties, qu’il s’agisse de s’extasier d’une mort ou de nommer l’équipe en tête – car oui, les équipes ont des noms ici, et leur traduction française peut prêter à sourire : Troubadours ou Bétonneurs, par exemple – ainsi qu’avec des événements aléatoires qui peuvent frapper l’arène comme une pluie de météorites.
Enfin, il est nécessaire de mentionner une emphase du jeu sur la valeur en argent de la vie des joueurs, manifestée ici par les corps des adversaires tués qui se transforment en tas de pièces à récupérer. Un aspect satyrique qui se retourne contre le jeu, mais nous y reviendrons.
Néanmoins, le titre n’est pas un Battle Royale au sens commun du terme, car si au sein des deux modes de jeu présents celui-ci fait s’affronter plusieurs équipes de trois joueurs dans des arènes, il ne s’agit pas de survivre, mais de collecter des pièces et les sauvegarder périodiquement pour faire monter un score tandis que les joueurs tués réapparaissent, ou peuvent être réanimés, comme dans n’importe quel FPS classique.
On ne peut d’ailleurs s’empêcher de comparer The Finals à HYENAS tant la proposition de gameplay qui amène à interagir avec l’environnement est similaire, tout autant que le message militant mal maîtrisé et l’ambiance générale mêlant ton sérieux et esthétique loufoque.
Malgré tout, le jeu en lui-même est-il fun ? Oui, a-t-on envie de dire, mais en dépit de nombreux problèmes et largement grâce à la destruction de l’environnement qui offre des opportunités de gameplay intéressantes pour ce genre de jeu.
L’ombre de Battlefield plane sur The Finals
C’est là la grande force du jeu et tout ce qui l’éloigne de ses rivaux directs : la possibilité de détruire l’environnement et d’en tirer de nouvelles possibilités de gameplay. Il est ainsi possible de détruire un plafond pour, littéralement, tomber sur l’équipe ennemie, ou de choisir de flanquer des joueurs adverses en passant par les murs plutôt que par les portes. Mention honorable aux débris qui ne disparaissent pas et peuvent être utilisés comme protections ou plateformes, éléments bienvenus sur des cartes souvent très verticales.
Un aspect qui n’est sans doute pas étranger au fait qu’Embark Studios ait été fondé par Patrick Söderlund en 2018, et l’homme n’est rien de moins que l’ancien CEO de DICE, studio au sein duquel il a travaillé douze ans. Autant dire qu’il connaît particulièrement bien la franchise Battlefield et ses points forts.
En parallèle de cette gestion des destructions, le jeu propose trois classes à jouer. Notez bien qu’il ne s’agit pas d’un héros avec un nom, une personnalité et un physique déjà établi. Seulement des classes à personnaliser, autant physiquement que dans les armes et équipements disponibles pour chacune d’entre elles.
On retrouve ainsi l’archétype Léger, rapide et destiné à flanquer ; Moyen, polyvalent et jouant le rôle de médecin ; et Lourd, lent mais doté de plus de points de vie ainsi que de la possibilité de poser des barricades ou d’utiliser un lance-roquettes. Un système particulièrement réminiscent des classes des jeux de DICE, Battlefield 2042 mis de côté. À noter, également, la possibilité de faire des murs de glu pour se protéger (pendant que l’on réanime un coéquipier, par exemple), verrouiller un accès ou de l’utiliser comme plateforme, à la manière de ce que l’on peut faire dans un jeu comme Prey, par exemple.
Le jeu dispose également d’une roue d’interactions, permettant de remercier un coéquipier, de ping un danger ou encore de situer un endroit que l’on compte défendre. Système particulièrement pratique si l’on souhaite s’affranchir du chat vocal, mais qui ne compense que partiellement l’absence d’un chat textuel commun aux équipes.
Des choix atypiques qui contribuent à démarquer The Finals de ses concurrents. Mais est-ce suffisant ?
Davantage de microtransactions que de contenu
Comme tous les jeux F2P, le titre est articulé autour d’une boutique, d’un battlepass saisonnier et d’un système de progression très lent. Le problème ici est que The Finals cache très mal cette structure tant elle saute rapidement aux yeux et en vient presque à donner le sentiment que le jeu n’est qu’un ornement sympathique d’une boutique virtuelle bien garnie. Trop garnie, même, par rapport à ce que le jeu propose pour l’instant.
Avec seulement deux modes de jeu relativement similaires et un versant compétitif à peine différent, une poignée de cartes par ailleurs assez petites, un système de personnalisation davantage axé sur des aspects sans grand intérêt comme les gestes de victoire, les poses, les tags, les montres (?) et même des animaux à avoir sur l’épaule de notre personnage, que les tenues disponibles, on se demande s’il est réellement pertinent d’investir dans ce jeu en dépensant des dizaines d’euros pour le battlepass (dont le grind est peu clément et particulièrement chronophage) ou des cosmétiques.
Le jeu gagnerait à proposer une plus grande variété de contenu avant de proposer une offre de cosmétiques tellement pléthorique qu’on ressent sans peine à quel point les développeurs ont cherché à monétiser absolument tout ce qui pouvait l’être, et le faire payer au prix fort.
D’autant qu’en l’état, le titre souffre d’un manque d’équilibrage frustrant qui favorise les personnes qui auront débloqué (ou acheté) certaines armes ou équipements particulièrement puissants, comme le sabre ou l’invisibilité. Avantages décisifs dans un titre où le TTK (time to kill, le temps nécessaire à l’élimination d’un ennemi) est assez élevé et demandera aux joueurs de travailler leur tracking (le suivi des ennemis avec le viseur) davantage que l’aim (la visée) pour s’en sortir en compétitif, surtout avec les premières armes disponibles.
Au final (!), The Finals est un jeu intéressant, mais bancal. On ne peut que se réjouir de voir de petites innovations survenir dans le monde des FPS multijoueurs, et la possibilité de détruire l’environnement à des fins de gameplay est toujours un atout bienvenu (on se souvient des stratégies incongrues possibles dans Red Faction).
Néanmoins, le jeu donne le sentiment de ne pas être tout à fait fini, ou, du moins, au stade d’accès anticipé. Si les microtransactions sont désormais bien installées dans le paysage vidéoludique, et à plus forte raison au sein de jeux F2P, on a du mal à se sentir respecté par le studio qui semble davantage nous offrir une boutique qu’un jeu solide dans lequel investir temps et argent. Et, si l’ambiance perverse à la « Hunger Games » du titre est une réussite, il s’agit d’une ambiance faussement satyrique qui semble davantage se moquer des joueurs (et de leur valeur en argent que The Finals leur attribue, entre deux incitations à aller dépenser de l’argent réel en microtransactions) que de véhiculer un quelconque message, une quelconque morale ou développer un quelconque univers vaguement intéressant.
En soi, les bases d’un jeu sympathique sont bien là, incomplètes, étranges, séduisantes et frustrantes ; il incombe au studio de bâtir par-dessus pour en faire un jeu solide capable de s’installer sur la durée et arriver en finale face à Apex, Valorant et Overwatch.