Ne vous arrive-t-il pas de vouloir repartir de zéro ? Vous arrive-t-il de vouloir faire table rase du passé et d’utiliser vos connaissances pour tout refaire, refaire mieux ? C’est, en général, le genre d’expérience que nous proposent de vivre des séries comme Civilization, Anno ou même The Settlers, un voyage dans le temps afin de recommencer depuis le début, d’y construire un empire stable, un empire parfait, à votre image.
Cependant, autant se rendre à l’évidence : nul n’est parfait et surtout pas nous. Ne dit-on pas « l’erreur est humaine » depuis (au moins) l’Antiquité ? Oui, nous avons des limites et elles nous sont inlassablement rappelées au quotidien à travers les informations, notre voisinage, les passants, notre entourage et parfois même, par nous-même… Devant ce constat terrifiant et en notant que les robots, eux, sont parfaits, pourquoi ne pas justement repartir de zéro avec eux ?
The Colonists est un jeu de stratégie et de gestion de colonie indépendant, développé et édité par Auroch Digital, sorti à l’origine sur PC en 2018. Fort de quelques années d’expérience sur le support, il continue son entreprise de colonisation en s’attaquant à présent au marché des consoles, ce qui nous mène à la version d’aujourd’hui : celle destinée à la Nintendo Switch. Cependant, en connaissant les limites du support (notamment au travers de notre expérience avec Civilization VI) : l’hybride est-elle un terrain assez fertile pour accueillir le lancement d’une colonie de robots ?
(Test de The Colonists sur Nintendo Switch réalisé à partir d’une version fournie par l’éditeur)
Contes de « fer »
Comment définiriez-vous la « simplicité » ? Vaste sujet qui pourrait bien avoir sa place dans le programme de philosophie, The Colonists est, selon nous, la proposition de réponse d’Auroch Digital à cette problématique tant leur jeu se veut accessible.
The Colonists est donc un jeu de stratégie et de gestion conçu exclusivement pour un joueur et dans lequel vous devez mener une colonie de robots à la prospérité. Pourquoi des robots ? Et pourquoi pas ! Dans un futur alternatif, l’Homme a développé des machines capables de se reproduire seules, douées d’intelligence, sachant manger et boire… Bref, tout comme nous… Et ces dernières, pas plus idiotes que nous-même, ont décidé d’échapper à une vie de servitude en partant pour l’espace et réaliser leurs rêves : faire comme nous mais sans nous.
Une idée simple derrière laquelle on n’a aucun mal à se ranger et une simplicité que l’esthétique générale renforce. Effectivement, The Colonists fait le choix d’une esthétique simple et low poly. Pour être honnête, ça n’a pas pris avec nous. Si les graphismes ne tiennent pas un rôle fondamental dans nos tests en général, on est en 2021 et on a le droit d’espérer plus que des décors ternes et des textures plates. Les musiques, elles aussi, sont discrètes et ne mettent aucun moment en valeur. Un constat assez triste quand le titre est comparé à des jeux comme Civilization (sur la même console) ou Anno, mais bon, on fait avec.
Enfin, dieu merci, les modèles sauvent les meubles. Un champ ne reste vert que si on n’en fait rien et vu la vitesse à laquelle on progresse dans le jeu, les champs finissent vite investis de routes, de bâtiments et de petits robots adorables. Et là, la magie opère ! Impossible de ne pas fondre pour la myriade de méchanoïdes aux formes diverses et variées qui bossent dans votre colonie. Comme le célèbre robot de Pixar, chacun de vos habitants apportera une touche d’identité à ce jeu qui, sans ça, serait très pauvre (et plus encore pour celui qui pilote des bateaux, habillé en petit capitaine). Enfin, on prend un malin plaisir à arrêter le flot du jeu pour dézoomer et regarder sa ville à l’ouvrage !
(Gameplay)
Enfin, avant d’en arriver là, il y aura un peu de boulot. Nos protagonistes imitent si bien le genre humain qu’ils ont les mêmes besoins : un toit et des matières premières. Ainsi, dès votre atterrissage, il faudra couper du bois, installer des maisons pour produire de l’énergie et faire fonctionner le bûcheron, générer de la nourriture pour que les maisons s’alimentent et enfin, développer votre artisanat et vos sciences. C’est ainsi que la boucle se crée. Il suffit ensuite d’agrandir vos frontières, découvrir de nouvelles ressources, de développer de nouveaux bâtiments et artisanats, et tutti quanti…
Cette boucle de gameplay plutôt classique a elle aussi été simplifiée par un certain nombre de choix. Le premier est celui de l’automatisation de vos robots. Dès son bâtiment construit, la grande majorité des robots fera son boulot automatiquement. Les robots de production produiront alors que les robots de récoltes travailleront jusqu’à épuiser la ressource. Le studio aura aussi préféré brider les possibilités en termes de construction et de recherches. Ainsi, en réduisant le nombre de bâtiments, de ressources et de technologies, le jeu introduit bien plus aisément ses mécanismes à un néophyte, mais prend le risque d’épuiser plus rapidement le connaisseur qui se retrouvera plus rapidement sur sa faim.
Quoique l’accueil est probablement à revoir aussi… Oui, parce que le jeu serait plus simple à comprendre s’il s’expliquait un peu mieux. C’est au travers de fenêtres de texte à l’ouverture d’une option ou d’un bâtiment que The Colonists distille ses règles, une méthode moyenne qui aura vite fait de perdre les débutants en chemin… Dieu merci, il compense ça avec un mode campagne bien construit et aux enjeux clairs qui se découpent en deux axes : colonisation et combat et qui permet de se familiariser avec les mécaniques de jeu. Les amateurs de challenge seront ensuite ravis de s’attaquer aux défis qui vous invitent à péter vos propres records de temps (un leaderboard aurait été plutôt sympa aussi, mais on chipote, là…).
Mode combat ? Bien sûr, s’il y avait bien un trait à copier chez nous, c’est bien notre habitude à tuer nos semblables… Soit, au risque de vous décevoir, ce mode n’est pas bien glorieux. En effet, pour remporter une partie face à un CPU (on rappelle au vol que c’est un jeu solo), il vous faudra construire rapidement des miradors (pour dissiper le brouillard de guerre) et débloquer la technologie « Flèche » avant lui. Si vous y parvenez, c’est gagné ! Pas ouf effectivement… Pas de gestion d’armée, juste une course contre la montre contre un CPU passif (en facile) ou furieux (dès le mode normal)… Difficile donc de se sentir plus engagé…
Un bug dans la matrice ?
Mais alors, si les combats sont décevants et que le jeu se joue quasiment seul, quel est l’intérêt de jouer à The Colonists ? Rassurez-vous, il y en a. S’il fera une porte d’entrée parfaite pour un débutant qui veut s’essayer à la gestion de colonies, le vétéran trouvera un jeu de gestion reposant et mignon, un soft agréable à traverser l’esprit léger. Les modes disponibles soulignent d’ailleurs ce choix puisqu’en plus du mode campagne évoqué plus haut, on retrouvera un mode défi qui demande une bonne compréhension des mécaniques de jeu (qui se base sur des missions de la campagne) et un mode bac à sable. En gros, des modes on ne peut plus classiques.
Ces choix soulignent encore un point essentiel pour tous ceux qui sont intéressés par le jeu : The Colonists n’a pas la prétention de vouloir vous conserver face à l’écran indéfiniment (ou du moins face à ce jeu). En effet, une fois le mode campagne passé, on aura tôt fait de passer à autre chose tant la boucle de gameplay se répète faute de variété dans les approches, l’arbre de technologie et les bâtiments. Cependant, très sincèrement, on ne lui demande guère plus. La boucle de gameplay est assez solide, le jeu est agréable à parcourir pendant le temps qu’on passe avec lui et rien n’interdit un jour de retourner voir rouler ces colons tout mignons… Enfin, sauf si vous êtes de ceux que la technique gêne…
Ouais… Malheureusement, même en jouant la carte de la simplicité (aussi bien esthétiquement que dans ses mécaniques), le jeu d’Auroch Digital souffre quand même de quelques problèmes techniques usant… Alors oui, on est sur Switch, mais pour un titre qui fait le choix du minimalisme, les ralentissements nombreux, les textures qui sautent (alors qu’elles ne sont déjà pas forcément jolies à la base), et les sauvegardes automatiques qui tombent sans prévenir paralysant le jeu parfois pendant une dizaine de secondes… Dur… On ajoutera l’imprécision des sticks lors du choix des constructions qui rappellera que certains jeux conçus sur PC le sont pour une raison…
Difficile d’avoir un avis clairement tranché sur The Colonists. Indéniablement, nous y avons passé du bon temps et nous regrettons aucune des heures passées, mais il faut reconnaître que chacun de ses points positifs est compensé dans l’autre sens : des robots mignons/des décors pauvres, accessible/mais mal expliqué, un concept simplifié/un contenu assez pauvre (arbre de technologie, nombre de bâtiments)…
Ceci dit, grâce à sa boucle de gameplay addictive et son mode scénario aux objectifs et enjeux clairs, difficile de cracher sur ce jeu qui, s’il ne laissera pas de marque indélébile dans votre mémoire, vous permettra de passer un moment sympa. Il sera un compagnon de route idéal pour un joueur curieux qui veut s’essayer à un genre nouveau ou à un tacticien chevronné voulant se faire un jeu de courte durée (pour 20€, il devrait pas trop le regretter). En revanche, on vous conseillera quand même plutôt de le prendre sur PC (au moins, si l’expérience vous plaît, vous pourrez poursuivre avec l’éditeur de niveaux).