Non, vous pouvez vous rasseoir, vous n’avez pas raté un nouvel épisode de la série des Tales of… Le dernier épisode en date de cette série majeure du RPG est toujours Tales of Berseria, sorti en 2016 sur PlayStation 4. Tales of the Neon Sea, c’est un jeu d’aventures indépendant développé en Chine (c’est assez rare pour être mentionné) par Palm Pioneer, dont c’est le premier jeu, et qui nous met aux commande d’un polar dans un univers cyberpunk…
Tales of the Neon Sea, ne nous raconte donc pas d’histoires !
Polar + androïde = Polaroïd ?
Et le polar a ses codes. Mais « codes » ne veut pas forcément dire « clichés ». Alors on joue Rex, ancien flic dont on devine que la vie n’a pas toujours été rose, reconverti, comme c’est original, en privé fauché. Rex est bien évidemment alcoolique, porte, bien sûr, un complet marron (probablement un peu râpé), et, vous l’aurez deviné, un chapeau. Oui, Rex est une caricature. Non, ça ne semble pas être voulu.
La différence avec l’ensemble des privés de mauvais téléfilms, c’est que Rex est un cyborg. Le jeu se passe en effet dans un futur plus ou moins lointain, ou l’homme augmenté est devenu une réalité quotidienne. Malheureusement, Rex est un cyborg fauché, et ses prothèses sont en assez mauvais état. Durant les premières minutes du jeu, qui tiennent lieu de didacticiel, il s’agira de réparer la carcasse de notre personnage qui se traîne un peu, tout en apprivoisant les mécaniques du jeu.
Sous son bon profil
En 2D vue de profil, le jeu pourrait passer pour un jeu de plateforme. Dès le début de la partie, il s’agit d’ailleurs de courir pour échapper à un ennemi aux allures de faucheuse qui nous pourchasse. On le contrôle donc au pad ou au clavier, jusqu’à ce qu’on se rende compte qu’il ne s’agit absolument pas d’un platformer, et que la prise en main à la souris sera bien plus confortable.
Le titre est en effet un faux point’n click (c’était son deuxième masque, après le platformer) dissimulant en vérité un puzzle game. Ainsi, si certaines mécaniques du titre – à commencer par les déplacements – peuvent rappeler les classiques de l’époque Lucasarts , le cœur du jeu, lui, est constitué d’une multitude de mini-jeux et autres petits puzzles qu’il faudra résoudre pour avancer.
Du labyrinthe au taquin, en passant par ce classique du puzzle game sur mobile, où il faut dégager un morceau de bois en faisant coulisser les autres, le jeu va nous proposer de nombreux mini-jeux les uns après les autres.
En tant que privé, on va devoir enquêter. C’est-à-dire relever des indices et en tirer les conclusions qui s’imposent. Si la recherche d’indices se révélera vite anecdotique, en tirer des conclusions passera par un mini-jeu (encore) où il s’agit de replacer des roues dentées dans un mécanisme. Pourquoi pas. D’autant qu’on voit le lien métaphorique entre les engrenages et la résolution d’une enquête.
Mais en dehors de ces enquêtes, Rex a ses problèmes à lui, à commencer par son robot domestique aux allure de Johnny 5 dans Short Circuit, qui a besoin d’une révision complète. Les multiples rencontres dans les rues vont aussi être autant d’occasions d’accepter des quêtes annexes.
Et toujours, pour avancer dans le scénario comme pour résoudre les enquêtes facultatives, il faudra en passer par la résolution de puzzles. The Witness, par exemple, était lui aussi, à sa façon, un puzzle game déguisé en jeu d’aventures. Mais il annonçait franchement la couleur, et nous faisait une vraie proposition question gameplay. Et écourtait les moments qui intervenaient entre deux énigmes. Ici, Tales of the Neon Sea se rêvant hybride, le jeu nous force à des allers/retours qui deviennent vite pénibles. D’autant que les contrôles du personnage, réduits au strict minimum, ne sont pas spécialement amusants.
« Braves matous et chats voyous, les Entrechats sont là ! »
Une phase alternative du jeu nous met au contrôle de William, le chat de Rex. Rigolote et amenant un peu de variété, elle permet de découvrir que derrière la société humaine se cache de très organisés félins, avec leur hiérarchie, leurs planques, leurs trafics aussi…
Mais à nouveau, on croira à tort avoir affaire à une sorte de puzzle-platformer, alors que non : il s’agira une fois de plus uniquement de mécaniques de puzzles, sans aucun appel au « skill » (c’est-à-dire sauter au bon moment, attraper la plateforme mobile dans le tempo…), puisque les sauts sont préprogrammés via une icone « saut » qui n’apparaît que quand William est au bon endroit. En gros, il faudra aider William le chat à aller d’un point A à un point B, en ramassant par exemple un levier à gauche pour aller le poser sur une machine en bas, ce qui permettra d’activer un ascenseur permettant d’accéder aux plateformes hautes, où… etc.
Puzzles, androïdes, et moutons électriques
Nous n’avons pas encore parlé de l’esthétique du jeu, bien que les photos parlent d’elles-mêmes, tout en pixels. Ce style graphique le rapproche encore plus des Monkey Island ou autre Indiana Jones and the Fate of Atlantis. Superbement exécuté, le pixel art du jeu regorge de détails (les miroirs qui « fonctionnent » !) et d’effets. À commencer par la lumière. Le jeu porte en effet son titre comme un étendard : des néons, il y en a partout ! L’univers du jeu rappelle ainsi furieusement Blade Runner, avec ses rues, les mers de néons du titre, aussi éclatantes de lumières qu’elles abritent leur part des ténèbres. Les néons, donc, les cyborgs et autres androïdes à tous les coins de rues, les taxis volants… Nous sommes en plein dans le futur cyberpunk de Blade Runner. D’ailleurs, le héros lui-même a des faux airs de Deckard !
Cet ancrage rétrofuturiste permet de justifier la place du pixel très 80’s. Le futur qu’on nous raconte ici est celui qu’on s’imaginait en 1982.
S’il est d’ailleurs à peu de choses près nommément cité, Blade Runner n’est pas la seule référence convoquée par Tales of the Neon Sea. Partout, tout le temps, de petits détails rappellent des monuments de la pop culture. On a évoqué le robot, sosie de Johnny 5, ici ce sera un poster de Lost, là une ligne de dialogue à destination des fans d’Harry Potter… On a presque un «jeu dans le jeu», façon Où est Charlie ? Le souci, c’est qu’entre les alignements de références et ceux de clichés, il ne reste plus beaucoup de place au jeu pour s’exprimer.
Au final, le jeu fait tout très bien, et possède de nombreuses qualités, à commencer par sa patte graphique, superbe. Cependant, on a du mal à passer outre la déception de n’être face « qu’à » un puzzle game. Non pas que nous soyons hostiles aux puzzle games, loin de là. La note que nous avions par exemple attribuée à Baba Is You sera là pour en témoigner. Mais qui dit puzzle game dit mécanique de jeu, et même mécanique originale.
Alors qu’ici, les mini-jeux et énigmes que propose Tales of the Neon Sea tiennent plus de la compile bon marché, et n’ont rien de franchement original. Après avoir été d’abord émerveillé par ses décors, on y traînera rapidement les pieds, s’y ennuyant vaguement, avant de ne plus y retourner. Peut-être qu’il aurait pu être un très bon jeu mobile, nous proposant d’enchaîner deux ou trois casse-tête dans le métro… Mais dans sa forme actuelle, il y a bien trop d’autres jeux, et si peu de temps, pour qu’on puisse se permettre d’errer dans les rues de Starlight City en jouant au Démineur ou au Solitaire…