C’est en 1995 que naquit l’une des séries de J-RPG les plus prolifique et appréciée du jeu vidéo. Et pour cause, trente ans plus tard, et après une trentaine de jeux et divers spin-off et médias dérivés, la saga Tales Of poursuit son petit bonhomme de chemin et continue de sortir et ressortir des titres à un rythme effréné. C’est donc depuis le 16 janvier 2025 au tour de Tales of Graces f Remastered de nous être proposé sur consoles PlayStation, Xbox, Switch et PC.
Remaster de Tales of Graces f sorti sur PS3 en 2010 (2012 en europe), lui-même remaster de l’opus Wii de 2009, cette resucée nous faisait craindre le même désastre que celle de Tales of Symphonia, épisode ô combien iconique (le premier sorti en Europe et l’un des plus apprécié par les fans à travers le globe) parut deux ans plus tôt et particulièrement bâclé, tant sur le plan technique que dans ses apports. Alors, la leçon a-t-elle été retenue afin d’offrir à Tales of Graces f Remastered le traitement qu’il mérite ou allons nous assister à une nouvelle catastrophe vidéoludique ?
(Test de Tales of Graces f Remastered sur PlayStation 5 réalisé à partir d’une version fournie par l’éditeur)
Amis pour la vie
Loin d’être optimistes au lancement du jeu donc, nous n’avons pas été particulièrement rassurés par la séquence d’introduction. Historiquement, cette cinématique nous vend toujours une partie du rêve que l’on va découvrir pendant les dizaines d’heures que durent l’aventure, usant des codes visuels et musicaux (notamment) qu’on retrouve dans le monde de l’animation japonaise, la série n’ayant jamais caché son affiliation avec ce média. Alors, quelle ne fut pas notre déception, notre colère même, lorsque nous avons constaté avec effroi ses carences techniques, et en particulier le tearing (déchirement d’image) dont elle souffre d’un bout à l’autre. Voilà qui n’augurait pas du meilleur.
La séquence a finalement depuis été corrigée via une mise à jour (quinze jours après la sortie du jeu, excusez du peu), et heureusement, ce problème technique était circonscrit à ce passage, le reste du jeu étant impeccable techniquement parlant. De fait, nous avons pu nous plonger dans l’univers du jeu, lequel prend place dans un monde médiéval-fantastique où les différentes nations s’affrontent pour la domination militaire, technologique et, surtout, autour de l’acquisition de l’Eleth, une ressource naturelle au centre des civilisations modernes. Mais Tales of Graces f Remastered, c’est avant tout une histoire d’amitié forgée entre trois enfants qui seront au cœur de l’avenir du monde.
Les personnages, et leurs relations, ont toujours été au centre des différents Tales of. Ainsi, on découvre dès leur enfance les principaux protagonistes de l’aventure et comment Asbel Lhant, fils du seigneur local, Richard, prince du royaume, et Sophie, une mystérieuse et amnésique jeune fille, vont se rencontrer et sceller un pacte d’amitié. Le point de départ donc d’un récit très touchant, alternant entre moments épiques et dramatiques.
D’autant que les autres personnages de l’équipe ne sont pas en reste et participent à la réussite narrative de l’ensemble. Ce sont, comme souvent d’ailleurs avec la licence, des archétypes (l’amie d’enfance amoureuse du héros, le petit frère dans l’ombre de son ainé, le guerrier froid et pragmatique, l’archéologue délurée…), mais leurs personnalités et ambitions, notamment développées lors des fameuses saynètes à visionner à des lieux et temporalités précises, sont suffisamment travaillées pour qu’on ne s’offusque pas de ce manque d’originalité.
Il faut dire qu’on n’a jamais bien le temps de s’ennuyer, Tales of Graces f Remastered adoptant une structure très linéaire. Il n’est en effet pas rare que l’on soit réfréné dans nos envie d’exploration par un message nous indiquant de faire demi-tour. Parfois frustrantes, ces restrictions permettent néanmoins de ne pas se détourner des enjeux et d’être constamment mis sous pression par le fil narratif. La guerre est à nos portes, ce n’est pas le moment de partir cueillir des champignons !
Une linéarité qui se retrouve aussi dans les environnements, plaines comme donjons, qui se résument globalement à de longs couloirs dans lesquels les intersections ne servent qu’à y placer un coffre à son extrémité. On n’a jamais l’impression d’être véritablement libre de nos choix ou de nos mouvements, un peu comme nos héros qui subissent l’histoire, en quête de réponses, qu’en en étant les acteurs principaux.
Quelles sont les origines de Sophie ? Qu’est-il arrivé à Richard dont les actes actuels sont aux antipodes de sa volonté d’antan ? Qu’est-il arrivé à cette ancienne civilisation Amarcienne technologiquement avancée ? Des dizaines de questions qui ont jalonné notre aventure et ont su nous tenir en haleine jusqu’à son dénouement. Une histoire certes plutôt classique, mais suffisamment bien travaillée pour être intéressante, malgré quelques ficelles scénaristiques parfois voyantes.
Être bourrin, mais avec grâce
Mais ce qui a permis aussi à la saga Tales of d’autant perdurer dans le temps, c’est son système de combat dynamique s’affranchissant des habituels points de magie, contraignants à la longue, en optant sur un système de points d’action se rechargeant après quelques secondes d’attente. Les attaques classiques et les compétences (les fameux Artes) utilisent plus ou moins de cette ressource, selon leurs puissances, et il convient donc de la gérer au mieux afin d’effectuer les combos les plus efficaces.
L’idée est donc de personnaliser ses combos (se déclenchant par une combinaison entre une touche d’action et une direction de stick) afin de pouvoir répondre à n’importe quelle situation. Un enchaînement contre les ennemis volants ou un autre permettant de briser les boucliers adverses sera bien plus efficace face à certains monstres ou boss. Reste que, dans les faits, on est face là à un système de combat bien bourrin, avec ses subtilités bien sûr, mais qui se résume tout de même globalement à un matraquage de bouton jusqu’à ce que mort s’ensuive.
Une approche néanmoins plaisante où l’on peut rapidement expédier le menu fretin, afin de gagner efficacement des points d’expérience et de compétences (PC) afin de s’armer pour les combats de boss, bien plus retors. Des PC permettant d’ailleurs d’alimenter la barre de progression de titres à débloquer en accomplissant certaines actions durant l’aventure et à équiper. Ils sont la principale source de renforcement puisqu’à chaque seuil atteint (jusqu’à cinq paliers) une compétence supplémentaire ou des bonus de statistiques permanents seront attribués à notre héros.
Les habitués de la licence ne seront dans tous les cas pas dépaysés. On y retrouve ce qui a fait le succès des différents épisodes avec quelques affinages par ci par là, comme le mixer l’Eleth qui permet de s’octroyer des bonus supplémentaires en combat ou de dupliquer des objets, mais dans les grandes lignes, Tales of Graces f Remastered reste un J-RPG grand public, sans complexité ni réelle difficulté, quoique les plus acharnés de la manette pourront augmenter le niveau de difficulté global des combats.
Pour autant, et probablement afin de ne pas perdre les joueurs moins enclins à passer des heures à farmer pour se mettre à niveau dans un jeu nécessitant déjà une bonne quarantaine d’heures pour être bouclé, les développeurs ont eu la bonne idée de proposer d’activer ou désactiver à tous moments des bonus normalement disponibles lors du New Game Plus : la boutique de point.
Initialement, lors de l’aventure principale, en récompense de notre efficacité dans les combats ou suite à diverses actions (nombre d’ouvertures de coffres, boss secondaires, quêtes annexes…), nous accumulions des points à dépenser afin de s’octroyer divers bonus pour une seconde partie. Dans Tales of Graces f Remastered, dès le début du jeu, il est possible d’activer un multiplicateur de points d’expérience, de compétences, de dégâts, de vitesse de déplacement et autres joyeusetés à considérer comme de nouvelles options de confort.
Ce n’est d’ailleurs guère que le seul ajout notable du titre. On bénéficie bien sûr de textures lissées (quoique la différence avec l’opus PS3 ne saute pas vraiment aux yeux) pour un titre stable à 60 images par secondes, à l’ajout de sauvegardes automatiques et à l’affichage d’un marqueur d’objectif. Quand aux DLC inclus dans cette version, ils représentent un bonus sympathique mais ne justifiant pas vraiment l’achat du jeu vendu, heureusement, à prix raisonnable (40 euros).
Alors, faut-il succomber pour ce Tales of Graces f Remastered ? Si vous n’avez jamais joué à l’opus original sur Wii ou à son précédent remaster sur PS3, nous répondons sans hésiter par l’affirmative. Le titre nous dépeint un univers très intéressant, porté par une galerie de personnages, quoi que classiques, très attachants. Et comme toujours avec les Tales of, le système de combat est carré, permettant à la fois de la jouer bourrin ou avec finesse, en nous permettant d’ajuster avec précision les enchaînements selon les adversaires et boss face à nous.
Pour les autres, la question est bien plus sujette à débat. Tales of Graces f Remastered est un très bon cru mais ses apports restent extrêmement limités et, à moins d’être en mal de jeux vidéo ou de J-RPG en particulier, il y a sans doute d’autres expériences originales sur lesquelles s’attarder.