Streets of Rage, c’est une série à côté de laquelle on aurait eu du mal à passer en toute ignorance à moins d’être né en 2010. Un peu comme Final Fight, Double Dragon ou Golden Axe. C’est un titre qui aura servi de mètre-étalon, comme dirait notre compère Danceteria, à la bataille des consoles 16-bit. Ce qui remonte à un bail. Et voilà que survient un Streets of Rage 4 tant d’années après ? Hum, il va alors s’agir de savoir s’il rend à César ce qui lui appartient.
On va donc devoir examiner quel en est le rendu final, car bon, Streets of Rage c’est pas vraiment Jo le rigolo, c’est une pièce maîtresse de l’univers JV, et donc, foirer le nouvel opus serait catastrophique, d’autant qu’il avait tendance à faire peur à son annonce. L’est-ce ? Bien sûr que non, voici en quoi.
(Test de Streets of Rage 4 sur Switch réalisé via un code éditeur)
Un hommage ? Non, une descendance véritable et légitime.
Dans les cours de récréation des années 90, on l’a dit, il y avait deux écoles pour qui aimait les beat’em up : Final Fight pour les possesseurs de consoles Nintendo et Streets of Rage pour les fans de SEGA. On ne va pas revenir ici sur cette guerre acharnée, car vous en trouverez quelques mots dans notre dossier, à consulter plus loin dans cet article. Toujours est-il que le second challenger sus-mentionné se dote désormais d’une nouvelle entrée : Streets of Rage 4.
Streets of Rage 4 est le fruit d’une collaboration multi-nations puisqu’il émane de personnes et studios d’origines diverses, notamment les québécois de Guard Crush (Streets of Fury) et les Français de Dotemu et Lizardcube en particulier, dont on se souviendra notamment pour le monstrueux (dans le bon sens du terme) Wonder Boy: The Dragon’s Trap.
Rues barbares
Le moins que l’on puisse dire au sujet de ce jeu, c’est qu’il ne partait pas forcément avec les faveurs du public fan de la trilogie. De fait, le rendu visuel très cartoon exposé par les premières photos et vidéos a immédiatement déplu à nombre de joueurs, qui s’attendaient probablement à quelque chose de graphiquement plus mature pour un Streets of Rage de 2020. Nous verrons plus tard qu’ils étaient loin du compte, mais commençons par le commencement : de quoi ça cause.
Comme pour tout bon beat’em up à l’ancienne qui se respecte, on ne part pas sur Streets of Rage 4 pour la littérature de son scénario ; dans ce genre de jeu, l’histoire ne constitue qu’une vague trame de fond simplement prétexte à aller casser du malfrat, et notre jeu ne déroge pas à la règle, bien sûr. Celle-ci vous est narrée via une série d’images fixes du plus bel effet entre chaque niveau. On y découvre un gang qui fait de nouveau régner la terreur sur la ville, mené par les enfants jumeaux du boss du jeu précédent, Mr. X. Ainsi, les deux jeunes psychopathes que sont ces Mr. Y et Mrs. Y se sont de nouveau constitué une véritable armée pour leurs exactions, et donc dans ce cas, qui on appelle ? Non, pas Ghostbusters…
Le casting de personnages jouables est premièrement constitué de deux figures bien connues, Blaze et Axel, qui rempilent une quatrième fois, rejoints par la bondissante Cherry, fille d’Adam dont les anciens se souviendront également, et Floyd, un personnage qui s’annonce bien en douceur, puisqu’il s’agit d’un golgoth tout en muscles muni de deux bras cybernétiques. C’est là votre choix de départ, mais où Streets of Rage 4 fait fort, notamment par rapport à la concurrence, c’est que, outre un autre personnage au visuel moderne à récupérer au fil du jeu (Adam, justement), vous pourrez également débloquer tout une tripotée de personnages 16-bit issus des anciens opus !
Et là où le jeu fait ENCORE plus fort, c’est que tous ces personnages antiques ne sont pas que des goodies nostalgiques qui ont le mérite d’être présents, mais peu jouables en l’état des choses. Non, là, vous pouvez parfaitement parcourir le jeu de 2020 avec les héros des années 90, tant le gameplay général du titre s’avère impeccable et un appel du pied aux épisodes d’antan. Chapeau l’artiste.
Parlons-en, de gameplay, justement, tiens, tant qu’on y est. Au début, si vous avez notamment joué à certains beats récents tels que le furieux Fight’N’Rage, il n’est pas impossible que Streets of Rage 4 vous paraisse un peu mollasson. Par exemple, seul un des personnages possède un rush qu’on a appris à aimer avec des titres similaires, et on aurait aimé une possibilité de frapper l’ennemi au sol comme dans Mother Russia Bleeds.
De fait, il est moins virulent que certains, mais en progressant dans les stages, vous oublierez bien vite ces petits détails tant le plaisir de jeu est intense. Vous trouverez même des petits réflexes à acquérir qui vous sortiront avec joie de certaines galères, comme appuyer au bon moment pour ne pas être projeté au sol, ou attraper au vol les projectiles qu’on vous lance avant de les retourner à leur envoyeur.
Vous aurez également intérêt à rapidement maîtriser les grabs, un classique de la série, mais également les attaques spéciales, qui vous tireront de bien des situations délicates mais compenseront leur efficacité en vous ôtant une petite quantité de vie, et enfin les coups ultimes capables de briser les gardes, mais dont vous ne pourrez user et abuser, car leur nombre sera limité par la quantité d’étoiles ramassées, et croyez-le bien, elles ne courent pas les rues.
Melting potes
Streets of Rage 4 ne comporte « que » 12 niveaux, mais ils sont quasiment tous jubilatoires à parcourir encore et encore (pour sa part, votre Humble Narrateur n’est pas grand fan du commissariat, avec ses hommes munis de boucliers et son boss agaçant). Il ne s’agit pas là du beat’em up que l’on torche une fois avant de passer à autre chose.
Le jeu évite la répétitivité du genre notamment avec son mode multi en ligne ou en local jusqu’à 4 (et c’est un joyeux foutoir, au bon sens du terme), mais aussi son système de progression du total de vos points au fil de vos parties, qui vous permettra à chaque palier de débloquer un de ces persos rétro évoqués plus haut, ce qui donne envie d’y revenir toujours plus, seul ou avec des potes. Et les potes, parfois, on en a bien besoin.
De fait, Streets of Rage 4, en bon beat’em up qu’il est, semble avoir été principalement conçu pour le multi, même s’il est parfaitement appréciable en solo, hein, pas de panique. Il s’agit d’un jeu somme toute pas vraiment facile, et pour peu que vous augmentiez un peu la difficulté (5 modes sont disponibles), vous aurez bien du mal à voir les crédits de fin sans l’aide de compagnons de rue.
Mais en parallèle, plus vous jouez dans des difficultés élevées, plus les points de fin de stage viendront gratifier vos exploits en vue de débloquer le prochain secret. Un bon moyen d’inciter à se donner du challenge, donc, et de retourner affronter les rues et leurs gros sacs à PV de boss éreintants.
Beau à l’œil… et à l’ouïe
Mais venons-en à l’aspect technique, à présent, car c’est le point sur lequel l’attendaient au tournant la plupart des fans de la saga. On l’a dit, son rendu visuel cartoon avait effrayé dans un premier temps, mais force est de constater que manette en main, c’est une véritable réussite. Avec ses couleurs chatoyantes, ses grands personnages, ses ennemis emblématiques qu’on retrouvera avec plaisir, mais surtout, ses stages très clichés du genre (la rue, l’ascenseur, le train, etc.) parfaitement assumés, le jeu dégouline d’amour pour ses ancêtres, pour le plus grand plaisir des joueurs.
Joueurs qui sauront apprécier le détail dans les décors urbains présentés ici, décors urbains qui constituent, avec l’heroic fantasy, le terreau principal des beat’em ups. Les murs sont couverts de tags, les décors de fond lumineux retranscrivent à merveille le côté sombre des bas-fonds où l’on descend faire régner l’ordre, et le joueurs attentif repérera même tout un tas de petits détails dans le décor, évocateurs de la série (même si vous avez rarement le temps de contempler le paysage vu les hordes qui vous tombent dessus).
Il y a même des bornes d’arcade Bare Knuckle (le nom japonais de la série) à dégoter, et vous pourrez y jouer quelques stages des anciens titres. Si ça, c’est pas du clin d’œil aux fans d’antan…
Niveau bande-son, idem, on est sur du très bon, avec des coups qui portent parfaitement à l’oreille, et une OST énergique à la fois moderne et réminiscente de celles des prédécesseurs. Elle est composée par Olivier Derivière (A Plague Tale) accompagné d’une belle brochette de compositeurs japonais ayant œuvré, qui sur Streets of Rage, qui sur Final Fight, qui sur Ghosts’n Goblins… Cela donne des plages tantôt atmosphériques, tantôt énervées, mais quasiment toujours impeccables (pour sa part, votre Narrateur avoue avoir eu du mal avec un ou deux morceaux massacrant volontairement l’harmonie sonore).
NB : Concernant la bande-son et le visuel, les options vous permettent d’abaisser la qualité graphique et de sélectionner les OST des anciens jeux à la place de celles du nouveau. Encore un petit détail sympa pour les anciens.
Un mot de contenu
Pour terminer, sachez qu’outre ce mode Histoire évoqué tout au long de cet article, et qu’il est possible, rappelons-le, de parcourir jusqu’à 4 combattants, le fait de terminer celui-ci une première fois vous ouvrira la voie à d’autres modes de jeu pour prolonger le plaisir : Arcade, dans lequel vous devrez terminer le jeu sans continue ; Combat de boss, qui parle de lui-même ; et Duel, qui parle de lui-même aussi.
Vous pourrez aussi refaire le stage de votre choix. Enfin, est également présente une option Extra, pour lire la fiche des personnages ou admirer tout un tas de galeries autour de la conception de ce superbe jeu.
Il faisait peur à son annonce, mais les amoureux de la licence peuvent dormir tranquilles : Streets of Rage 4 est bien la tuerie qu’on en espérait en tant que fans. Beau techniquement, jouissif à prendre en main, il a su s’approprier tous les codes de ses ancêtres pour faire de lui, non un hommage, mais une véritable suite parfaitement en droit de porter le nom.
Il transpire l’amour de ses talentueux concepteurs et fera date dans l’histoire du beat’em up 2D de ces dernières années, à n’en pas douter. D’autant plus si vous avez trois potes sous la main. Merci Lizarcube, merci Guardcrush, merci Dotemu.