Le jeu vidéo français s’impose dans la sphère depuis maintenant quelques années, et il devient désormais inutile de nommer les licences Rayman, A Plague Tale ou bien encore l’excellent Detroit Become Human pour appuyer notre propos. Il faut dire que nos développeurs ont l’œil pour repérer l’idée originale au bon moment, en proposant aux joueurs de prendre part à des expériences inédites, à l’image du récent Stray, nominé aux derniers Game Awards. Mais il semblerait que les montpelliérains de chez BlueTwelve Studio nous laissent désormais goûter au jeu vidéo à l’alsacienne, puisque c’est au tour du studio strasbourgeois Embers de mettre en lumière Strayed Lights, sa première production.
Annoncé il y a seulement deux mois, le titre avait tout pour attirer l’attention du joueur. Des paysages tout droit sortis du plus beau des contes, de vives couleurs, des chara-designs neufs et mignons, le tout saupoudré d’une mécanique jamais vue auparavant. Mais alors, Strayed Lights propose-t-il vraiment une expérience nouvelle ou n’est-il qu’une pâle copie de ce qui a déjà pu se faire par le passé ?
(Test de Strayed Lights réalisée sur PS5 à partir d’une copie fournie par l’éditeur)
Mettre la poésie en lumière
On ne peut pas dire que le studio alsacien n’a pas été transparent quant à l’enjeu de son titre en nommant ce dernier Strayed Lights. Nous y incarnons un être de lumière parti en quête de son « équilibre vital » après avoir été corrompu par l’antagoniste principal de l’aventure. Ainsi, le jeu repose sur une certaine recherche de soi et le scénario ne gravite qu’autour de la récolte de fragments de lumière répartis aux quatre coins du monde.
Ce qui nous a particulièrement impressionnés dans cette histoire, c’est la façon dont elle arrive à transmettre des émotions et des messages tout en étant dénuée de paroles. Aussi étonnante que puisse paraître cette remarque, c’est justement dans le silence que l’on parvient à contempler davantage la beauté de l’histoire, et cette dernière peut alors laisser place à différentes interprétations en fonction du joueur qui décide de prendre part au jeu.
Ainsi, ce choix fait de Strayed Lights une véritable poésie, un conte au sein duquel tout un chacun peut se reconnaître. Se reconnaître, c’est d’ailleurs tout ce qui fait la beauté d’un jeu muet. Permettre au joueur de se rechercher lui-même en incarnant quelqu’un d’autre. Et le studio Embers semble bien l’avoir compris, puisque Strayed Lights s’apparente finalement à une belle métaphore de la vie, un périple que l’on démarre en tant que nouveau-né et que l’on termine en adulte, après avoir surmonté les différentes étapes de la vie, à l’image des monstres sur notre passage ou encore de la corruption qui se détache peu à peu de notre corps au fil de l’histoire.
Déséquilibre vital
Si nous parlions plus haut de l’équilibre vital du protagoniste, c’est bel et bien parce que l’intégralité du jeu tourne autour de cette notion. Et l’originalité de Strayed Lights ne résidera presque que dans cette mécanique. Des mécaniques dont la production n’est que trop peu friande, puisque seul l’équilibre vital est proposé au sein du titre.
Alors, en quoi consiste réellement ce fameux équilibre ? Cette formule se met en place au cours des combats du jeu, où tout l’enjeu de l’affrontement va être de parer les coups de l’assaillant au bon moment en switchant sur la bonne couleur. Dans Strayed Lights, les ennemis alternent leur apparence sous deux couleurs : le bleu et le orange. Et au cours d’un combat, ces derniers en changent régulièrement avec pour seul objectif de vous déstabiliser.
Mais nous aurons vite fait de nous interroger quant à l’intérêt de cette mécanique, puisque la dualité bleu/orange n’apporte rien de plus qu’importe la couleur. En effet, les attaques de l’ennemi auront les mêmes effets, qu’il vous les inflige en bleu ou en orange, et il en va de même pour les vôtres. Peut-être qu’une dualité attaque/défense en fonction de la couleur aurait été plus efficace et aurait suscité davantage d’intérêt.
Par ailleurs, puisque l’on parle de l’intérêt des combats, ces derniers vous permettront de récolter des pierres d’aptitudes, des pierres qui serviront à nourrir votre « for intérieur », énième référence à la recherche de soi. Ces pierres sont l’exact résumé de tout ce qui peut se récolter dans l’univers du titre d’Embers. Des pierres d’aptitudes, des orbes de lumière pour monter en niveaux ou encore des pierres de compétences.
Tout dans Strayed Lights servira votre amélioration. Le jeu guide peu et le joueur se retrouve alors livré à lui-même, forcé d’explorer les moindres recoins du monde à la recherche de ces précieuses ressources. Nous noterons encore une fois un certain rapprochement avec la construction de l’être, qu’il s’agisse d’évoquer la présence du for intérieur ou bien simplement en prenant en compte le lâché du nourrisson de lumière au sein du monde, au sein de la vie.
Des boss ou des stagiaires ?
Une aventure apporte toujours son lot de boss, ainsi il était évident pour Embers d’intégrer ses grosses bestioles au sein de leur jeu afin d’essayer d’y apporter un peu de piquant. Mais l’épice ne sera que trop peu relevée, puisque l’on fera face à des boss parfois plus faciles à vaincre que des monstres classiques. Et ce constat est une véritable tare, d’autant que les boss de Strayed Lights affichaient une allure plus féroce lors des trailers du jeu diffusés ces dernières semaines.
Un potentiel gâché par des combats on ne peut plus similaires aux affrontements classiques du semi open-world, à quelques différences près en fonction du boss. Car oui, sur le papier, chacun des boss du jeu est différent. Cependant, lorsque l’on remarque le fonctionnement de chaque combat, cela reste la même chose, parer, parer, parer, et, ah oui encore une chose : parer. Les boss de Strayed Lights sont la parfaite illustration que l’apparence ne fait pas tout, puisque l’on découvre vite que derrière le titan se cache toujours un petit être sans défense.
Nous aurons quelquefois affaire à des combats assez plats, accompagnés par une musique qui ne colle pas du tout à la situation (parfois même seuls les oiseaux feront le travail). Encore une fois, il est assez regrettable de constater que les affrontements épiques que l’on nous vendait ne sont pas tout à fait au rendez-vous (les décors ne font pas tout), et nous ne goûterons que trop peu aux combats titanesques dont le studio faisait l’éloge, puisque les choses sérieuses ne commencent qu’à la fin de chaque combat de boss, où nous n’aurons qu’à appuyer sur une touche ou deux pour venir définitivement à bout de l’adversaire.
Un monde somptueux
Si nous évoquions plus haut la poésie du titre, c’est également parce que l’univers façonné par Embers dégage un charme vraiment singulier, et Strayed Lights sort encore une fois du lot de par ses vives couleurs et ses paysages toujours plus variés. De la grotte de cristal à la prairie en passant par le canyon mauve ou la forêt féérique, le studio ne demande qu’à faire rêver ses joueurs. Et il faut l’avouer, nous avons rêvé.
Même si nous pensions avoir affaire à un véritable open-world, la décision prise par le studio d’avoir ciselé l’univers en plusieurs zones ne nous a aucunement dérangés pour prendre part à l’aventure. Comme nous l’évoquions plus tôt, le monde de Strayed Lights reste vraiment vaste et tout s’explore autant que tout fait en sorte pour donner l’envie d’explorer. Peut-être que l’intérêt de certains éléments du décor aurait cependant dû être approfondi davantage, à l’image des œufs roses de chaque zone qui ne servent qu’à récupérer trois orbes et voir deux images.
La première production d’Embers se clôture sous un beau bilan. Strayed Lights est beau, poétique, et apporte un charme singulier au sein de la sphère JV qui fait du bien en ce mois d’avril. La production tourne autour d’une véritable recherche de soi, et le titre strasbourgeois permet à chaque joueur de retrouver une partie de sa personnalité au sein du jeu, à l’image de la petite lumière dans la peau de laquelle nous sommes plongés tout au long de notre périple. Strayed Lights est une métaphore de la vie, et chacune des étapes du jeu tendra à nous le rappeler, de par les obstacles à surmonter, la croissance du personnage principal ou bien encore les relations que ce dernier établira au cours de l’histoire.
Le jeu se veut neuf en proposant une mécanique inédite : la dualité ou l’équilibre vital. Cependant, il sera regrettable de rapidement remettre en question l’utilité de la formule, tant cette dernière n’apportera rien de plus quelle que soit la couleur utilisée en combat. Nos regrets se tourneront également vers les combats de boss, aussi répétitifs que faciles, parfois bien plus que les combats classiques. Embers avait pourtant de belles créatures en poche, c’était l’occasion de déployer tous leurs atouts.
Enfin, comme promis, le jeu peut se vanter d’un réel dynamisme et d’une fluidité excellente, le tout au cœur d’un univers qui en fera rêver plus d’un. Malheureusement, l’expérience sera de trop courte durée à notre goût, mais cela peut être avantageux si vous souhaitez trouver un jeu à faire dans le week-end qui arrive. Il est temps d’allumer la lumière, Strayed Lights est disponible sur PS4, PS5, Xbox one, Xbox Series X/S, Switch et PC.