Dans le cœur des amateurs de J-RPG, Tri-Ace rayonne tel le joyau d’une magnifique couronne et a activement participé à ce qu’on appelle aujourd’hui l’âge d’or du RPG nippon. Fondé par trois As (d’où le nom du studio) transfuges de chez Namco, Yoshiharu Gotanda, Masaki Norimoto et Joe Asanuma, le studio a été l’auteur de certains des meilleurs titres de la jeune histoire du jeu vidéo puisque c’est à eux que l’on doit les Valkyrie Profile ou une saga dont le Star Ocean: The Second Story R qui nous intéresse aujourd’hui est le remake de l’un de ses épisodes les plus emblématiques.
Son histoire est d’ailleurs intéressante à plus d’un titre. Premier opus à être paru sur notre continent, ce second Star Ocean misait sur son gameplay action pour marquer sa différence avec un certain Final Fantasy 7 très porté sur les prouesses techniques et graphiques. Et si à l’époque, la bataille a été largement remportée par le jeu de Squaresoft (quoique les ventes de Star Ocean: The Second Story furent plus qu’honorables), le titre de Tri-Ace a participé à la mise en désuétude du RPG au tour par tour.
Quelle ironie de voir qu’aujourd’hui, ces formidables licences se trouvent dans le giron de l’ennemi Squaresoft (du fait de sa fusion avec Enix). Y voir là la cause de la déchéance de ces séries qui ne sont plus que l’ombres d’elles-mêmes (Valkyrie Elysium ou Star Ocean: The Divine Force, loin d’être à la hauteur de leurs aïeux) serait être bien mauvaise langue. Alors, autant se réfugier dans ces vieux pots que Square Enix entreprend depuis quelques années de remettre au goût du jour pour voir si Star Ocean: The Second Story R traverse l’espace aussi bien que le temps.
(Critique de Star Ocean: The Second Story R réalisée sur PS5 à partir d’une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Il y a quoi au menu ?
Au fil de son histoire, Tri-Ace nous a habitués à proposer des jeux dits « à systèmes », et Star Ocean ne faisait pas exception à cette règle. Et plus encore, on pourrait même dire que Star Ocean: The Second Story R est un jeu « à menu » puisque c’est dans les innombrables possibilités de personnalisation et d’optimisation des capacités de nos compagnons que brille indéniablement l’ensemble.
L’expérience glanée pendant les combats est finalement presque secondaire et notre véritable montée en puissance se fera via les PB et PC (Points de Bataille et de Compétence) autour desquels tourne tout le jeu. En attribuant ces différents points dans l’une ou plusieurs options disponibles, allant de l’augmentation de statistiques basiques jusqu’au déblocage d’éléments de jeu, on façonne notre propre capacité à survivre aux assauts ennemis.
Artisanat, Médecine, Cuisine ou Alchimie ne sont que quelques-uns des éléments les plus basiques de personnalisation, via le craft notamment, dont on dispose. Mais il ne s’agit là que de la partie émergée de l’iceberg. Au fur et à mesure que certains métiers montent en niveaux, d’autres possibilités seront disponibles avec des « spécialités » et « super spécialités » permettant, par exemple, d’optimiser ses séquences de farm en boostant les gains d’expérience, PB ou PC.
Car si Star Ocean: The Second Story R conserve sa modernité d’antan, il reste un titre qui embarque aussi ses écueils du passé. En effet, l’équilibre général de son aventure n’est pas vraiment ce qui se fait de plus optimum et il sera éventuellement nécessaire de prendre quelques heures pour combattre les monstres d’une zone afin d’être en mesure de surmonter certains challenges.
Et si on évoque là une simple éventualité, c’est qu’au travers de cette personnalisation poussée de nos avatars, chaque joueur pourra percevoir la difficulté de manière différente. Et de cette grande force de choix laissés aux joueurs découle un problème potentiellement rédhibitoire. En attribuant moins efficacement ses PB ou PC, certains affrontements peuvent vite se révéler insurmontables et la moindre créature locale pourrait réduire en bouillie une équipe mal préparée en quelques secondes, y compris dans le mode de difficulté le plus faible.
Paradoxalement donc, si Star Ocean: The Second Story R est un J-RPG d’action, c’est du côté des stratégies pré-combats qu’il brille le plus, et il faudra rapidement les maîtriser sous peine de débâcles. En effet, quand il s’agit de nous faire tournoyer de l’épée, les affrontements sont déjà bien moins convaincants, voire même frustrants. Non pas qu’ils soient fondamentalement mauvais, mais entre une IA alliée au ras des pâquerettes et un bordel ambiant n’allant pas en s’arrangeant au fil des heures, on n’a pas toujours l’impression d’avoir véritablement la main sur les événements.
De fait, et même s’il est particulièrement appréciable de pouvoir constituer son équipe grâce aux nombreux compagnons recrutés pendant l’épopée, et de s’ajouter des invocations de personnages issus de la saga (une nouveauté de ce remake), on finit par plus subir les combats que les rechercher. Ce n’est d’ailleurs sans doute pas si innocent qu’il soit possible de les retirer de l’équation pour n’en conserver que les gains, en laissant nos alliés s’en charger automatiquement sur la carte du monde (via, à nouveau, des compétences à débloquer).
Un peu plus près des étoiles
Parfois, quand un ancien titre nous revient sur les consoles actuelles, on peut douter de son statut de remaster ou de remake. Avec Star Ocean: The Second Story R, le doute n’est pas permis. Il n’y a qu’à constater le fossé graphique entre l’original et ce remake (donc) pour s’en convaincre. Typiquement, alors qu’à l’époque on évoluait dans des zones aux décors précalculés, ici, nous foulons des environnements en 3D, soit avec une caméra dont les mouvements sont gérés par le jeu (dans les villes ou donjons), soit à caméra libre (sur la carte du monde).
Il y a eu une refonte graphique complète du jeu pour nous le proposer dans un nouvel écrin particulièrement réussi, dont certains panoramas ont su flatter notre rétine de vieux nostalgiques des années 90. Enfin, presque complète puisque dans ces décors remis au goût du jour, les personnages ont eux conservé leurs pixels d’antan. Un choix déroutant de prime abord qui, finalement, s’accorde étonnement bien dans leur nouveau monde et participe au charme débordant du titre.
Une façon aussi de rappeler que malgré une modernisation de son aventure, Star Ocean: The Second Story R reste un titre du passé et que de nombreuses facettes de l’œuvre originale peuvent apparaître comme désuètes.
Un jeune homme venu d’une lointaine planète en vaisseau spatial débarque dans une contrée primitive et fait la rencontre d’une jeune fille au passé mystérieux. Nous sommes d’ailleurs amenés à choisir en début de partie lequel des deux protagonistes sera notre personnage principal, bien que dans le fond, à quelques rares moments près, ne changera pas fondamentalement grand-chose.
Claude (faisant référence au Cloud du concurrent FF7) et Rena vont alors rapidement partir ensemble à l’aventure pour comprendre l’impact du globe de sorcellerie, un météore ayant la fâcheuse particularité de rendre très agressifs les êtres présents dans son aire d’influence.
Ainsi, c’est dans ce contexte apocalyptique qu’on suivra la romance naissante entre ces deux héros et que l’on fera la connaissance d’alliés hauts en couleur avec lesquels nous devrons sauver le monde, voire peut-être même la galaxie. Un scénario qui fleure bon la série Z et qui, même s’il paraissait moins classique à son époque, n’est pas ce qu’il y a de plus marquant.
D’ailleurs, il pourra paraître étonnant pour le joueur ayant connu la licence via ses derniers épisodes de s’apercevoir que l’espace et les étoiles ne sont finalement que très tardivement impliqués dans l’intrigue. Pour autant, nous avons toujours pris beaucoup de plaisir à (re)découvrir ses différents tenants et aboutissants. Et quelle joie de pouvoir profiter du confort d’une traduction intégrale en français (à télécharger toutefois si vous jouez sur une version physique).
Et c’est finalement un peu toujours le même problème de ces remakes. D’un côté, quand on a connu l’expérience originale, on ne peut pas bouder notre plaisir de pouvoir re-goûter à un nectar nous ayant marqués dans notre jeunesse, surtout quand celui-ci est aussi inaccessible (légalement du moins). Mais de l’autre, y rejouer avec notre expérience de gamer moderne nous montre l’étendue du chemin parcouru et que certains points étaient bien moins importants lorsque l’offre n’était pas aussi pléthorique qu’aujourd’hui.
Star Ocean: The Second Story R est une remise au goût du jour d’un J-RPG en avance sur son temps et rapidement devenu culte, notamment chez nous (ce second opus de la saga étant le premier à avoir été localisé en France). Avait-il besoin d’un tel lifting ? Sans doute pas, mais il faut bien reconnaître que Square Enix a mis les petits plats dans les grands pour le proposer dans les meilleures conditions.
Entre sa refonte graphique quasi totale, que ce soit des décors, des magnifiques illustrations de personnages ou par ses ajouts subtils dans le gameplay déjà extrêmement pointu (dans sa personnalisation du moins), Star Ocean: The Second Story R est indéniablement une belle réussite et le meilleur moyen de découvrir de nos jours l’un des meilleurs titres de son époque.
Alors effectivement, les points de détails d’hier, comme l’équilibre ou le rythme de l’aventure, voire le bordel ambiant des combats, semblent plus problématiques pour le joueur moderne. Mais au final, il s’adresse surtout aux vieux de la vieille ayant connu l’épisode original (ou sa seconde évolution sur PSP) ou à ceux en soif de J-RPG à l’ancienne qui s’en accommoderont plus facilement et profiteront alors pleinement d’un Star Ocean: The Second Story R qui ne pourra que les ravir.