Dans l’univers des beat’em up débridés, deux licences font loi : Devil May Cry, dont le cinquième opus est arrivé en 2019, et Bayonetta, qui reviendra sur le devant de la scène le mois prochain pour un troisième round. À côté, les rares autres titres du genre ne se partagent que des miettes. Pourtant cette fois, les Italiens de Reply Games Studio entendent bien bousculer ce statu quo avec leur nouveau jeu intitulé Soulstice.
Dès le trailer d’annonce, diffusé lors de l’E3 2021, le titre avait su attirer les regards des amateurs du genre. Et le voici donc aujourd’hui disponible sur PS5, Xbox Series et PC. Mais alors que l’on aborde une fin d’année particulièrement opulente sur le front jeu vidéo, Soulstice a-t-il vraiment les épaules pour bouleverser une hiérarchie établie, ou même simplement s’imposer au milieu de dizaines d’autres productions ?
(Test de Soulstice sur PS5 réalisée à partir d’une copie fournie par l’éditeur)
Des bases saines…
Contrairement à ce que son nom pourrait laisser penser, Soulstice n’est pas un souls-like. Dès le début, on nous met dans le bain, à dézinguer sans trop savoir comment des dizaines de monstres. Une introduction qui n’est pas sans nous rappeler celle du premier Bayonetta. Puis la véritable aventure commence enfin. On incarne alors Briar, une guerrière corrompue par une énergie maléfique, envoyée sur Terre afin de refermer une faille gigantesque trouant le ciel. Pour nous aider, nous sommes accompagnés par sa sœur Lute dont le rôle, en tant qu’esprit lié à son âme, est de l’empêcher d’être submergée par sa corruption tout en l’assistant durant les affrontements.
Notre découverte de l’univers de Soulstice se fait plutôt agréablement. Rien de révolutionnaire dans les faits, avec des combos à base de deux armes complémentaires, l’une rapide et faible, la seconde plus lente et puissante, chacune étant assignée à une touche spécifique. C’est bien suffisant pour commencer à prendre en main notre guerrière et occire nos adversaires.
L’ensemble fonctionne bien, le jeu est très dynamique et nos premiers combats sont grisants. Les bases d’un excellent beat’em up sont là. En enchaînant les victoires, on découvre un système de scoring qui nous pousse à toujours varier nos attaques et à parfaitement esquiver et contrer les assauts ennemis. Quant à elle, lute effectuera diverses attaques magiques et pourra notamment contrer certains adversaires.
Pourtant, voilà qu’un premier rouage d’une mécanique qui semblait bien huilée se grippe. Si les débuts sont assez simples à appréhender, très vite, on se retrouve submergé par des termes spécifiques particulièrement mal expliqués. Rien que le contre parfait n’est pas simple à comprendre tant le tutoriel, accessible dans les options du jeu, est lacunaire. Plusieurs fois durant l’aventure, nous serons mis au défi de réaliser certaines actions, sans que lesdites actions n’aient été introduites, voire, pire encore, sans que les intitulés de ces défis ne soient même compréhensibles.
Un manque de clarté qui se retrouve d’ailleurs aussi dans l’exploration. Les développeurs de Soulstice ont fait le choix de nous proposer d’évoluer dans des plans fixes. Voilà qui sonne comme une bonne idée quand on veut cacher divers bonus dans les niveaux comme c’est le cas ici. Malheureusement, cela a pour effet de pénaliser notre appréhension des distances et on se retrouve plusieurs fois à ne pas toucher un ennemi, à rater un bonus ou à chuter d’une plateforme à cause de ce choix.
Quelques écueils, pas forcément bien méchants et qui auraient pu être de l’ordre du chipotage en les mettant en face d’un plaisir de jeu bien présent. Pourtant, au fil des chapitres, ces petits soucis ont commencé à résonner en nous comme le signe annonciateur d’une descente aux enfers, autant pour nos héroïnes que pour nous.
… mais une âme corrompue
Soulstice ne se contente pas de simplement copier les cadors du genre. Au contraire, et c’est à mettre à son crédit, de nombreuses mécaniques de jeu s’ajouteront au fur et à mesure afin de complexifier progressivement le gameplay. Deux arbres de compétences sont même de la partie afin de personnaliser au mieux nos combattantes, même si de nombreuses aptitudes, notamment du côté de Lute, seront restées très obscures tout au long du jeu.
La plupart des ajouts tournent autour des champs d’évocation (bleu) et de bannissement (rouge) que nous dressons d’une simple pression de gâchette. Ainsi, les ennemis fantomatiques par exemple, normalement intangibles, se retrouvent vulnérables dans l’aire d’activation du champ d’évocation. Mais attention, l’utilisation de cette compétence fera monter une jauge d’entropie qui, une fois remplie, la rendra inutilisable pendant de nombreuses secondes.
Peu à peu, plusieurs autres ajouts se feront autour de cette idée, et, paradoxalement, plus Soulstice s’est complexifié, plus il a perdu en qualité. Une défaillance qui saute aux yeux. Passé un gros tiers de l’aventure, c’est le manque de lisibilité permanent des affrontements. Il y a des effets lumineux partout. Entre les attaques magiques de Lute, les sorts ennemis, nos propres combos et une caméra très souvent aux fraises, on se demande bien souvent si on tape dans le vide ou non, le ressenti de l’impact des coups étant proche du néant.
Mais même quand on y voit clair, les combats ne sont pas plus glorieux. Alors que jusque-là, les adversaires les plus retors étaient cantonnés à un rôle de mini-boss, les voici maintenant présents de plus en plus souvent, parfois par grappe de trois ou quatre. Des batailles de plus en plus pénibles à mener tant chaque démon ou presque souffre du syndrome de sac à PV.
Heureusement que l’on peut très facilement accéder à une sorte de mode furie, à la direction artistique très réussie, vraiment agréable à utiliser, afin d’atténuer un peu le calvaire que représentent certaines rixes. Seuls les boss principaux arrivent à relever le niveau de Soulstice. Ceux-ci sont très réussis, que ce soit par leur design, par leur mise en scène ou leurs mécaniques de jeu.
Même l’histoire n’arrive pas à convaincre. Pourtant, il y avait de belles choses à faire dans cet univers, mais au final, rien ne donne véritablement envie de s’impliquer. Il y a bien l’évolution de la relation entre Briar et Lute qui est agréable à suivre, tout comme le personnage de Donovan, particulièrement intéressant, mais ils ne suffisent pas à passer l’éponge face à une mise en scène complètement ratée d’une histoire ni très palpitante ni très bien racontée.
Soulstice trébuche sur à peu près tout ce qu’il entreprend. Si les premières heures arrivent à faire illusion, tout s’enraye dès que le jeu met en place ses mécaniques spécifiques. Et plus celles-ci s’accumulent, plus les combats deviennent pénibles. L’ensemble a beau être techniquement correct avec des combats très dynamiques à un framerate à 60 images par seconde quasiment jamais pris à défaut, ce n’est pas suffisant pour faire un bon beat’em up.
Entre une lisibilité trop régulièrement pénalisante, des monstres de plus en plus longs et désagréables à occire au fil de l’aventure, et une histoire assez peu plaisante à suivre et très mal mise en scène, Soulstice n’a pas grand-chose pour lui. C’est dommage, car les bases présentées dans les premiers chapitres étaient saines et auguraient du bon pour nous offrir une véritable alternative à Devil May Cry ou Bayonetta.
Et finalement, seuls les boss principaux et éventuellement l’évolution des relations entre Briar, Lute et Donovan ont réussi à pleinement nous convaincre. Même l’exploration, pourtant plaisante dans les premiers niveaux, finit peu à peu par tomber à plat à force de tourner en rond. On a l’impression que les développeurs de Soulstice, à trop vouloir se différencier via de nouvelles mécaniques, ont fini par perdre de vue l’essentiel : le plaisir du joueur.