On le rappelle à chaque sortie de l’un des jeux de chacune des licences, ils sont deux à se tirer la bourre autour du titre « Sniper ». Sniper Ghost Warriors, d’abord, dont le dernier opus est sorti il y a tout pile un an, représente la proposition orientée tech. Sniper Elite est lui plus orienté vintage, avec ses scénarios situés pendant la Seconde Guerre mondiale, mais surtout ses fusils qui s’entendent à 150 mètres à la ronde et viennent perturber nos routines d’infiltration.
Un cocktail qui fonctionnait plutôt pas mal, et que Rebellion nous ressert encore une fois avec Sniper Elite 5. Alors, on en reprend ?
(Test de Sniper Elite 5 sur Xbox Series X réalisée via une copie commerciale du jeu)
Elle voulait revoir sa Normandie
Nous sommes donc en pleine Seconde Guerre mondiale, même si celle-ci ne va plus durer bien longtemps – ce que les personnages du jeu ignorent encore. Nous sommes en effet à quelques jours du débarquement, et parmi les premières missions qui nous seront confiées, il s’agira de s’assurer de trouver une ouverture pour le D-Day, en trouvant une faille dans le Mur de l’Atlantique, ou en désactivant les systèmes radars du IIIe Reich. De la guerre elle-même, on ne dira pas grand-chose. Il est acquis que les Nazis sont les méchants, et les Résistants les gentils, et on s’en tiendra plus ou moins là.
Le jeu nous emmène donc en Normandie, ce qui représente une certaine partie de son charme. En tout cas pour nous, Français ! Dans des décors qui, sans être véritablement renversants, sont largement à la hauteur des consoles nouvelle génération, on s’amuse des nombreuses références géographiques ou culturelles : ici, un de ces vieux panneaux en ciment indiquant la direction de Dunkerque, là des publicités pour des machines à laver ou du beurre peintes à même les bâtiments…
Surtout, on retrouve des affiches de propagande des régimes nazi ou vichyste un peu partout sur les murs, et en français dans le texte. « Allez travailler en Allemagne ! » ou « Les soldats allemands sont vos amis » peut-on y lire. Un effort a d’ailleurs été fait sur le contexte. Ainsi, si le jeu se joue en anglais (avec des sous-titres français), les annonces du régime de Vichy sont faites en français avec un accent allemand parfaitement identifiable sans être caricatural. De même que les résistants français s’adressent à nous en anglais, mais avec leur accent frenchie, et parlent entre eux dans leur propre langue. Beaucoup de films à gros budget ne font pas ces efforts…
La promenade est agréable, donc (toute proportion gardée, cela reste un jeu de guerre), et avec un budget plus serré que les Call of Duty ou autres Battlefield, le titre n’a rien à envier à certains AAA. On se surprendra même à sortir un petit « wow ! » de temps à autre, comme quand, en arrivant au troisième niveau, on découvre que c’est le Mont Saint Michel (qui n’est pas nommé, probablement pour se permettre des libertés avec sa carte) qui nous servira de terrain de jeu. Le jeu est beau, et c’est tant mieux, car le gameplay va nous laisser tout le loisir d’observer les environnements.
Un bac… ensablé
La formule n’a pas beaucoup évolué depuis l’épisode précédent, qui lui-même devait déjà beaucoup à celui d’avant, etc. On joue donc un tireur d’élite surnommé L’Ombre, sorte de résistant-ninja qui a la réputation de pouvoir faire tomber des régiments entiers sans se laisser apercevoir.
Le jeu est un jeu d’infiltration, et en tant que tel, il nécessitera essentiellement de la patience et de l’observation plus que du skill. L’évolution par rapport à ses prédécesseurs se situe peut-être dans son ouverture. Comme dans les derniers Sniper Ghost Warrior Contracts, les niveaux sont de grandes zones ouvertes qu’on appréhendera un peu de la manière que l’on choisira.
Paradoxe bienvenu, même si la mécanique principale du jeu est celle du sniper, le titre ne nous force à tuer personne ! Contourner les ennemis pour progresser ou les éliminer de façon non létale est une option tout à fait envisageable, qui est même récompensée en fin de mission par des points d’expérience supplémentaires.
Évidemment, pour profiter des fameuses et impressionnantes killcams – ces séquences cinématiques au ralenti qui détaillent comme au rayon X les dégâts physiques d’un tir réussi – il faudra laisser morale et pitié au placard.
Hélas, cette proposition « sandbox » n’est pas faite que de sable fin, et des limitations rageantes viennent entacher le tableau. Pour des raisons techniques ? Pour garder un certain contrôle sur les actions du joueur ? Nous n’en avons pas clairement identifié les causes, mais toujours est-il que les nombreux murs invisibles donnent au jeu un petit goût suranné assez désagréable d’une à deux génération(s) de retard. De même que de pouvoir grimper sur certaines surfaces et pas d’autres, ou encore de se voir stoppé dans sa progression par un monticule de trente centimètres de haut, viennent en complet désaccord avec les ambitions graphiques et de gameplay affichées. D’autant que ce ne sont pas les seuls problèmes du jeu.
C’est pas bientôt fini ?!
Si les jolis environnements et le gimmick de l’exploration font de Sniper Elite 5 un jeu bien de son temps, ce ne sont pas là les seuls éléments qui l’inscrivent dans son époque. Hélas, rajouterions-nous. Car le jeu, comme de trop nombreux titres aujourd’hui, ne semble pas complètement fini.
De nombreux bugs sont ainsi venus partiellement gâcher notre expérience. Les hitbox s’accordent par exemple difficilement avec l’animation de notre personnage. On a eu toutes les difficultés du monde à récupérer certains collectibles, n’arrivant pas suffisamment à leur faire face pour que la commande permettant de s’en saisir s’affiche.
De même qu’une fois un ennemi éliminé, il faut jouer avec la caméra afin de faire apparaître la commande « porter », pour transporter et dissimuler le corps. Celle-ci semble parfois cachée dans un angle improbable, et sa recherche nous fait perdre de précieuses secondes alors que les autres soldats poursuivent leur ronde.
Mais le bug le plus gênant, et qui s’est produit à répétition, c’est le non-démarrage de scripts après avoir réalisé certains objectifs. Par exemple, lors d’une mission, il s’agissait de tourner une vanne pour saboter une installation. Ce que l’on fit. Sans savoir exactement comment cela se passe du côté du moteur du jeu, la vanne avait enregistré notre action, mais pas le scénario général. Résultat, impossible d’agir à nouveau sur la vanne, même si cela restait notre objectif.
À un autre moment du jeu, une fois tous les objectifs remplis, le point d’extraction n’est pas apparu, nous condamnant à rester sur la map (ou à redémarrer la partie). À un autre moment encore, le point d’extraction a tout bonnement disparu alors qu’on essayait de le rallier…
Heureusement, les temps de chargement sont particulièrement optimisés, et une partie se charge en moins de cinq secondes. Au crédit du jeu, il faut aussi lui accorder sa durée de vie tout à fait satisfaisante en mode campagne (qui variera énormément selon votre façon de jouer et la réalisation ou non des missions complémentaires), sa difficulté adaptable, et les modes multijoueurs, dont celui qui permet d’envahir la campagne d’un autre joueur pour y jouer les grains de sable dans l’engrenage.
Une fonctionnalité déjà vue chez le concurrent Ghost Warrior, mais qui reste rigolote à jouer, et qui est (heureusement) désactivable. On notera enfin la présence d’un mode photo, là encore imparfait (impossible par exemple de naviguer en 3D dans le cliché), mais qui a le mérite d’être là.
Sniper Elite 5 est un peu la mise à jour du jeu précédent. On y joue comme certains rachètent, année après année, leur copie de FIFA ou de NBA2K. Peu de surprises dans le gameplay, qui reste sur une recette qui fonctionne bien (en tous cas pour tout amateur d’infiltration). L’évolution se situera du point de vue graphique, et de la carte, qui grandit en même temps que la liberté qui nous est offerte. Une liberté néanmoins limitée par des artefacts d’un autre temps : murs invisibles, surfaces impraticables, et bugs bloquant la progression du joueur.
Sans être l’élite dont il se revendique, Sniper Elite 5 reste un titre sympathique, qui le sera d’autant plus quand il aura reçu les mises à jour qui s’imposent. Surtout que malgré ses quelques défauts, avec son rythme particulier, il reste une proposition rare et originale parmi les shooters.