Après un Ninja Gaiden Ragebound sorti à la fin du mois de juillet, c’est cette fois au tour de Shinobi, autre licence ayant connu son heure de gloire jusqu’au début des années 90, de revenir sur le devant de la scène à la faveur d’un opus inédit concocté par les talenteux français de chez Lizardcube (Streets of Rage 4, Wonder Boy: The Dragon’s Trap). Disponible sur consoles PlayStation, Xbox, Switch et PC depuis le 26 août dernier, Shinobi: Art of Vengeance a donc la lourde tâche de parler aux plus anciens d’entre nous, ayant trainé leurs guêtres sur les mythiques bornes d’arcade (notamment) tout en attirant les joueurs les plus récents n’ayant pas forcément connu cet âge d’or du beat’em up.
Ainsi, deux options s’offrent généralement aux studios souhaitant relever ce défi. Faut-il tout miser sur la nostalgie et donc draguer du côté des fans de la saga, quitte à peut-être faire peur aux nouveaux venus, ou faut-il faire table rase du passé afin de proposer une toute nouvelle interprétation de la licence, au risque de s’aliéner les joueurs historiques ? Est-il seulement possible de contenter tout ce beau monde, et donc pour Shinobi: Art of Vengeance de rallier ces deux profils de joueurs à sa proposition ?
(Test de Shinobi: Art of Vengeance sur PS5 réalisé à partir d’une version commerciale du jeu)
Art of Lizardcube
Comment ne pas commencer par évoquer ce qui crève l’écran dès les premières secondes de jeu. Shinobi: Art of Vengeance est somptueux. Chaque décor, chaque personnage, chaque pixel du titre a bénéficié d’un soin magistral. Tout est d’une finesse impressionnante et le titre, d’un bout à l’autre, ne souffre d’aucune faute de goût. Les rendus visuels de Wonder Boy: The Dragon’s Trap et Streets of Rage 4 étaient déjà remarquables, mais on a cette fois affaire à une œuvre d’une toute autre ambition. Rarement un titre en 2D nous aura mis autant d’étoiles dans les yeux.
Mais plus encore, ce qui nous aura charmé, c’est de prendre part à la quête de vengeance de Joe Musashi dont le clan a été décimé, le tout sur fond d’invasion démoniaque et de consortium militaire, un grand classique. La prise en main du ninja est particulièrement exaltante. Tout répond au doigt et à l’œil et on se met rapidement à voltiger, tranchant ennemis après ennemis dans une chorégraphie macabre captivante. Le titre a pourtant beau se présenter comme un beat’em up classique, avec des niveaux à parcourir jusqu’à atteindre son boss et quelques packs de monstres à occire sur le chemin, il dispose de ce truc en plus qui lui donne un goût de « reviens-y », ou plutôt qui ne nous fait que difficilement lâcher la manette.
Il y a le côté technique, bien sûr, qui nous donne envie d’y retourner constamment, avec toutes ces splendides animations et ses effets visuels à chaque coup de katana ou de kunai, mais c’est surtout la fluidité des enchaînements, à la fois simples et techniques à sortir, l’impact ressenti à chaque coup porté et le design sonore de l’ensemble qui rendent l’ensemble incroyablement harmonieux. Les attaques se font simples dans les premiers niveaux, mais rapidement, grâce à un marchand local, on débloque de nombreuses techniques supplémentaires venant étoffer notre arsenal.
Shinobi: Art of Vengeance est d’ailleurs bien plus riche que ce qu’il laisse paraître de prime abord. Si les premiers adversaires sont simples, rapidement, de nouveaux ennemis, bien plus dangereux, font leur apparition et pour les battre efficacement, il convient d’utiliser la technique adéquate. L’attaque chargée, par exemple, fait des ravages sur les ennemis avec un bouclier, ou les kunai permettent de rapidement rendre vulnérables les ennemis sans protection, permettant de les achever en un coup dans un déchaînement particulièrement cathartique.
Mieux encore, et pour aussi illustrer la richesse du titre qui a de base la forme d’un simple beat’em up, dont l’unique objectif est de parvenir à la fin du niveau, chaque stage se présente presque comme un mini-Metroidvania. Dans chaque chapitre, divers bonus tels que les médailles d’ouroboros (servant à débloquer de nouvelles techniques à acheter au marchand) ou les coffres secrets renfermant diverses améliorations peuvent être inaccessibles lors du premier passage et nécessiter l’acquisition d’une technique spéciale.
Ainsi, il ne s’agit pas seulement d’aller d’un point A à un point B. Une fois la capacité idoine débloquée, il conviendra de revenir dans les anciens niveaux afin de le compléter à 100 % et, par là même, se renforcer afin de surmonter les défis à venir. Une manière maline pour rajouter de la rejouabilité à un titre qui se boucle en une douzaine d’heures globalement. Du moins, si on s’arrête au générique de fin, mais celui-ci débloque en sus un nouveau mode de jeu, arcade, permettant de se la donner sur chaque stage et atteindre le meilleur rang ainsi qu’un mode Boss Rush plus dispensable.
Le mélange des genres est admirablement bien réalisé. Mais le plus étonnant est que cet ensemble homogène est sans réelle vache maigre. Par exemple, les brèches de l’Ankou, à dénicher dans chaque niveau, nous proposent des défis axés notamment sur la plateforme. Rien d’insurmontable (il faut dire que Joe Musashi répond tellement bien que ce n’est qu’affaire d’apprentissage), mais ces séquences mettent aussi en exergue la précision des sauts et enchaînements qui auraient toute leur place dans un Metroidvania « traditionnel ».
Action, plateforme et même exploration (à son échelle), chaque aspect a été implémenté afin d’améliorer l’expérience globale de Shinobi: Art of Vengeance. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est réussi.
Presque trop beau
Pas besoin de se cacher derrière notre petit doigt, nous sommes dithyrambique sur ce Shinobi: Art of Vengeance. D’un bout à l’autre, jamais il ne nous aura ennuyé, lassé ou déçu. Le titre est riche et arrive aussi bien à retranscrire le plaisir de l’arcade, bourrin à souhait, que la finesse des expériences modernes, avec un bestiaire restreint mais intelligemment pensé, où chaque affrontement est presque une bataille stratégique à mener sous peine de se prendre une fessée (le titre proposant un challenge certes abordable, mais bien réel).
Pourtant, cette perfection, notamment graphique, a un prix. Nous l’avons dit, chaque affrontement est un feu d’artifice visuel, mais le revers de cette médaille est qu’on y perd parfois en lisibilité. Sur les batailles les plus simples, ce problème n’en est pas vraiment un, mais durant les combats les plus ardus et complexes, notamment sur les derniers niveaux ou les brèches de l’Ankou axés sur la bagarre, nous en avons plusieurs fois souffert. En ont ainsi résulté quelques morts frustrantes, faute de voir correctement d’où provenaient les assauts ou même simplement où se trouvait notre cher shinobi.
Notons aussi que la bande-son, quoi que de qualité, reste finalement en retrait malgré la participation à la composition pour quelques pistes de Yuzo Koshiro, figure historique de la licence. Rien de très grave ou qui modifie notre appréciation globale du titre, mais on doit bien reconnaitre que cela nous a fait râler une paire de fois. Et puisqu’on en est à râler, on pourra chipoter sur le manque d’originalité dans les designs des niveaux. De grandes lignes droites et quelques intersections avec des trucs à dénicher, ni plus ni moins. Alors, on ne l’attendait pas particulièrement sur ce terrain, mais avec cette ambition de nous proposer plus qu’un simple beat’em up, on aurait pu avoir quelques folies à la hauteur de la maestria visuelle proposée.
Shinobi: Art of Vengeance est un titre brillant, difficile de le qualifier autrement. Lizardcube a réussi l’exploit de ressusciter une licence morte depuis des années et à lui offrir une incroyable cure de jouvence. Sans pour autant complètement faire table rase de son passé (les nombreux clins d’œil étant là pour nous rappeler ses origines), le titre est d’une modernité étonnante. On nous propose un beat’em up dynamique, à la fois simple et technique où l’on peut enchainer les combos dans un feu d’artifice d’hémoglobine.
Mais dans le même temps, le studio ne s’est pas contenté de nous proposer un jeu à l’action frénétique. Le titre nous propose aussi de la plateforme parfois assez relevée et une architecture s’inspirant du genre metroidvania afin de nous faire explorer puis revisiter ses différents (splendides) niveaux. Et l’ensemble marche admirablement bien. Shinobi: Art of Vengeance est riche, généreux et varié en plus d’être un régal sans cesse renouvelé pour les yeux. Il en est même parfois presque trop beau, les effets visuels nous ayant quelquefois gêné à bien appréhender certaines séquences de combat notamment.
Indubitablement, le jeu de Lizardcube fait partie des meilleurs d’une année 2025 particulièrement enthousiasmante pour le jeu vidéo. Si vous hésitez encore à franchir le pas, lancez-vous en téléchargeant la démo mise à disposition (même si celle-ci n’est pas complètement représentative du jeu final). En tout cas, que ce soit pour les amateurs de la licence ou les plus jeunes qui découvrirait les aventures de Joe Musashi, Shinobi: Art of Vengeance est pour nous un titre absolument immanquable.