Le 1er mars 2024, Akira Toriyama nous quittait, laissant derrière lui un immense héritage. Si son nom est indissociable de Dragon Ball, l’une des œuvres les plus influentes de l’histoire du manga, son talent ne s’est pas limité aux aventures de Son Goku. Créateur prolifique, il a également donné naissance à des univers marquants comme Dr. Slump, Jaco le patrouilleur galactique, et Sand Land, un récit moins connu mais tout aussi emblématique de son style. Peu avant sa disparition, Sand Land revenait sur le devant de la scène avec une adaptation en jeu vidéo, une occasion de redécouvrir cette œuvre singulière du maître.
Sand Land est un one-shot sortie en 2000, c’est-à-dire une histoire courte condensée en un seul tome. Le manga a récemment eu droit à une adaptation en film d’animation en août 2023, puis une série d’animation diffusée entre mars et mai 2024. Et c’est dans cette démarche de faire revivre la licence sous la supervision d’Akira Toriyama, qu’un jeu Sand Land est sorti le 26 avril 2024. L’un des derniers cadeaux que Toriyama nous a laissés.
(Test de Sand Land sur PS5 réalisé à partir d’une copie commerciale du jeu)
Des démons, un shérif et un tank
Dans cette histoire on suit Beelzebub, le prince des démons. Lui et ses amis vivent à Sand Land, un immense désert dans lequel l’eau potable est devenue une denrée rare, contrôlée par un roi cupide. Ce petit prince rose, puissant mais pas vraiment menaçant, va s’allier à un ancien shérif, Rao, ainsi qu’à l’un de ses amis démons, Thief. Ensemble ils vont partir à la recherche de la source légendaire, une source capable de sauver la population de la sécheresse. Dans leur quête, et à l’aide d’un tank volé, ils devront affronter l’armée du roi et déjouer des complots.
Malgré son apparence de récit léger et humoristique, Sand Land s’avère être une jolie fable écologique. Il aborde des thèmes assez profonds comme la guerre, l’injustice, les préjugés, et la nécessité de partager les ressources entre les peuples. Le fil rouge reste le même que celui du manga, du film et de la série. Cependant, le jeu a la particularité d’ajouter des personnages et des intrigues jamais vues dans les autres médias. Même si le scénario du jeu (comme de la série) reste convenu, on prend tout de même plaisir à suivre les aventures du prince et de ses amis. Le charme du character design signé Toriyama fonctionne à merveille. Le tout étant sublimé par un cel-shading qui colle parfaitement à l’univers.
Le prince roule des mécaniques
Sand Land est un jeu d’action-aventure en monde ouvert. Et pour parcourir ces vastes étendues désertiques, plusieurs possibilités s’offrent à nous. D’abord à pied, en contrôlant un Beelzebub particulièrement maniable et réactif dans ses déplacements. Ensuite en tank, le véhicule principal de cette aventure, qui s’avère être tout aussi agréable à contrôler. Toute une partie de l’aventure a été spécialement calibrée pour les combats en tank. Certains combats ont été brillamment conçus pour apprendre au joueur à utiliser la verticalité du terrain ou à gérer les angles morts.
Et pour finir, avec tout un tas d’autres véhicules que l’on débloquera au fur et à mesure de notre aventure. Et côté véhicule, il y a de quoi faire : moto, buggy, jet-ski, armure de combat, char volant, etc. Sachant que la plupart ont leur propre utilité dans l’exploration. Pour en changer, il suffit de presser la touche assignée afin de faire apparaître une roue contenant jusqu’à cinq véhicules.
Une roue supplémentaire aurait été la bienvenue pour limiter les allers-retours au garage, notamment lorsqu’aucun de nos véhicules actuels ne peut briser un rocher sur notre route, ou sauter au-dessus d’un pont brisé. Car niveau moyen de locomotion, il y a l’embarras du choix, et surtout pour les fans d’Akira Toriyama qui se feront une joie d’utiliser des véhicules mythiques présents dans d’autres œuvres du maître, comme la moto de Bulma ou encore le mono-mecha de Lunch.
Tous ces engins, vous aurez la possibilité de les customiser. Chaque élément est modifiable, les roues, le châssis, les armes principales et secondaires, la peinture, les stickers, etc. Certains ajouts permettent même de modifier radicalement la manière d’utiliser un véhicule. Par exemple il est possible de modifier le mono-mecha, qui est un véhicule terrestre, en véhicule volant, ou bien de mettre une lourde protection à votre moto, ce qui la ralentira mais la protégera davantage des dégâts. Il y a énormément de possibilités. Les découvrir et les tester s’avère être un véritable plaisir.
Où ai-je garé mon tank ?
Si les phases en véhicules occupent une grande partie du jeu, il sera parfois nécessaire d’en descendre afin d’explorer et de combattre ses adversaires à pied. Beelzebub, comme mentionné plus haut, est très agréable à contrôler, en revanche les phases de combat sont un peu brouillonnes et sont franchement moins réussies que les phases en véhicules. Si l’on peut apprécier l’ajout d’un arbre de compétences pour Beelze et ses amis, on ne peut que constater que le tout est finalement peu intéressant. On notera tout de même l’effort de l’ajout de phases d’infiltrations sympathiques, mais également vite oubliables.
Côté exploration, la map est très jolie et aussi truffée d’endroits à découvrir et de collectibles à ramasser. Peut-être un peu trop. Les grottes et les ruines sont quasiment toutes les mêmes et il y a tellement de coffres autour de nous que tous les ouvrir s’avère plus fastidieux qu’amusant. Seuls les plus téméraires s’amuseront à tout compléter.
Mais le plus gros point noir c’est sans aucun doute les donjons. Le même environnement labyrinthique dans lequel on ne fait que suivre le point d’objectif nous faisant passer d’un combat à une phase de plateforme et ainsi de suite pendant de longues minutes jusqu’au boss de la zone. La première fois est déjà fastidieuse, la cinquième fois donne presque envie de lâcher la manette.
Sous le ciel de Spino
Pendant votre périple à la recherche de la source légendaire, vous découvrirez une ville quasiment à l’abandon du nom de Spino. Cette oasis perdue deviendra votre nouveau fief et ce sera à vous de lui faire retrouver sa gloire d’antan. Pour ce faire vous allez devoir convaincre des PNJ éparpillés un peu partout dans Sand Land de venir s’installer dans votre ville. Une fois la quête du personnage terminé, celui-ci acceptera de venir s’implanter à Spino et d’y apporter son savoir faire.
Chaque personnage a son utilité, et vous verrez rapidement pousser de nombreux commerces. Le développement de Spino devient vite addictif et on se retrouve rapidement à faire un maximum de quêtes annexes pour voir la ville évoluer. Malheureusement, ces quêtes sont toutes Fedex pour la plupart et tout se fait machinalement, ce qui pousse à les faire rapidement, quitte à sauter les dialogues. Dommage donc, surtout que les interactions entre les personnages sont plutôt drôles et retranscrivent assez fidèlement l’humour de Toriyama.
À Spino, vous pourrez, à l’aide de tout ce beau monde, personnaliser vos véhicules, acheter du matériel ou encore des améliorations, mais vous aurez aussi l’occasion d’acheter des meubles pour customiser les appartements du prince des démons. En effet le jeu ajoute une dimension housing assez surprenante mais étonnamment assez complète. De nombreux meubles sont disponibles, meubles que vous pourrez disposer dans trois pièces différentes. Il sera également possible de modifier le plafond, le sol et même le papier peint. Pour un jeu comme Sand Land, on n’en attendait pas tant.
Avec Sand Land, Bandai Namco offre une adaptation fidèle et respectueuse de l’œuvre d’Akira Toriyama. Le chara-design, sublimé par un cel-shading de qualité, et l’humour si caractéristique du maître sont bien présents. L’exploration en monde ouvert et la variété des véhicules procurent un réel plaisir, notamment grâce à un système de customisation riche et ludique. La reconstruction de la ville de Spino est un véritable plus à l’expérience, et la dimension gestion/housing apporte une touche inattendue mais bienvenue.
Cependant, le jeu n’est pas exempt de défauts : les combats à pied manquent de panache, les donjons se révèlent répétitifs, et certaines quêtes annexes souffrent d’un cruel manque de variété. Malgré cela, Sand Land reste une expérience agréable, surtout pour les fans de Toriyama, qui apprécieront cette ultime aventure inspirée de son univers. Un bel hommage à une œuvre méconnue, mais qui aurait mérité un peu plus de profondeur pour marquer durablement les esprits.