Alors que les gros titres d’Ubisoft viennent meubler l’arrivée d’une next-gen un peu en souffrance de line-up, mais aussi l’attente qui nous sépare de Cyberpunk 2077, et si la surprise venait d’un outsider qu’on n’attendait pas du tout ?
Sakuna: Of Rice and Ruin, fruit de la collaboration entre un petit développeur plutôt discret jusqu’ici, Edelweiss, et Xseed, éditeur de nombreux J-RPG et des jeux Senran Kagura, nous arrive avec une proposition complètement inédite : un mix entre un jeu d’action à défilement horizontal, et une simulation agricole à la Story of Season. Une idée étrange qui méritait, forcément, qu’on y jette un œil avisé…
(Test de Sakuna: Of Rice and Ruin sur PlayStation 4 réalisé à partir d’une copie du jeu fournie par l’éditeur)
À prio-riz
Nous avons commencé à suivre Sakuna: Of Rice and Ruin à la suite des premiers trailers présentés, d’abord charmés par son esthétique. Pour être parfaitement honnêtes, ce n’est pas tant le jeu lui-même qui nous a immédiatement plu que la promesse de retrouver un peu de l’esprit d’un de nos jeux préférés : Muramasa Rebirth, chef-d’œuvre a minima esthétique de Vanillaware sorti sur PS Vita en 2013, et portage d’un titre Wii de 2009.
Et il y a de ça dans Sakuna : un jeu d’action en 2D à défilement horizontal, mettant en scène une jeune femme aux prises avec des démons dans un environnement graphique et scénaristique inspiré du folklore médiéval japonais. Dit comme ça, le second pourrait même passer pour une copie du premier… C’est ne pas y avoir joué que de penser cela, car Sakuna: Of Rice and Ruin nous fait une proposition complètement originale, qui, sans trahir la description faite ci-dessus, va bien au-delà du jeu d’action.
On y incarne Sakuna, donc, fausse « jeune » fille, mais vraie déesse, qui joue les enfants gâtés et passe ses journées à chiller et à boire. Son animal totem serait la Cigale, héroïne de la fable de La Fontaine, si on voulait mélanger les mythologies…
Mais un beau jour, trop occupée à finir son verre, Sakuna laisse une famille de mortels en fuite s’introduire dans le domaine des dieux. L’erreur de trop… La voilà exilée, en compagnie des intrus, sur l’Île aux Démons, dont le nom exprime bien toute l’hospitalité qui s’y pratique…
Pour Sakuna, finie la vie de princesse. Il va falloir retrousser les manches de son yukata, et se mettre à travailler ! Une notion complètement étrangère à la jeune déesse. Ce sont donc des journées bien remplies qui vont s’écouler sur l’Île aux Démons, durant lesquelles il s’agira d’éliminer les créatures maléfiques – ça, c’est pour le côté beat’em all –, mais aussi de cultiver son jardin de façon à récolter de quoi passer un hiver qui s’annonce rude.
Streets of Rice
C’est la proposition complètement inattendue du jeu, qui mêle ainsi un jeu d’action à une simulation de ferme. Et il se paie le luxe de proposer ces deux facettes de manière très complète, chacune des parties du jeu possédant un game system qui n’aurait pas à rougir en solo. Plus étonnant encore, action et farming sont complètement intriqués, l’un ayant une influence déterminante sur l’autre, rendant le jeu particulièrement cohérent.
Ainsi, Sakuna, armée de ses outils agricoles (dans un premier temps), doit repousser les démons qui entourent la propriété de la petite famille qui l’accompagne. Ce sera la phase action du titre, en défilement horizontal, avec une petite composante plateformes. On explore différentes parties de la carte, avec des objectifs à remplir (vaincre un nombre d’ennemis, réunir certains objets, mettre la main sur un trésor, etc.) qui ouvrent d’autres pans de cette même carte.
Durant ces moments beat’em all, Sakuna peut utiliser deux attaques, une rapide, une lourde, ainsi que les manches enchantées de son yukata qui lui permettent, telles un grapin, de s’accrocher le temps d’un saut aux corniches et plafonds, mais aussi de virevolter autour des ennemis. Comme dans tout bon titre du genre, elle acquerra des techniques au fur et à mesure de l’aventure, rendant ses attaques de plus en plus efficaces.
Mais ce n’est pas tout, puisqu’elle pourra aussi se parer d’équipements divers (chapeau, masque, pierre renfermant des pouvoirs spéciaux…) ayant une influence sur ses stats. Car oui, Sakuna est bardée de stats, ceux-là même qu’on aime à appeler excessivement des « éléments de RPG ». Et outre l’équipement, l’autre façon de faire évoluer les statistiques, c’est la culture du riz…
Parce qu’entre deux combats, on le disait plus haut, il s’agira de s’occuper de son jardin dans une simulation de farming. Mais attention, cette partie du gameplay est loin d’être anecdotique ou accessoire. Là encore, en termes de mécaniques de gameplay, on n’est pas loin d’un jeu qui pourrait se suffire à lui-même.
Savez-vous planter les choux…
La culture du riz demandera d’abord une plantation correcte question espacement des pousses, puis un contrôle régulier du niveau de l’eau et de sa température, qui évolueront selon la saison et le moment de la journée. Il faudra aussi souvent arracher les mauvaises herbes qui viennent appauvrir le sol. Sol qu’il faudra enrichir à l’aide d’engrais naturel qu’on préparera un peu à l’avance.
Et c’est là que le système du jeu se montre particulièrement ingénieux, nouant de façon très cohérente les deux aspects, action et farming. En effet, pour nourrir la terre, on se servira du loot récupéré lors des combats ou de l’exploration de la carte, les différents ingrédients ainsi glanés offrant au compost différentes propriétés à même d’influencer la qualité du riz ainsi produit (goût, couleur, dureté, entre autres).
Propriétés du riz qui influenceront ensuite les stats de Sakuna, et donc les combats ! Logique d’un point de vue scénaristique (elle qui n’a jamais rien fait de ses dix doigts se satisfait du travail accompli, gagnant en confiance, courage, chance, résistance, etc.), cela permet d’intriquer les deux aspects du jeu qui n’en font finalement plus qu’un.
Cerise sur le gâteau : si les statistiques et autres critères sont très nombreux, le jeu réussit la prouesse de ne pas nous noyer sous les chiffres. On garde le contrôle, et le joueur souhaitant ne regarder tout cela que d’un œil discret peut très bien s’amuser sans prendre en compte tous ces paramètres. Il est toutefois grisant d’établir une stratégie, de tout faire pour obtenir la récolte de riz nécessaire, et de voir son personnage évoluer comme on l’avait choisi !
Vous en voulez encore ? Le loot lors des combats ne servira pas qu’à la production de fertilisant, mais aussi à remplir le garde-manger de la famille. Selon les ingrédients qu’elle ramènera de ses combats, il sera possible de réaliser divers menus, qui donneront aussi divers bonus à l’héroïne. Et comme pour le reste des stats, si c’est une partie qui nous ennuie, on peut laisser ça aux PNJ qui s’occuperont de tout.
Riz-golo
On vous l’avait dit, et c’est la grosse surprise du jeu, qui, malgré une esthétique un peu naïve, est hyper complet. Cependant, toute naïve qu’elle soit, la direction artistique du jeu fait aussi mouche. C’est ce qui avait attiré notre regard en premier lieu, et nous ne sommes pas déçus. Bien sûr, techniquement, on est bien en-deçà des dernières machines de guerre de la gen que sont les The Last of Us Part II ou Ghost of Tsushima. Cependant, grâce à un chara-design réussi, et une lumière flatteuse, le jeu s’en sort avec les honneurs.
Peut-être encore plus sur Switch, où la concurrence de ce point de vue est moins rude. On apprécie aussi le ton du jeu, qui réussira régulièrement à nous tirer un sourire. Dès le début, voir l’héroïne – qui a l’allure d’une fillette de 10 ans – débouler ivre morte pose le ton ! Mention spéciale au père de famille au physique très Ozamu Tezuka, samouraï raté, passionné d’agriculture, qui s’avèrera rapidement être également… un agriculteur raté !
Bien sûr, le jeu possède sûrement des défauts, et on entrevoit une certaine répétitivité qui pourrait finir par s’installer. Mais avec autant de qualités et de façon aussi inattendue, Sakuna: Of Rice and Ruin reste une excellente surprise !
Avec une esthétique naïve et colorée, avec un personnage principal ayant les traits d’une petite fille, Sakuna: Of Rice and Ruin est, à l’image de son héroïne, bien plus qu’il n’y paraît. Sorte de pari fou de marier deux genres pas tellement faits l’un pour l’autre, c’est un pari gagné, le game system étant aussi complet que cohérent.
Plus fort encore, le jeu se paie le luxe d’offrir au joueur la liberté de profiter de toute sa profondeur, ou de jouer plus en surface. Bien sûr, le titre reste modeste au regard de ses concurrents du moment, et peut souffrir de certains défauts, mais on les oubliera très vite tant le jeu s’avère fun et réussi par ailleurs. Si l’aspect formaté des AAA commence à vous faire bâiller, tentez Sakuna: Of Rice and Ruin !