Return to Monkey Island est une surprise qui fait chaud au cœur, à laquelle personne n’aurait pu croire il y a encore quelques mois. Développé dans le plus grand secret, le jeu fut annoncé comme si de rien n’était en avril dernier pour une sortie en deux temps : le 19 septembre (PC/Switch), et le 8 novembre (PS5/Xbox Series). Il revient pourtant de très loin, pour notre plus grand bonheur, avec deux des créateurs originaux de la saga : Ron Gilbert et Dave Grossman (mais sans Tim Schafer).
Pour rappel, les deux concepteurs n’ont travaillé que sur les deux premiers opus de la série, avant que LucasArts ne la reprenne à son compte. Ron Gilbert a longtemps émis le souhait de réaliser une suite de ces deux opus originaux, mais n’a jamais possédé les droits lui permettant de réaliser ce rêve. Les droits de Monkey Island furent récupérés par The Walt Disney Company lors du rachat (puis la fermeture) de LucasArts en 2012, ne laissant aux fans que leurs yeux pour pleurer quant à toutes les licences perdues/perverties à jamais par l’éminente souris ultra-capitaliste.
Cette résurrection est l’œuvre de Nigel Lowrie, fondateur de Devolver Digital, qui, après avoir proposé le projet à Ron Gilbert durant la PAX 2019, a servi d’intermédiaire entre le créateur et Disney. Des propos de Gilbert, il y eut de « longues conversations » avec Disney, dont il fut « très heureux des réponses » et des assurances quant à sa liberté de création totale sur le projet, lui ayant permis de finalement « construire le jeu qu’il voulait construire ».
Une merveilleuse histoire donc, tenant de « l’alignement des astres » des propos du réalisateur du jeu, et dont le fruit est Return to Monkey Island. Une petite merveille du point and click, qui saura ravir les joueurs, qu’ils aient connu ou non les précédentes aventures de Guybrush Threepwood.
(Test de Return to Monkey Island sur PC réalisée via une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Embruns de nostalgies
Loin de renier les deux jeux auxquels il n’a pas participé, Ron Gilbert a pris la décision d’intégrer le récit-cadre dans leur continuité, mais l’histoire principale de Return to Monkey Island se déroule, elle, juste après les événements de Monkey Island 2: LeChuck’s Revenge. Le style graphique évolue, passant du pixel art au cel shading, mais garde son charme intemporel et son esthétique familière. Vous retrouverez des endroits bien connus de la série, comme le Scumm Bar, tandis que la plupart des îles à côté desquelles vous pourrez jeter l’ancre seront inédites.
Pour ceux qui ne connaissent pas du tout l’histoire des précédents épisodes, un album aura le bon goût de rappeler les événements qui se sont déroulés plus tôt, pour mieux vous plonger dans le récit. Vous trouverez dans le jeu la plupart des personnages clefs des différents opus, l’humour absurde typique de l’âge d’or de LucasArts, et la simplicité efficace d’un récit qui fait la part belle au voyage.
Car Return of Monkey Island est un jeu métaphorique à bien des niveaux : au travers du voyage de Threepwood, il évoque les aléas de la vie de tout un chacun ; l’épreuve que la conception du jeu (à l’image de toute entreprise) a été pour ses créateurs naviguant contre vents et marées ; l’importance des rêves dans une réalité toujours plus complexe. Son côté méta indéniable est parfaitement assumé, et les créateurs en jouent à bien des moments, ce qui le rend d’autant plus agréable à traverser.
Derrière son apparence légère et ses discours comiques, le jeu aborde néanmoins des thèmes sérieux et actuels : la fragilité de l’environnement, les manigances des politiques, la réticence au discours scientifiques. Dans cette dualité des tons, on perçoit clairement que les trente dernières années séparant Return to Monkey Island de Monkey Island 2 ont été profitables à l’ensemble de l’équipe, qui nous propose là un jeu qui aura muri avec eux.
La maturité d’un genre, et d’une équipe
Son côté nostalgique pose la question de savoir si le jeu ne serait pas uniquement destiné aux fans de la première heure, et aux aficionados du point and click. Mais dès le début du jeu, les mécaniques nous font comprendre que les développeurs ont saisi les évolutions du genre pour l’ouvrir au grand public.
Ainsi, Return to Monkey Island commence en vous proposant de jouer en mode ardu, à savoir avec des énigmes dignes de ce nom qui vous feront chauffer les méninges et débrideront votre imagination, ou de profiter du voyage dans un mode simplifié.
Également, plutôt que d’aller chercher les solutions en ligne, un « livre d’indices » est à la disposition du joueur à tout moment de l’aventure, pour lui permettre d’avancer avec plus de facilité s’il se retrouve bloqué à un moment du jeu. Celui-ci vient en complément de la désormais habituelle « liste des tâches » à suivre, qui vous permettra de vous repérer dans le récit. Les énigmes, bien que s’appuyant sur des mécaniques simples, ne sont pas répétitives, et offriront une réelle satisfaction lorsque vous parviendrez à les résoudre. Le sel d’antan est toujours présent, et savoureux.
Autrement dit, vous ne pourrez pas vous perdre dans votre aventure de pirate, et vous pourrez en profiter de la façon qui vous convient le mieux. Qui plus est, le jeu est rempli de petits secrets et d’anecdotes qui nécessiteront une seconde partie (de plaisir) pour les découvrir. Une bonne façon de donner envie aux joueurs de relancer le jeu une fois celui-ci terminé.
La musique familière de Michael Land, Peter McConnell et Clint Bajakian (également compositeurs sur les précédents épisodes) est tout simplement parfaite, et vous emportera instantanément dans ce monde imaginaire. Lorsque l’on sait que l’équipe derrière le jeu fut à son maximum constituée de 25 personnes, et que le jeu a été produit en deux ans, le résultat est d’une qualité incroyable. Return to Monkey Island est une vraie merveille du point and click, probablement plus appréciable pour les habitués de la série, mais dont la simplicité, l’humour et la pertinence sauront émouvoir les cœurs des pirates les plus endurcis.
Return to Monkey Island est un jeu dont la production relève de l’alignement des astres. Moins de six mois après son annonce surprise, le voilà déjà sorti, et prêt à vous emmener à nouveau sur les mers des Caraïbes pour vivre une nouvelle aventure de Guybrush Threepwood, un mousse désormais bien célèbre.
Changeant son esthétique, améliorant ses anciennes mécaniques, mais préservant son ton à la fois humoristique et critique, le jeu est une vraie pépite du point and click qui saura ravir les fans de la première heure et embarquer les nouveaux moussaillons. Levez l’ancre sans hésitation, mais les yeux grands ouverts, car pour parvenir au bout de l’aventure, vous devrez mémoriser bien des détails.