La licence Détective Pikachu, l’un des très nombreux spin-off Pokémon, effectue son retour avec une seconde itération toujours développée par le studio Creatures. Le premier du nom avait eu son petit succès, mais la sortie du film inspiré du jeu avait propulsé la licence vers de plus hautes sphères. Le long-métrage, qui voyait l’acteur canadien Ryan Reynolds camper le rôle du petit Pikachu parlant (et aficionado de caféine), s’était taillé une belle place dans le box-office en plus de satisfaire une audience assez large, bien au-delà de sa cible habituelle.
Le moment semblait idéal pour asseoir définitivement la licence et capitaliser sur son succès avec Le Retour de Détective Pikachu. Possède-t-il les atouts nécessaires pour satisfaire le grand public comme les fans Pokémon de la première heure ?
(Test Le Retour de Détective Pikachu sur Switch réalisée à partir d’une copie fournie par l’éditeur)
(Très) élémentaire, mon cher Pikachu
Les événements de Le Retour de Détective Pikachu se passent quelque temps après le premier opus qui se terminait sur un gros cliffhanger concernant la disparition du père de notre héros. Ce dernier, Tim Goodman, est un détective en herbe toujours accompagné d’un Pikachu parlant avec qui il est le seul à pouvoir communiquer. Il enchaîne les enquêtes en espérant pouvoir répondre à la question que Stromae se pose déjà depuis une décennie : papaoutai ?
Ces enquêtes, au centre du jeu, se scindent en trois parties bien distinctes : d’abord, l’exploration des scènes de crime qui consistera à fouiller certains environnements à l’aide d’un curseur pour y trouver des éléments inhabituels. Durant cette phase, vous serez également amené à utiliser les compétences de différents Pokémon sur le terrain (par exemple, monter sur le dos d’un Caninos afin de retrouver un Pokémon disparu à l’aide de son flair infaillible). Une nouveauté bienvenue qui permet de briser un peu la boucle de gameplay, en plus de se révéler amusante à l’utilisation.
Il y aura aussi les fameux interrogatoires dans lesquels Tim se chargera de cuisiner les humains alors que Pikachu se farcira les Pokémon. Un moment qu’on imaginera éprouvant pour les plus réfractaires à l’avalanche de dialogues, d’autant plus que les interactions s’y font rares. Il s’agira souvent de trois propositions différentes que vous devrez de toute façon actionner à un moment ou un autre et qui entraîneront vers des dialogues entre les personnages sans que vous puissiez intervenir.
Comprenons-nous bien, ça n’engage en rien la qualité des dialogues pour le coup plutôt de bonne facture et truffés de petites blagues rendant la lecture plus agréable. Nous soulignons néanmoins l’importance de garder cette donnée en tête si vous hésitez à vous lancer : il vous faudra ingurgiter une tonne de texte.
Les deux composantes citées au-dessus vous permettront de récolter des indices menant au troisième pan du gameplay : les déductions. Pas besoin d’éclairs de génie pour en venir à bout, les déductions étant (trop ?) simples. Ce qui nous amène par ailleurs à l’un des points les plus préjudiciables du jeu à notre sens : Détective Pikachu 2 et son rejet de l’échec, sous quelque forme que ce soit.
Le titre tentera par tous les moyens d’éviter une quelconque source de frustration. Se tromper sur une enquête n’engendrera aucun handicap et on s’assure par ailleurs que vous ne soyez à aucun moment en position de faiblesse. Un exemple concret : les QTE intervenant à certains moments sont impossibles à louper et leur utilité, en dehors d’une volonté un peu gauche de dynamiser une boucle de gameplay assez fade, nous semblent questionnables.
Il existe également la possibilité de faire appel, à tout moment, à Pikachu à la simple pression d’un bouton si jamais vous vous sentez coincé, situation hautement improbable. Le retour de Détective Pikachu fait en sorte de livrer au joueur bien plus que le nécessaire pour qu’il comprenne la marche à suivre.
On se demande comment on peut se sentir concerné si l’échec n’est jamais une option. Rajoutez à ça les différentes mécaniques de jeu qui peinent à se renouveler jusqu’à en devenir rébarbatives ou encore cet assistanat à outrance, et vous obtiendrez un cocktail explosif qui fera fuir plus d’un joueur, l’obligeant à s’envoler vers d’autres cieux.
Quand Ryme City se mue en RIP City
Heureusement pour lui, il y a bien un domaine dans lequel le jeu s’en sort un peu mieux : le soin apporté aux Pokémon ! À Ryme City cohabitent en toute utopie Pokémon et êtres humains. Un postulat que le jeu embrasse à fond. Il est rare de croiser un personnage humain sans son compagnon préféré. Les enquêtes exploitent souvent ce lien dans leurs intrigues et le nécessaire est fait pour qu’on puisse s’attacher à la plupart des Pokémon qui croiseront notre route.
On remarque notamment l’effort sur l’animation des Pokémon, là où les personnages humains, souvent inexpressifs, ne semblent pas avoir reçu le même traitement. Et celui qui reçoit la plus grande attention sur ces détails, c’est bien sûr Pikachu lui-même.
Nous pousserons même jusqu’à dire qu’il se révèle comme un petit rayon de soleil dans toute cette brume. Le travail soigneusement réalisé pour le rendre vivant avec ses mimiques bien à lui et ses lignes de dialogues (magistralement doublées, en passant, par la voix suave de Yamadera Koichi en japonais qui lui donne beaucoup de cachet) souvent drôles, qui arrivent à nous décocher de nombreux sourires. Ces atouts font que Pikachu dépasse le statut de simple acolyte. Comme le titre le souligne habilement, la petite boule de poils vole de loin la vedette. Quoi de plus normal, après tout ?
Le hic, c’est que derrière le potentiel qu’offre l’univers, le vide se fait ressentir au niveau du monde qu’on parcourt tout au long du jeu. Les interactions avec les environnements et plus généralement la map dans laquelle on évolue, sont plus que limitées. Quelques quêtes secondaires essayent d’entretenir l’illusion d’un monde vivant, mais elles ne rapportent rien et ne possèdent aucune valeur ajoutée.
Le jeu, comme conscient de la petitesse de sa proposition, effectuera la chasse aux électrons libres en vous rappelant à l’ordre au moindre écart que vous pourriez faire sur la route à emprunter pour explorer les environs. Difficile d’avoir l’impression de faire partie intégrante d’un monde qui semble se refermer sur lui-même.
Comme véritable frein à cette immersion, citons pour finir le rendu graphique du jeu jugé ingrat, même pour la Switch. Pour autant, de nombreux jeux réussissent à pallier les limites techniques de la console avec un vrai travail sur la direction artistique (on pense notamment au dernier Zelda, même si pour le coup, il constitue une prouesse technique également). Mais là aussi, la DA est complètement aux fraises sur ce retour de Détective Pikachu. DA que l’on qualifiera, au mieux, de générique.
Le Retour de Détective Pikachu catalyse, pour nous, énormément de frustrations. Il y manque à peu près de tout et ce constat de trop peu aura rythmé notre découverte du titre. Avec un vrai travail sur Ryme City pour la rendre plus vivante et un peu moins de dirigisme dans les mécaniques de jeux, le sort lui aurait été plus favorable.
On pourrait lui excuser certaines de ses largesses (et encore, ça se discute) en le catégorisant comme un jeu destiné aux plus jeunes. Mais même en partant de ce postulat, peut-on véritablement penser qu’ils ingurgiteraient autant de texte ? Une bonne partie du public plus mature, lui, subira cet infantilisation permanente dans les différents aspects du jeu jusqu’à lâcher l’affaire par désintérêt.