Après les excellents Ninja Gaiden: Ragebound et Shinobi: Art of Vengeance, tout deux sortis durant l’été, nous terminons enfin notre tranchant périple avec Ninja Gaiden 4, un nouvel épisode canonique pour la saga rebootée sur la première Xbox en 2004. Issu de la collaboration entre Team Ninja, développeur historique de la licence, et PlatinumGames (Bayonetta, NieR Automata), que beaucoup considèrent comme les maîtres du beat’em up, Ninja Gaiden 4, disponible depuis ce 21 octobre sur Xbox Series, PS5 et PC, nous faisait déjà saliver d’envie dès ses premières présentations.
Car cela faisait plus de 13 ans que nous attendions le retour des aventures, en 3D, de Ryu Hayabusa (même si pour cet opus, il laisse le beau rôle à Yakumo, ninja d’un autre clan). Alors, nous avons eu de quoi patienter dans l’intervalle, avec les différentes rééditions des précédents opus dans des versions plus meurtrières les unes que les autres. La licence a en effet toujours eu la réputation de proposer un challenge relevé, et encore plus dans ses éditions « Black » qui feraient passer les Souls-like pour des jeux pour enfants. C’est donc avec un mélange d’excitation et d’appréhension que nous nous sommes lancés à corps perdu dans Ninja Gaiden 4, à autant craindre qu’espérer que l’héritage de ses ainés soit perpétué.
(Test de Ninja Gaiden 4 sur PS5 réalisé à partir d’une version fournie par l’éditeur)
Ça va saigner
Ninja Gaiden, c’est avant tout l’école du gameplay, et quel meilleur studio que PlatinumGames pour nous peaufiner une armature ludique solide ? Ce que nous avions pressenti lors des différentes présentations s’est confirmé dès les premières minutes de jeu. Ninja Gaiden 4 nous offre un gameplay à la fois effréné et terriblement addictif. On tranche, on découpe, on bondit dans tous les sens d’un monstre à un autre, faisant voler têtes et bras sous une pluie d’hémoglobine totalement exagérée et merveilleusement violente.
Clairement, le titre n’a pas volé son PEGI 18. La violence est omniprésente, presque gratuite parfois. On y incarne Yakumo donc, jeune ninja du clan du corbeau, ayant pour mission d’éliminer la prêtresse du Dragon Noir Seori ayant scellé l’âme de la créature gisant dans les cieux de la ville. En effet, la carcasse de ce dragon empoisonne le Tokyo dans laquelle l’intrigue prend place, souillant la ville d’une pluie mortifère et mêlant notre monde à celui des démons, provoquant l’apparition de monstres et annonciatrice de la fin de notre monde et la mort de cette prêtresse pourrait nous faire gagner un peu de temps sur cette apocalypse imminente. Sauf que les plans de cette Seori pourraient finalement bien coïncider avec l’ambition du jeune ninja de se débarrasser définitivement du fléau draconique.
Du classique en somme. Un mal à éliminer, une alliance de circonstance et des monstres à tuer dans la ville, pas besoin d’en avoir plus pour se lancer dans une aventure qui nous a tenus une petite vingtaine d’heures pour en boucler les différents chapitres. Une durée qui pourra se révéler très variable en fonction de la capacité de chacun à assimiler toutes les strates de gameplay et à surmonter les épreuves qui se dresseront sur son chemin.
Car comme la trilogie à laquelle il fait suite, Ninja Gaiden 4 s’est révélé être d’une difficulté assez élevée, y compris dans son mode de difficulté dit « normal » (le second niveau sur quatre disponibles au départ). En effet, les combats reposent beaucoup sur des notions de timing, qu’il faudra donc maîtriser. Et si esquives et (multiples types de) contres sont les meilleurs alliés du ninja survivant, nous disposons d’une palette de combos particulièrement étendue, à débloquer au fil de l’aventure, dont certains font directement écho aux opus précédents.
Chaque arme dispose d’ailleurs de deux formes différentes. Les attaques normales permettent d’infliger des dégâts et fonctionne de manière traditionnelle. Cependant, on se rend vite compte que certains ennemis ne sont pas toujours sensibles à ses assauts, notamment lorsqu’ils se défendent ou préparent une riposte puissante. C’est là que la seconde forme, corbeau sanglant, entre en jeu et permet, en utilisant la jauge idoine, de passer outre cette protection et de lancer un combo. Et si cela ne suffit pas, pour les boss ou ennemis les plus coriaces, il y a toujours le mode Berserker et ses bien nommées techniques de « bain de sang ».
Tout cela peut paraître déjà vu, et concrètement, c’est effectivement le cas, néanmoins l’imbrication de toutes ces mécaniques se fait ici de manière fluide et naturelle, aussi grâce à des animation remarquablement bien réalisées. Tout est extrêmement rapide, tellement parfois qu’on a du mal à tout suivre, et le véritable challenge consiste à utiliser tous les outils mis à disposition pour survivre (c’est le mot) sous un flot de monstre quelquefois un tantinet disproportionné. Mais notre lame est bien aiguisée et on taille dans le vif avec tellement de plaisir que même nos nombreuses morts n’ont pas suffit à éteindre notre inextinguible soif de sang.
Et puis quels combos ! Les enchainements sont simples à sortir et terriblement addictifs grâce à une fluidité de tous les instants et à un design sonore parfait. Et quand on maîtrise à peu près notre katana, nous voici affublé d’une nouvelle arme, puis encore une nouvelle, jusqu’à atteindre notre arsenal final de quatre armes principales. Chose rare dans un beat’em up, nous sommes instantanément tombés amoureux de chaque nouvel équipement mis à notre disposition. Généralement, il y a toujours des armes qu’on délaisse, les trouvant moins intéressantes ou fun à jouer. Ici, chacune à son truc en plus, une originalité et des combos de fou furieux qui nous ont systématiquement convaincu de la tester durant les heures qui suivent.
D’autant que nous sommes toujours bien accueillis par une mise en scène très soignée nous introduisant ces nouveaux outils comme les différents monstres et boss sur qui expérimenter nos idées les plus sanglantes. L’ensemble peut parfois faire série Z, avec des acrobaties prônant la même démesure que les hectolitres d’hémoglobine inondant Tokyo, mais c’est aussi ça l’esprit de la licence. Et puisqu’on en est à évoquer la mise en scène, comment ne pas parler des exécutions. Qu’il s’agisse des monstres qu’on peut achever d’un coup une fois qu’un de leurs membres s’est détaché de leurs corps, ou des mises à mort des boss, ils sont la récompense de notre réussite manette en main.
Une réussite à sang pour sang ?
Alors, on taille, on découpe, on tranche, mais on n’est pas non plus totalement satisfait du résultat. Car si le gameplay défouraille et nous offre à chaque instant notre dose de dopamine, on a l’impression que le titre pousse parfois le bouchon un peu loin, notamment en ce qui concerne la difficulté. Ninja Gaiden 4 est en effet une aventure qui se mérite, et si cela ne nous a pas dérangé de nous faire désosser un petit paquet de fois par quelques boss (certains mériteraient un meilleur équilibre d’ailleurs, notamment ceux à taille humaine), certaines arènes sont stupidement difficiles, du fait de l’amoncellement de créatures ennemies.
On pense notamment aux défis, à découvrir en fouillant les différents niveaux parcourus, qui nous mettent aux prises dans une pièce fermée à des hordes de monstres qui peuvent facilement nous bloquer dans un coin et nous enchaîner sans que nous ne puissions faire grand-chose. Pas bien intéressant, vous en conviendrez. Surtout qu’il s’agit là plus ou moins des seuls à côtés à découvrir durant l’aventure. On nous propose bien une série de quêtes annexes, consistant généralement à trouver un objet au sol quelque part ou à tuer un groupe d’ennemis spécifique, ainsi que des petites créatures cachées à dénicher, mais globalement, Ninja Gaiden 4 ne brille pas par son contenu.
D’aucun pourrait aussi lui reprocher de n’être qu’un long couloir entrecoupé de séquences de plate-forme, principalement là pour cacher la misère et tromper la monotonie structurelle du jeu. Même les phases de « glisse », qu’elles soient sur un rail, ou en surf, servant de respiration entre deux bastons, ne sont pas bien passionnantes. C’est en quelque sorte le même écueil dans lequel était tombé Bayonetta 2. Pour varier sa boucle de gameplay et, si l’on peut dire, cacher la misère d’un bestiaire pas bien étendu et d’une colonne vertébrale ludique redondante, on nous fourre au forceps des sections sans grand intérêt. Alors effectivement, ça n’apporte rien et, intrinsèquement, on fait toujours plus ou moins la même chose contre les mêmes groupes d’adversaires, mais à notre sens, ce n’est pas vraiment un problème. Ninja Gaiden 4 n’a jamais eu la prétention d’être autre chose d’un beat’em up survitaminé où l’on prend du plaisir à découper du monstre, et ce qu’il doit bien faire, il le fait excellemment bien.
Là où il parait aussi légitime de l’attaquer, c’est sur quelques carences qu’on est même surpris de subir tant elles font tache dans le jeu vidéo contemporain. Le système de sauvegarde automatique par exemple. On pourrait logiquement penser qu’en arrivant à un autel (lieu où l’on peut acquérir de nouvelles techniques, objets ou mission), le jeu sauvegardera, mais même pas.
Se pose donc le problème des objets achetés. On achète des potions, par exemple, mais on meurt au combat suivant. Soit. On réapparaît alors de nouveau à côté de l’autel précédent et on se redirige vers le combat, sauf que, oups, le jeu n’a pas enregistré nos achats précédents, et on se retrouve démuni pendant l’affrontement. C’est vraiment bête comme erreur, mais on en a souffert plusieurs fois. Tout comme le fait que, surtout sur la fin, nous n’ayons pas la possibilité de nous reprocurer des objets avant un combat de boss, nous obligeant à le faire sans le plein de potions dans certains cas.
Ninja Gaiden 4 a plusieurs « mini » problèmes de ce type, lesquels pourront, en majorité, être corrigés à la faveur d’un patch, mais en l’état, ce sont plein de petites choses qui ont quand même pollué notre appréciation globale du titre. Alors certains sont compensés, comme le fait qu’en mourant à plusieurs reprises contre un boss, notre maître Tyran nous offre des objets au gré de nos résurrection, mais n’aurait-il pas été plus judicieux de nous proposer un marchand juste avant l’affrontement ?
Nous avions raison d’avoir peur. Ninja Gaiden 4 ne veut pas que notre bien. Il est difficile, violent et intransigeant pour le joueur cherchant à faire son aventure en dilettante. Et même dans son mode de difficulté normal, certains combats se méritent. En cela, il nous rappelle parfaitement la philosophie des précédents opus qui exigeaient une attention de tous les instants pour ne pas se faire rouster à chaque coin de rue. Mais on ne nous a pas laissés démunis et le gameplay proposé nous a fait frissonner d’un bout à l’autre de l’aventure.
Car quand il s’agit de nous faire découper du monstre, Ninja Gaiden 4 nous propose une partition presque parfaite. Frénétiques, sanglants mais surtout techniques et précis, les affrontements demanderont certes un temps d’adaptation avant d’en maîtriser leurs timings, mais une fois acquis, c’est un véritable ballet sous une pluie d’hémoglobine qui nous est offert. On regrette alors d’autant plus toutes ces petites erreurs vraiment bêtes (comme son système d’auto-save mal goupillé) ou le fait que le titre passe à côté de son sujet lorsqu’il s’agit de nous proposer des à-côtés (comme avec ces défis artificiellement ardus ou ses missions secondaires pas bien folichonnes), même si ce qui risque de faire tiquer le plus, c’est sa répétitivité globale, renforcée par un bestiaire certes intéressant mais plutôt restreint.
On dit souvent que c’est à travers ses imperfections qu’on peut aussi apprécier une expérience. Clairement, le titre de Team Ninja et PlatinumGames est imparfait, mais ce qu’on attend de lui, il le fait excellement bien et, même après avoir achevé l’aventure, on a à nouveau envie d’y retourner pour progresser et atteindre les meilleurs scores dans chaque niveau. Il ne s’adresse certainement pas à tout le monde, et il n’est pas impossible qu’il relance le débat sur la difficulté dans le jeu vidéo, mais pour le fan de la trilogie que nous sommes, Ninja Gaiden 4 est peut-être la meilleure suite dont nous pouvions rêver.