Le jeu vidéo est peut-être le seul média où l’annonce d’un second opus ne s’accompagne pas d’une inquiétude fondamentale : est-ce que ce sera au niveau du premier ? En réalité, les suites peuvent même s’avérer salvatrices. C’est le cas pour Monster Hunter Stories, le jeu qui nous intéresse ici.
Monster Hunter est une licence qu’on ne présente plus. Vingt ans d’histoires cette année, plus de vingt-cinq jeux sortis à ce jour, sur tous les supports possibles et imaginables : au Japon, la licence fait depuis longtemps partie des grands classiques, mais chez nous, cela a pris un peu plus de temps. Plus précisément, il a fallu attendre Monster Hunter World, en 2018.
Avec une localisation particulièrement réussie et un gameplay accessible aux néophytes de la licence, Monster Hunter World a jeté la lumière sur une licence qui tendait à se faire assez discrète : suffisamment discrète pour que le public occidental passe entièrement à côté d’un spin-off publié en 2017 sur 3DS. Ce spin-off présente une aventure qui traduit le style de jeu nerveux et exigeant de la licence en J-RPG au tour par tour, Monster Hunter Stories. Ainsi, plutôt que de chasser les monstres, le joueur est invité à se former une équipe avec ses bestioles favorites pour vivre une aventure simple, mais efficace.
(Test de Monster Hunter Stories réalisé sur Nintendo Switch à partir d’une version du jeu fournie par l’éditeur)
Il faut attendre 2021, et la sortie de Monster Hunter Stories 2 pour que le projet soit remarqué. À ce moment, la 3DS est complètement dépassée et malgré plusieurs sorties sur mobile, le premier opus se fait particulièrement discret. Cependant, Capcom refuse de laisser le jeu 3DS tomber dans l’oubli, c’est en grandes pompes qu’il sort remasterisé sur Nintendo Switch, seul, ou en pack deluxe avec Monster Hunter Stories 2.
Ce remaster, en plus de surfer sur une vague rétro, fait d’une pierre deux coups, puisque c’est l’occasion pour les joueurs ayant pris le train en cours de route avec Monster Hunter Stories 2 en 2021 de découvrir le point de départ de la série de spin-offs. Et elle est bien là, la difficulté : Monster Hunter Stories s’aventure sur les plates-bandes de deux rivaux. D’une part, sa suite directe, censée être un jeu construit sur les bases qu’il pose, et, d’autre part, Pokémon, le porte-étendard du genre. Nous pouvons donc nous demander si le jeu saura se démarquer pour trouver son propre public, ou s’il ne reste qu’une anecdote apposée à la fin de sa propre suite.
On prend les mêmes et on recommence (mieux)
Puisqu’il est le remaster d’un jeu déjà particulièrement réussi, Monster Hunter Stories partait déjà sur de très solides fondations, sur lesquelles Capcom a su capitaliser de manière efficace pour proposer une expérience résolument plaisante. D’emblée, les équipes de Capcom ont encore une fois mis les bouchées doubles pour donner vie à l’univers de Monster Hunter. Des visuels retravaillés aux dialogues du scénario qui ont été entièrement doublés à l’occasion de cette sortie, le remaster de Monster Hunter Stories est particulièrement soigné.
Ces attentions particulières permettent d’élever en partie l’expérience de jeu. Les doublages en particulier permettent de pallier les animations du titre, qui, prévues à l’origine pour une 3DS, manquent de finesse. Ce n’est pas non plus un problème majeur, d’autant que le jeu adopte une esthétique très cartoon qui explique les mouvements exagérés des personnages et les proportions des monsties, les monstres qui ont été domptés par le joueur. Ceux-ci sont également variés, colorés et particulièrement réussis. Le style du titre réussit à rendre attachantes des créatures pensées pour être impressionnantes et menaçantes lors de leur conception originale.
Et tant mieux qu’elles soient attachantes, car l’enjeu principal de l’histoire, c’est bien de les préserver face à la menace du fléau noir, qui perturbe l’équilibre de l’écosystème en rendant certains monstres très agressifs et dangereux. Un scénario en somme classique, mais rondement exécuté.
De toute manière, ce n’est pas le scénario qui doit porter le jeu, mais bien son système de combat si singulier pour la licence. Monster Hunter Stories est la première tentative de J-RPG plus traditionnel des équipes de Capcom, et le résultat est déjà particulièrement solide. Fondamentalement, le combat se fait à coup de parties de pierre-feuille-ciseaux entre l’ennemi et notre équipe. Il faut donc connaître quelles sont les préférences de chaque monstre et monstie pour pouvoir remporter chaque partie. Sous cette apparente simplicité, ce premier opus présentait déjà une profondeur inattendue : les mordus de la licence seront récompensés puisque les monstres conservent les mêmes comportements et habitudes. Par exemple, certaines attaques puissantes peuvent être parées si l’on utilise l’objet adéquat sur le monstre lors du tour de charge.
Des connaissances qui pourront s’avérer salvatrices : les combats entre joueurs font leur retour dans ce remaster. Dès lors que l’arène est débloquée, il est possible de prendre part à des combats en ligne. Ces connaissances, ainsi qu’une préparation de bons monsties, feront très certainement la différence au cours d’un combat difficile.
C’est en forgeant qu’on devient forgeron…
Vous l’aurez compris, Monster Hunter Stories est bourré de qualités. Capcom a mis les bouchées doubles pour proposer un titre engageant, riche et fun. Cependant, ça, c’était déjà le cas en 2017. Et force est de constater que Capcom, souhaitant proposer une expérience fidèle au premier opus, ne peut se défaire de certaines faiblesses du titre. Elles étaient pardonnables dans le jeu d’origine sur 3DS. Sur Switch, c’est une autre paire de manches. Encore plus lorsque Monster Hunter Stories 2 a pu régler ces soucis. La faiblesse la plus évidente du titre, ce sont les environnements. Les villes sont belles et pleines de vie, mais dès que l’on en sort, l’environnement manque de détails.
C’est surtout dommageable lorsque la Switch est utilisée comme une console de salon. Monster Hunter Stories reste un jeu de console portable, et le travail sur les visuels de ce remaster, aussi riche soit-il, ne peut pas effacer cet aspect fondamental du jeu. Cette faiblesse visuelle se traduit également lors des combats, puisque beaucoup d’effets visuels du jeu sont pensés pour rendre visibles les chiffres et les textes sur le petit écran d’une 3DS. Ils paraissent donc grossiers dès lors que la taille de l’écran n’est plus un problème.
De plus, le titre fait également les frais d’être… le premier. Ainsi, si beaucoup d’aspects sont très réussis, le jeu n’est pas forcément optimisé efficacement. C’est pourquoi il est difficile de naviguer dans certains menus. La forge en particulier souffre de ce manque d’optimisation. Là où le second opus permet de voir rapidement les éléments requis pour forger une arme ou une armure, Monster Hunter Stories présente ce menu sous forme de quêtes. C’est peu pratique, car il est difficile de s’y retrouver et, si l’on a tendance à être indécis, ne pas voir le coût de chaque création devient vite un problème. Pour peu qu’on veuille forger plus que ce que les matériaux accumulés ne permettent, on est bon pour retourner dans la nature pour chasser du monstre.
Un retour dans la nature qui peut être frustrant si le monstre que l’on chasse est éloigné. Si le trajet sur un monstre terrestre peut être rébarbatif tant les environnements ne font pas rêver, nous ne sommes pas non plus convaincus par le voyage aérien. Là où c’est une force indéniable de l’opus Switch, la mécanique de vol du premier opus est une réelle faiblesse du titre. À la décharge de Capcom, il est clair que les développeurs ont réfléchi cette mécanique pour retranscrire un réel sentiment de liberté… pour peu que l’on accepte de ne pas pouvoir décider de la hauteur de vol. Ou de ne pas pouvoir atterrir n’importe où. Ou de devoir avoir l’impression de manœuvrer un camion pour demander à son dragon d’atterrir…
Cependant, ces problèmes sont, en fin de compte, l’acabit du remaster : Monster Hunter Stories est un jeu de 2017. Il témoigne du travail de Capcom sur les balbutiements d’une série de spin-offs réussie. Un travail que Capcom met en valeur, puisque certains des concept arts et des musiques du jeu peuvent être appréciés dans le mode musée du jeu. Il s’agit clairement d’un ajout gimmick, puisqu’il n’a pas vraiment valeur de making of, il n’enseigne que peu de choses sur le développement du jeu, bien qu’il soit toujours agréable de pouvoir jeter un coup d’œil à l’art dont sont faits les jeux.
Vous l’aurez compris : nous sommes conquis par Monster Hunter Stories. Capcom propose un retour dans le passé avec ce remaster réalisé avec attention. Nous étions de ceux qui avaient découvert la série avec Monster Hunter Stories 2, c’est avec curiosité que nous avons lancé Monster Hunter Stories. On y trouve déjà beaucoup des éléments qui feront le succès de sa suite et le jeu a en plus un charme qui lui est propre. La formule reste diablement efficace, encore plus si l’on est un joueur qui tend à préférer jouer sur Switch, au format console portable.
Cela dit, si l’on vient avec cette expérience, alors une certaine frustration sera inévitable face aux faux pas de ce premier opus, qui ont été corrigés sur sa suite directe. Il faut reconnaître que Monster Hunter Stories n’est plus la meilleure porte d’entrée à la série : Monster Hunter Stories 2, pensé et optimisé à partir des erreurs commises sur le premier, remplit mieux cette fonction. Si l’on ne peut recommander Monster Hunter Stories comme premier jeu à faire de la licence, il reste une solide addition à la collection de toute personne ayant apprécié l’opus Switch.