Atlus profite d’une année 2024 exemplaire ponctuée par des sorties à succès à l’instar de Persona 3 Reload, de Unicorn Overlord et de la nouvelle version de Shin Megami Tensei V. L’époque où il fallait patienter des années pour avoir la traduction de Persona 5 semble bien révolue. Désormais, l’éditeur et développeur japonais est devenu l’un des fers de lance du J-RPG dans le monde, et on ne peut que s’en réjouir.
Metaphor: ReFantazio, quant à lui, se paie même le luxe de dépasser le million de ventes dès son premier jour de commercialisation. Cette nouvelle licence est intrinsèquement liée à Persona, reprenant toutes ses mécaniques de jeu, mais enrobée de thématiques et d’un univers différents de l’habituel Japon contemporain. Pour le meilleur, comme pour le pire.
(Test de Metaphor: ReFantazio sur PC réalisé à partir d’une copie du jeu fournie par l’éditeur)
V’là que j’m’arrache le cœur pour combattre
Nous sommes en terrain connu ici, la nouvelle aventure d’Atlus reprend tout l’essence qui a fait le succès de sa série phare : liens sociaux à entretenir avec ses alliés, construction de la progression basée sur un calendrier, nombreuses activités à faire pour renforcer ses statistiques, mais seulement en partie son système de combat. Adieu les démons à capturer et fusionner tels des Pokémon à l’esthétique tantôt tourmentée, tantôt aux courbes phalliques, et bienvenue aux archétypes !
S’il y a bien une chose que l’on ne peut reprocher à Metaphor: ReFantazio, c’est son système de combat au tour par tour. On reprend la base déjà existante de la licence Megaten, c’est-à-dire son système de faiblesses élémentaires qui donne une action supplémentaire au joueur s’il attaque dans le bon élément, rendant les combats fluides et satisfaisants.
On ajoute à cela ces fameux archétypes, qui sont en fait des jobs, interchangeables à volonté hors des combats pour tous nos personnages, et qui bénéficient d’évolutions en fonction de la progression de nos différents liens sociaux. Chaque branche de classe est affiliée à l’un de nos alliés et à la progression de son lien social.
Fait rare, il est primordial de changer d’archétype au fil de nos pérégrinations et en fonction des ennemis rencontrés, tout en gardant un niveau de modulation fort appréciable en fonction de nos goûts. Ce qui est le signe d’un système de combat réussi. La communication du jeu a beaucoup été axée autour d’un mélange de tour par tour et de temps réel. Eh bien, sacrée poudre de perlimpinpin comme dirait l’autre.
Avant d’engager un combat, le joueur peut spammer un bouton pour donner des coups à un ennemi et faire descendre sa jauge d’endurance, ce qui entraînera une embuscade. Ah, et il y a aussi une roulade pour esquiver l’attaque de l’adversaire, qui, s’il vous touche, provoquera une embuscade à votre encontre. Bref, absolument rien d’un système de combat en temps réel.
Persona par-ci, Persona par-là
Metaphor: ReFantazio est donc construit sur un système de calendrier. Pour chaque objectif principal et certaines quêtes secondaires, vous aurez une date limite à respecter. Chaque jour, vous pourrez effectuer une activité différente l’après-midi et le soir. Cette structure héritée de Persona est totalement cohérente avec ce dernier, puisque vous incarnez un lycéen et que beaucoup de moments charnières du jeu font corps avec ceux d’un étudiant : examens, vacances, voyages scolaires, etc.
Il en va de même pour le développement des liens sociaux, la sphère scolaire étant un lieu central où l’on façonne sa personnalité et où l’on se construit, notamment grâce à l’apprentissage du processus de socialisation. Ici, ça ne fait pas sens. Ces mécaniques semblent avoir été rentrées au forceps pour surfer sur une formule gagnante, et il est plus frustrant qu’autre chose de toujours courir après la montre seulement pour une contrainte artificielle.
Notre héros pourra aussi gagner en popularité si l’on accomplit des missions secondaires, mais c’est encore une fois totalement factice. Cette cote de popularité varie au gré du scénario, laissant souvent penser que nos actions auront des répercussions sur l’évolution de notre place dans le monde. Malheureusement, une impression qui ne cesse de grandir s’installe : celle que le jeu nous prend parfois pour un idiot à nous faire miroiter des conséquences selon nos actions.
Le petit nouveau d’Atlus profite tout de même de beaucoup d’options d’ergonomie notables par rapport à la concurrence et qui rendent l’expérience de jeu tout de même agréable : la possibilité de se téléporter facilement entre plusieurs quartiers et villes, ou encore de pourfendre les ennemis d’un seul coup sans rentrer en combat s’ils sont trop bas niveau. Vous pourrez aussi, à n’importe quel moment, savoir si un allié désire vous parler ou encore quelles sont les quêtes disponibles dans le monde. Bon, au moins, Metaphor: ReFantazio profite d’un cadre nouveau et rafraîchissant par rapport à ses aînés, hein ? Pas vrai ?
Coup dur pour le médiéval fantastique, mais au moins le méchant est sexy
Plusieurs tribus aux caractéristiques pas très originales (elfes, oreilles de chat, etc.) parcourent le Royaume d’Euchronia. Pas de chance pour son roi vieillissant, qui se fera assassiner dans la cinématique d’introduction par Louis Guiabern, capitaine des armées et antagoniste principal du jeu. Problème : l’héritier légitime, ami d’enfance du héros, est victime d’une malédiction depuis plusieurs années et ne peut donc pas reprendre le trône.
Vous rejoindrez la Résistance pour faire la peau au régicide, le soupçonnant aussi d’être à l’origine de la malédiction du Prince. Sur le point de réussir votre mission, une étrange magie protégera Louis et un énorme rocher portant le palais royal s’élèvera dans le ciel, le visage de l’ancien roi gravé dans celui-ci. Ce dernier annoncera un tournoi pour élire son successeur, et c’est le peuple qui choisira. Le héros participera donc à cette course à la popularité ouverte à quiconque, parsemée d’épreuves, mais avec toujours comme objectif principal de libérer le Prince du mal qui l’entrave.
Trois factions principales s’affronteront : les fanatiques religieux de l’Église Sanctiste, Louis prônant la méritocratie et l’athéisme, et enfin le héros bien lisse que vous êtes, et ses idéaux classico-classiques voulant sauver tout le monde.
Classique, c’est le bon mot pour décrire l’intrigue et le traitement des thématiques de Metaphor: ReFantazio, qui développe un propos autour de l’utopie et de l’équité des peuples, impossible à atteindre. Notamment au travers d’un parallèle entre la réalité et la fiction à laquelle nous jouons, des thèmes abordés d’une manière banale, auxquels nous sommes habitués depuis des dizaines d’années de J-RPG. Les monstres ravageant le royaume d’Euchronia s’appellent même les Humains. Subtilité quand tu nous tiens…
L’aventure connaît tout de même quelques coups d’éclat, certains personnages ayant des idéaux radicaux rafraîchissants et un peu moins simplistes que « le racisme, c’est mal ». L’antagoniste, Louis Guiabern, est aussi plutôt intéressant, même si ce n’est pas le méchant aux motivations les plus complexes et nuancées que l’ont ait connues. L’éveil de nos personnages à leurs archétype est aussi enrobé d’un propos autour du combat de l’anxiété au travers de la création de liens avec les autres, mais c’est honnêtement juste là pour faire joli, et ça ne bénéficie pas de plus de développement que ça.
Et comment oublier la technique déplorable du jeu, indigne de 2024 ? Les environnements ouverts paraissent bien vides et sans vie. C’est heureusement rattrapé par une direction artistique sympathique, mais surtout une interface utilisateur absolument sublime dont seul Atlus a le secret, ainsi qu’un character design de toute beauté toujours assuré par Shigenori Soejima.
Ne crachons pas dans la soupe : Metaphor: ReFantazio est un bon jeu, agréable à parcourir, avec un système de combat et de classe maîtrisé de A à Z. Mais il souffre énormément du fantôme Persona, dont on ne peut le séparer, se le traînant cruellement comme un boulet au pied (notamment à cause du calendrier qui n’a rien à faire là).
Mais ce sont principalement les propos insipides auxquels nous faisons face qui rendent l’aventure oubliable. Nous sommes à des années-lumière du traitement de la thanatophobie d’un Persona 3 ou de l’acceptation de la vérité du quatrième opus. Si Atlus voulait marquer un tournant avec cette nouvelle licence, c’est plutôt raté.