Initialement présenté sous le nom de Enigma Archives: RAIN CODE lors de sa révélation à l’automne dernier (quoique le projet était déjà en branle et connu depuis quelques années maintenant), Master Detective Archives: RAIN CODE a été imaginé et créé par toute la fine fleur aux origines de la saga Danganronpa, à commencer par son créateur Kodaka Kazutaka. Toujours accompagnés des principaux membres des équipes ayant développé la licence Danganronpa (déclinée en mangas, animés, romans et autres goodies à destination de ses très nombreux fans), ils ont choisi cette fois de changer d’univers, et par là même d’ambiance pour leur nouvelle création.
Pour autant, dès que les premières images du jeu ont été diffusées, la paternité de l’œuvre s’est immédiatement fait sentir. Mais alors, que peut-on attendre de Master Detective Archives: RAIN CODE ? Sommes-nous simplement en présence d’une extension d’une licence jusqu’à présent emprisonnée dans ses propres huis clos ? Et auquel cas, les nouvelles idées de gameplay et les différentes enquêtes sont-elles suffisamment intéressantes pour que les fans autant que les néophytes puissent y trouver leur compte ?
(Test de Master Detective Archive: RAIN CODE sur Switch réalisée à partir d’une copie fournie par l’éditeur)
Martin Mystère et Compagnie
Comme son nom l’indique, Master Detective Archives: RAIN CODE nous met dans la peau d’un (jeune) détective, à la houpette en forme de point d’interrogation, qui va devoir mener l’enquête pour résoudre les nombreux mystères qui se produisent en ville. Et quelle ville. Véritable personnage à part entière, Kanai Ward est un lieu étrange (aux multiples clins d’œil), à la fois très futuriste par sa technologie, mais également parfois particulièrement rétrograde dans ses choix, tenu d’une main de fer par l’Amaterasu Corporation. Une cité où la pluie ne cesse de tomber et dont émerge un magnétisme qui n’est pas pour nous déplaire.
L’ambiance générale qui se dégage du titre est même probablement l’un des atouts majeurs de Master Detective Archives: RAIN CODE. Grâce à des personnages hauts en couleur, c’est le moins que l’on puisse dire, et des dialogues percutants, nous avons été immédiatement happés par l’univers proposé. Bien sûr, on n’échappe pas aux habituels poncifs du héros amnésique, l’enquêtrice tête en l’air, la tsundere (personnage au premier abord agressive et hautaine qui finit par devenir amicale et affectueuse), le nonchalant, etc., mais encore une fois, leurs lignes de dialogues sont suffisamment intéressantes et drôles pour que l’on s’attache rapidement à eux.
Mais s’il y a bien un personnage central qui a réussi à faire mouche tout au long de l’aventure, c’est sans doute Shinigami, ce fantôme à l’origine de notre amnésie et qui nous hante en permanence. Complètement loufoque, capricieuse, jalouse et surtout obnubilée par le moindre mystère, en particulier ceux avec des morts (Shinigami signifiant littéralement Dieu de la Mort), lui provoquant parfois des réactions étonnantes, la faucheuse ne sera jamais avare en bons mots et aura su régulièrement déclencher de belles tranches de rigolades.
Ainsi, chaque personnage principal, mais pas seulement, a bénéficié d’un soin certain. Par leur écriture déjà, comme on vient de l’évoquer, mais aussi par leurs designs. Si les caractères de chacun sont exacerbés pour en faire des archétypes relativement binaires, leurs looks les rendent uniques et impactants. On pourrait éventuellement reprocher aux développeurs d’en avoir parfois un peu trop fait, pragmatiquement. Cela a pour conséquence aussi de les rendre bien plus facilement identifiables. Et dans un jeu d’enquête où tout le monde est potentiellement suspect, pouvoir rapidement et sans équivoque associer un nom à un personnage est un plus appréciable.
Chaque chapitre sera d’ailleurs prétexte à mettre en avant l’un des maîtres détectives de l’OMD (Organisation Mondiale des Détectives). Comment obtenir le statut de Maître ? Rien de plus simple, il suffit de disposer d’un pouvoir mystique particulier, lequel sera bien utile pour résoudre les enquêtes qui nous attendent. Au-delà donc de la résolution de ces différents crimes, nous faisons plus ample connaissance avec nos différents partenaires pour gagner leur confiance. Et, comme pour un anniversaire, nous prenons plaisir à découvrir quelles surprises nous ont été concoctées et quel pouvoir va de fait être mis en avant dans les phases d’investigation qui nous attendent.
Une Murder Party pas toujours mortelle
Malheureusement, c’est quand vient le moment de réellement jouer que les choses commencent à se gâter. Master Detective Archives: RAIN CODE se présente sous deux phases de jeu distinctes. Dans un premier temps, une fois que les contours du mystère ont été dessinés suite à quelques dialogues avec Shinigami et les différents locaux, nous sommes amenés à mener l’enquête. Les amateurs de Danganronpa ne seront pas dépaysés puisque, à la manière d’un Ace Attorney également, il nous faudra cliquer sur chacun des éléments importants de la scène de crime pour que différents indices soient répertoriés dans notre dossier.
Selon l’enquête, cette phase peut s’avérer particulièrement lente et mal rythmée. Manette en main, il n’y a vraiment rien de bien palpitant à simplement cliquer sur une icône, qui plus est indiquée précisément sur la mini-map. Une investigation qui n’en a que le nom. Alors certes, l’utilisation du pouvoir de notre partenaire varie parfois selon l’approche, mais globalement, cela ne changera pas grand-chose. C’est de fait surtout notre appétence personnelle envers les énigmes qui sera la clé de l’appréciation ou non de chaque chapitre.
Car pour ce qui est du mystère, on est servi et bien servi même. Entendons-nous bien, si on regrette la forme que revêtent les phases d’enquête, dans le fond, les affaires à résoudre sont palpitantes et nous grimer en Jessica Fletcher durant la petite trentaine d’heures de jeu qu’il nous a fallu pour boucler Master Detective Archives: RAIN CODE a été une excellente expérience. Ainsi, échafauder diverses théories sur le ou les coupables, identifier les possibles scénarii et finalement nous mettre à la place de notre petit détective sera la clé du ressenti global de l’aventure.
S’ensuit alors la vérification de nos différentes théories au travers de séquences bien plus actives. Shinigami, après une transformation en démone humanoïde ayant fait ressurgir nos souvenirs du Club Do’, invoquera ce qu’elle appelle le labyrinthe des mystères. Dans ce lieu hors du temps, nous devons surmonter chaque épreuve afin de découvrir la vérité qui se cache en son sein. Comment la victime est-elle morte ? Comment l’assassin s’est-il enfui ? Quel est son mobile ? Chaque problématique sera un prétexte pour challenger notre capacité à sortir les bons indices et arguments, le tout sous pression.
Hélas, si la pression est plus ou moins présente, nous invitant à appuyer sur le bon bouton au bon moment, ou à décoder une (mini) énigme dans un temps imparti sous peine de dégâts à notre barre de vie, il n’y a pas vraiment de quoi paniquer. Au contraire même, Master Detective Archives: RAIN CODE s’est révélé être d’une facilité déconcertante.
C’est assez dommage, car certaines scènes de crime sont de véritables casse-têtes, mais l’absence de réelles conséquences aux erreurs et le fait qu’elles soient autant morcelées pour être résolues dans le labyrinthe rendent plus ou moins caduques toutes les éventuelles envies de proposer un challenge mental digne de ce nom.
Une facilité encore accentuée par un arbre de compétences franchement dispensable, celui-ci machant beaucoup trop notre travail de déduction. En effet, en discutant avec les habitants de la Kanai Ward, en accomplissant des quêtes annexes, toutes plus insipides les unes que les autres, et, évidemment, en achevant les enquêtes principales, on obtient des PD. Ces Points de Détective servent alors de monnaie d’échange afin d’obtenir des avantages bien trop décisifs, tels que la suppression de mauvaises répliques dans les duels de raisonnement.
C’est comme si nous jouions à Qui Veut Gagner des Millions avec un 50-50 permanent. Alors certes, ces différents bonus sont éventuellement désactivables, mais même sans eux, les possibilités proposées pendant les combats mentaux sont assez évidentes.
Alors oui, les différentes séquences du labyrinthe des mystères sont réussies et nous y avons toujours passé d’excellents moments, les développeurs de Master Detective Archives: RAIN CODE ayant en plus eu la bonne idée de proposer de multiples variétés de gameplay. On regrette simplement qu’ils n’aient pas été assez loin pour rendre les enquêtes moins solubles.
Alors au final, y a-t-il vraiment une différence avec Danganronpa ? Fondamentalement, pas vraiment. On pourrait même dire que Master Detective Archives: RAIN CODE est un Danganronpa qui ne dit pas son nom. On aurait pu croire qu’en changeant d’univers et de contexte, la série se serait décloisonnée, mais dans les faits, malgré la présence d’une aire de jeu plus grande, l’aventure reste tout autant confinée. Ce n’est pas un problème en soi, mais finalement, pour un jeu aux personnages aussi fous, on est en droit de regretter que l’aventure manque un tantinet de folie.
On y retrouve donc les mêmes soucis, notamment de rythme ou techniques, ou des temps de chargement très présents et quelquefois assez longuets, mais également les mêmes qualités, avec des personnages et antagonistes particulièrement bien écrits et attachants, des enquêtes alambiquées comme on les aime et des rebondissements scénaristiques, que nous avons volontairement tus, mais qui valent le détour. Et cette ville… Quelle ambiance ! Quelle direction artistique remarquable !
Master Detective Archives: RAIN CODE s’est révélé être un très bon jeu qui parlera aux fans de la saga de Kodaka Kazutaka. Mieux encore, le titre, très (trop) accessible, est une excellente porte d’entrée pour les personnes ne connaissant pas ces aventures et souhaitant tenter l’expérience (et n’étant pas allergiques à l’humour japonais pouvant parfois être considéré comme douteux). D’autant que, contrairement aux Danganronpa (à l’exception du V3: Killing Harmony), Master Detective Archives: RAIN CODE a le bon goût de proposer une traduction, certes imparfaite, mais appréciable, dans la langue de Nabilla. Alors, pourquoi se priver ?