Onze ans. C’est le temps, presque une éternité dans le jeu vidéo, qu’il aura fallu attendre pour voir succéder un véritable nouvel opus à Mario Kart 8. Pour marquer le lancement de la Switch 2, Nintendo ne s’est pas contenté d’une simple mise à jour : avec Mario Kart World, c’est un passage à 24 pilotes, mode Survie et, surtout, l’introduction d’un monde ouvert.
Une révolution sur le papier, qui s’accompagne d’une autre nouveauté, bien plus controversée : un prix de vente fixé à 90 €. Ces ambitions nouvelles justifient-elles un tarif qui établit un nouveau record ?
(Test de Mario Kart World sur Switch 2 réalisé à partir d’une version commercialisée)
Un royaume à explorer tranquillement
Impossible d’évoquer ce Mario Kart World sans aborder sa nouveauté phare : le monde ouvert. Accessible via un mode « Balade », celui-ci se présente comme un immense terrain de jeu où l’on peut flâner librement, découvrir les tracés des circuits et dénicher quelques passages secrets. Malheureusement, le nom du mode est un peu trop bien choisi : on se balade, et c’est à peu près tout. Le Royaume Champignon, bien que visuellement réussi, sonne creux et les activités se font rares. Quelques interrupteurs « P » à activer ici et là ouvrent des mini-parcours chronométrés, mais leur récompense, de simples autocollants, peine à motiver. L’option de personnalisation, limitée à un sticker à la fois, reste malheureusement trop anecdotique.
Au milieu de cette quiétude, une réussite incontestable émerge : la mini-carte. D’une clarté et d’une lisibilité exemplaires, elle permet de naviguer avec une aisance déconcertante. On espère voir une telle qualité de design se démocratiser.
Et top à la vachette
Heureusement, ce monde ouvert n’est pas qu’un hub sous-exploité. Il s’intègre au cœur des Grands Prix en liant les circuits entre eux. Fini l’enchaînement de trois tours par course ; désormais, seule la première est traditionnelle. Les suivantes sont constituées du trajet sur la route ouverte menant au circuit, suivi d’un unique tour sur ce dernier. C’est une approche à double tranchant : d’un côté, la frustration de repérer un raccourci sans avoir un deuxième tour pour l’exploiter est bien réelle ; de l’autre, cette structure apporte une formidable variété. Un gain pour une perte, donc.
Mais c’est dans le nouveau mode Survie que cette structure devient absolument géniale. Le principe : une course-éliminatoire intense où les quatre derniers pilotes sont éliminés à chaque section. En enchaînant les routes sans chargement, le jeu offre une sensation de course-poursuite épique et continue. Intense, fun et parfaitement rythmé, le mode Survie est la grande réussite de ce Mario Kart World.
Olli Olli Kart
Vingt-quatre pilotes sur la ligne de départ, c’est la promesse d’un chaos deux fois plus grand. Et le jeu tient parole. Le retour d’objets iconiques comme le Méga Champignon et l’arrivée de la Plume transforment chaque course en un joyeux pandémonium. C’est plus injuste, plus imprévisible, mais c’est l’essence même de Mario Kart, et à plusieurs, ce bazar organisé est plus amusant que jamais.
Pourtant, la plus grande révolution se cache derrière ce chaos apparent, dans la profondeur de son gameplay. Nintendo a choisi de bousculer onze ans d’habitudes. Exit les configurations de pneus et de deltaplanes ; on revient à des véhicules aux statistiques fixes, mais dont le nombre conséquent permet à chacun de trouver son style.
Le véritable changement vient de l’ajout de nouvelles mécaniques : le wallride, le « slide » sur les barrières, et surtout, une technique de saut chargé en ligne droite qui vient rebattre les cartes. Cette mécanique, qui respecte à merveille la philosophie « simple à apprendre, difficile à maîtriser », promet des optimisations et des raccourcis ahurissants pour les experts. On notera également la possibilité bienvenue de viser avec les carapaces via le stick droit, un ajout tactique non négligeable sur des circuits désormais plus larges. Il faut tout réapprendre, et c’est passionnant.
Des circuits à la hauteur du pilotage
De nouvelles mécaniques ne seraient rien sans des circuits conçus pour les magnifier, et sur ce point, Mario Kart World répond brillamment présent. Le « level design » est une réussite, proposant des tracés inspirés qui reprennent le crédo du jeu : faire du neuf avec du vieux, mais avec qualité. Les anciens circuits sont magnifiés, intelligemment retravaillés pour offrir un délicieux shot de nostalgie sans sacrifier le plaisir de la découverte. Quant aux nouvelles pistes, elles exploitent à merveille la verticalité et l’agilité des karts. La palme revient à la nouvelle Route Arc-en-ciel, magnifique et vertigineuse, qui s’impose comme un véritable bouquet final épique, mettant à l’oeuvre tout le savoir faire de Nintendo.
Un multijoueur limité dans ses fonctionnalités, moins dans ses tracés
Côté multijoueur, le jeu souffle le chaud et le froid. On retrouve avec une certaine déception les mêmes fonctionnalités qu’auparavant, avec un système de lobby qui semble figé dans le temps, rendant toujours aussi archaïque le fait de vouloir simplement rejoindre ses amis dans un même hub.
Pourtant, une fois en course, le système de vote entre les épreuves change la donne. À la fin de chaque course, les joueurs votent pour l’une des trois destinations connectées, ou pour un circuit aléatoire. Cette mécanique démultiplie non seulement la variété des enchaînements, mais elle permet surtout de découvrir des embranchements de routes inédits, que l’on ne parcourt qu’en multijoueur. Une excellente surprise qui apporte une fraîcheur inattendue aux sessions en ligne.
Une vitrine technique pour la Switch 2
En tant que porte-étendard de la nouvelle console de Nintendo, Mario Kart World se devait d’être irréprochable techniquement. Le pari est réussi. Sans être une claque graphique révolutionnaire, le jeu est d’une propreté éclatante et tourne dans une 4K à 60 images par seconde d’une stabilité à toute épreuve. Seul le mode multijoueur en ligne pourra faire tousser très légèrement la machine, mais rien qui ne puisse servir d’excuse face à votre prochaine carapace bleue reçue à 5 mètres de la ligne d’arrivée.
Après une si longue attente, Mario Kart World est une proposition audacieuse et paradoxale. D’un côté, Nintendo réinvente brillamment le cœur de son expérience : le mode Survie est une réussite totale, le chaos à 24 est fun et maîtrisé, et les nouvelles mécaniques de pilotage offrent une profondeur technique qui passionnera les joueurs sur le long terme. Le tout, porté par une réalisation impeccable.
Dommage, donc, que la nouveauté la plus mise en avant, le monde ouvert, tombe un peu à plat. Son intégration dans les Grands Prix est une idée intéressante apportant beaucoup de variété, mais quelque peu clivante, tandis que son mode « Balade » s’avère trop vide pour convaincre. La question des 90€ trouve alors sa réponse ici : si vous cherchez une révolution en monde ouvert, vous serez déçu. Mais si vous venez pour ce que Mario Kart fait de mieux – des courses intenses, un gameplay profond et un multijoueur qui vous fera passer par toutes les humeurs –, alors ce nouvel opus justifie son statut de suite majeure. Une suite brillante dans son gameplay, mais imparfaite dans son emballage.