Le China Hero Project est une initiative lancée par PlayStation visant à soutenir les jeux indépendants chinois prometteurs. Un support financier, technique et marketing inestimable pour ces studios qui a permis de faire émerger des titres très réussis tels que F.I.S.T.: Forged in Shadow Torch, ANNO: Mutationem ou Hardcore Mecha. Lost Soul Aside, aussi issu de cette initiative, fut d’abord le projet d’un seul homme, Bing Yang, qui, depuis 2014 buchait pour en faire une réalité. Ainsi, avec l’aide de PlayStation, le studio Ultizero accueilli de nombreux renforts pour faire croître l’équipe de développement jusqu’à une trentaine de personnes, permettant de conclure une aventure de plus de 10 ans.
Un rêve qui s’est cependant heurté à la réalité du marché et qui a abouti à une sortie particulièrement chaotique. Disponible depuis le 29 août en exclusivité pour le PS5, le titre, pourtant très attendu, n’a bénéficié d’aucune couverture médiatique ou presque avant sa sortie. Même les sites d’information les plus populaires n’ont pas eu accès au jeu en amont de sa sortie. Une situation qui sous-entend, généralement, que le jeu ne répondrait pas aux attentes placées en lui et donc qu’on chercherait à retarder la chute du couperet (récemment, MindsEye a utilisé ce stratagème).
Et effectivement, quand la presse et les joueurs ont pu mettre la main sur une copie du jeu, nombreux ont été ceux à être déçus. Avant de le recevoir, nous avions aussi tenté l’expérience, via la démo mise à disposition sur le store, et il faut bien reconnaître que le résultat n’était pas très enthousiasmant. Pour autant, il ne faut pas juger un jeu à sa démo et nous nous sommes finalement lancés dans une aventure qui ne pouvait pas nous décevoir plus qu’on ne l’était avant de nous y plonger. Et si c’était là le meilleur moyen de l’apprécier ? Lost Soul Aside ne serait-il pas finalement un bon jeu trop perçu comme le blockbuster qu’il n’aurait jamais pu être ?
(Test de Lost Soul Aside sur PS5 réalisé à partir d’une version fournie par l’éditeur)
Lost Final Fantasy Aside
Avant même sa sortie, les sources d’inspirations de Bing Yang étaient plutôt claires. Difficile de ne pas faire le rapprochement, physiquement du moins, entre Kaser, personnage principal du récit, et Noctis de Final Fantasy XV et cette filiation avec la saga de Square Enix est loin de s’arrêter là. La mise en scène de notre arrivée dans la capitale impériale, après une séquence d’introduction qui se voulait épique, la manière dont on est amené à parcourir cette ville ou même la mise en scène des premiers affrontements nous évoque cette saga. Reste que le problème est qu’Ultizero Games ne dispose pas des mêmes moyens et le résultat s’en ressent fortement.
C’est d’ailleurs là l’un de ses principaux problèmes. Lost Soul Aside donne l’impression d’être un jeu qui a dix ans, voire plus. Alors, concrètement, c’est effectivement le cas, mais, avec un développement à l’aussi long court et l’apport technique de PlayStation, on aurait pu s’attendre à ce que l’ensemble bénéficie d’une mise à niveau plus conforme aux productions actuelles. On ne parle même pas de passer sur un moteur plus récent, l’Unreal Engine 4 sur lequel tourne le jeu étant capable de prouesses impressionnantes encore aujourd’hui, mais, par exemple, voir notre personnage se placer de manière mécanique pour être à un endroit précis avant de lancer un dialogue est difficilement acceptable aujourd’hui, un élément parmi tant d’autres qui aurait du être retouché bien avant la sortie du jeu.
On pourrait parler là de détails, mais c’est l’accumulation de ce genre de détails, avec des transitions abruptes entre cinématiques et gameplay, des animations dupliquées sur des ennemis côte à côte, sans une once de camouflage, des murs invisibles de partout, etc. qui donnent un ensemble un aspect chaotique très peu convainquant. Alors, ce n’est pas grave en soi, et en prenant en considération sur scope « indie » du jeu, on ne peut pas avoir les mêmes exigences qu’avec un titre avec des moyens et ambitions à la hauteur des capacités de la PS5, mais cela n’est fait pas moins tâche pour autant.
Malgré tout, cela ne nous a pas empêché de prendre du plaisir sur le titre, sans que l’on ne sache vraiment pourquoi d’ailleurs, étonnamment. L’histoire en elle-même n’est pas bien palpitante, tombant dans les clichés les plus éculés. Lors d’une mission avec LUEUR, groupe révolutionnaire affichant son opposition à l’empereur millénaire, une invasion de Kenostrix, des monstres venu d’une autre dimension et contrôlés par le grand méchant Aramon se déclenche. Durant la bataille, la sœur de Kaser, héros de l’aventure, se fait aspirer son âme par l’une de ces créatures.
Vous l’aurez deviné, notre mission est de retrouver l’âme perdue de notre sœurette. Et pour continuer dans le cliché, notre rencontre avec Arena, autre entité millénaire et ennemie d’Aramon va nous entrainer dans une quête pour sauver le monde. Globalement, il n’y a pas grand-chose à sauver de l’histoire ou même de sa narration. L’ensemble fait kitch et on a plus l’impression d’être face à un nanard se prenant trop au sérieux pour son propre bien qu’autre chose. D’autant que les dialogues, incessants et globalement inintéressants, entre Kaser et Arena ne nous donnent pas envie de nous impliquer outre mesure. Nous gentils, eux méchants, et c’est à peu près tout ce qu’il y a à comprendre.
Spam carré pour gagner
Et pourtant, nous y avons pris du plaisir. Il faut dire que tout est assez simple, à défaut d’être original, et on ne se prend jamais la tête à assimiler des mécaniques complexes. On éteint simplement notre cerveau et on se laisse guider. Impossible de se perdre d’ailleurs, Lost Soul Aside est une grande ligne droite du début à la fin. Pas même une quête annexe à se mettre sous la quenotte ou une exploration un tant soit peu poussée.
En soi, un titre aussi linéaire n’est pas particulièrement problématique, au contraire même. Il est souvent plus plaisant de parcourir une longue ligne droite maîtrisée que se balader sur une immense plaine d’ennui. On nous propose même parfois quelques phases de plate-forme ou de réflexion (même si le mot est fort) assez salutaires pour le rythme du jeu, quoi que celles-ci restent plutôt basiques. Mais parler de maitrise ici serait exagéré. Si les zones se parcourent agréablement, il y a un réel souci de cohérence dans la direction artistique de l’univers.
Si l’histoire le justifie grossièrement, on passe régulièrement d’une imagerie fantastique, avec ses plaines, forêts ou ruines typiques du genre, à un monde de science-fiction bourré de machines futuristes et d’environnements métalliques (mais avec les mêmes monstres dans les deux dimensions, histoire de renforcer l’incohérence de l’ensemble). On s’y fait, certes, mais ca donne quand même l’impression d’un univers foutraque dans lequel le créateur à empilé les uns sur les autres des concepts et éléments visuels qui lui plaisaient, et qu’importe l’harmonie de l’ensemble.
Autre exemple qui va dans ce sens, Liana : la jeune fille nous sert notamment de point de sauvegarde, de craft et quelques autres joyeusetés du genre. On la croise régulièrement durant l’aventure (de manière pas toujours pertinente, mais passons) et sa présence s’intègre logiquement dans le lore de Lost Soul Aside. Mais pourquoi l’avoir cosplayée ? Il n’y a aucun sens à part mettre du fan service pour (se) faire plaisir. On est généralement client de ce genre de fan-service, mais là, c’est purement gratuit et dénote dans l’univers du jeu, ce qui, encore une fois, nuit à l’harmonie et la cohérence de l’univers du jeu.
Encore une fois, c’est du détail qui ne gêne en rien notre progression dans ce long couloir. Un circuit bien balisé entrecoupé de « poches » d’affrontements visant à mettre en avant l’unique socle sur lequel repose le titre : son système de combat. Pourtant, il ne casse pas trois pattes à un canard : deux boutons d’attaque, forte ou rapide, une esquive, un contre, une transformation et c’est à peu près tout.
Mais finalement, il n’y a pas toujours besoin de faire compliqué. Et puis, avec notre cerveau posé à côté, on peut tranquillement s’amuser à spammer les boutons d’attaques et à admirer Kaser virevolter dans tous les sens à l’écran. Au fil de l’aventure, on est d’ailleurs amené à débloquer de nouvelles armes, (épée longue, double-lame et faux), chacune associée à un arbre de compétences renfermant de nouveaux combos et personnalisables via un système d’équipement classique mais efficace, ce qui permet de naturellement varier les plaisirs et (légèrement) renouveler l’approche des affrontement..
Alors évidemment, le titre devient rapidement répétitif, aussi parce qu’on se rend très vite compte qu’un ou deux combos différents suffisent à écraser à peu près tout ce qui se présente sous notre lame. Aussi, on ne ressent globalement aucun impact dans nos frappes, quelque soit l’arme utilisée, donnant l’impression de taper dans le vide, quand bien même la barre de vie ennemis fond sous nos coups. Heureusement, le jeu étant relativement court (entre 15 et 20 heures pour en voir le bout), on arrive plus ou moins à s’en accommoder.
Ce qui est bien plus problématique, c’est le bestiaire, déjà pas bien folichon que ce soit en termes de quantité que de design, et notamment ses boss et mini-boss. Lost Soul Aside souffre du syndrome, un peu trop répandu dans les jeux du genre, du mob « sac-à-PV ». Passer une dizaine de minutes, voire plus, sur le même monstre à trois ou quatre paterns à taper comme un sourd dans son corps en mousse pour finalement réussir à casser sa garde, lui infliger de lourds dégâts à l’une de ses deux ou trois barres de vie et recommencer jusqu’à ce que mort s’ensuive, ce n’est pas bien palpitant. Et si en plus on meurt durant l’affrontement et qu’on doit tout se retaper de zéro, quel enfer !
Heureusement, le titre n’est globalement pas bien difficile, malgré des problèmes qui nous ont amenés à devoir recommencer ces combats, tels qu’un lock et une caméra parfois incontrôlables, le manque de retour visuel quant aux (horribles) altérations d’état subits, les attaques illisibles, et parfois hors-champ, de certains ennemis… malgré toute notre bonne volonté, Lost Soul Aside éprouve régulièrement la patience de ses joueurs. Et pourtant, on continue, car le fond de jeu reste bon, le système de combat fonctionne et les paterns s’appréhendent correctement, ce qui rend d’autant plus frustrant le fait que tout le reste ne suive pas…
Difficile d’être trop sévère avec Lost Soul Aside, un titre dont PlayStation laissait entendre qu’il était majeur pour son catalogue PS5 alors qu’il reste, à la base, le projet d’un seul homme. Alors effectivement, il n’y a pas grand-chose qui va, avec une histoire pas bien intéressante, enchainant clichés sur clichés, des incohérences dans son univers et ses personnages et d’ordre général son côté daté omniprésent. Pourtant, on a envie de l’aimer et il peut facilement entrer dans la catégorie des petits plaisirs coupables.
Son système de combat, malgré l’absence regrettable d’impact lors des attaques et ses boss sacs-à-PV, s’est révélé très efficace (mention spéciale à la double-lame, un plaisir à manier). Alors effectivement, il peut se résumer à du spamming de bouton, avec des contres ou esquives à placer au bon moment, mais parfois, il n’en faut pas plus et Lost Soul Aside nous permet au moins de prendre du plaisir à taper sur tout ce qui bouge comme un barbare tout en virevoltant partout à l’écran, fauchant le moindre monstre à portée de lame.
In fine, qu’en retiendra-t-on ? Probablement pas grand-chose, malheureusement. Boss, protagonistes ou antagonistes, univers… rien ne sort vraiment du lot et Lost Soul Aside ressemble plus à un projet de quelqu’un qui cherchait uniquement à se faire plaisir en y ajoutant tout ce qu’il aime plutôt qu’un titre ayant les épaules pour se démarquer de ses sources d’inspirations. Et c’est sans doute là son plus gros problème. En le présentant comme une future pépite venant de Chine plutôt que comme le projet passion d’un petit artisan vidéoludique, c’est peut être finalement PlayStation lui-même qui a plombé le potentiel succès du titre.