Il va être compliqué de ne pas évoquer Stray, le jeu de chat dans un monde cyberpunk sorti en 2022, pour raconter Little Kitty, Big City. Le titre de BlueTwelve Studio avait impressionné dans sa façon de mettre à l’écran un chat plus vrai que nature, et imposé une sorte de nouveau mètre étalon. Pourtant, jouer un chat dans un jeu vidéo ne date pas de Stray. The Good Life, sur le Game Pass déjà, fin 2021 proposait d’incarner un félin, tout comme Rain World (2019), The Purring Quest (2018)… On pourrait évoquer Gravity Rush, le classique PS Vita dans lequel le chat à un rôle prépondérant (et dont l’héroïne n’est pas baptisée Kat par hasard), ou Morgana, de Persona 5. Et pour remonter plus loin encore, l’éditeur Loriciel (1983-1994) avait pour logo un chat domestique jouant avec sa pelote de laine.
Le chat a donc une place de choix dans l’histoire du jeu vidéo. C’est dans ce contexte qu’on aborde Little Kitty, Big City, dernier jeu de chat en date, qui vise à faire ronronner les joueurs dans l’exercice difficile de l’open-world tout public
(Test de Little Kitty, Big City sur Xbox Series X réalisé via une copie commerciale du jeu)
On joue à chat ?
On l’avait vu avec Stray, il y a une véritable satisfaction à jouer au chat dans un jeu. Au vrai chat, celui qui fait le dos rond en trainant dans les pattes des humains, celui qui, à la vue de la première boite en carton, se jette dedans comme Picsou dans une piscine de pièces, et surtout celui qui, de petits coups de patte qui paraîtraient presque innocents, fait tomber à peu près tout ce qui peut se trouver près d’un bord.
Toutes ces activités feront bien l’objet de missions secondaires dans Little Kitty, Big City, aux côtés du ramassage de collectibles, de puzzles environnementaux ou de la chasse aux moineaux (qu’on laissera évidemment repartir après leur avoir démontré notre supériorité féline : c’est un jeu familial).
Exactement comme dans Stray (la comparaison reviendra souvent), le jeu commence par une longue chute à l’issue de laquelle notre avatar de matou se retrouve perdu dans une cité inconnue. L’objectif de ce chat d’intérieur pas du tout rodé à la vie de gouttière sera donc de réussir à rentrer chez lui. Mais avant de retrouver son chez-lui, le minou vivra une série de micro-aventures faites de rencontres, d’exploration, de plates-formes et d’énigmes environnementales.
Untitled Cat Game
Le jeu est ainsi un open-world en terrain de jeu réduit. La carte se limite à un quartier d’une grande ville que l’on devine japonaise. Graphiquement, on n’est pas très loin de ce que nous avait proposé Swery65 avec TheGoodLife. Des dessins très naïfs, pas loin du low poly, mais aussi très colorés. On pense également au style de Untitled Goose Game, où l’on n’incarnait pas un chat cette fois, mais une oie, avec le même genre d’applat de couleurs, et ces humains presque sans visage (après tout, ils se ressemblent tous, ces bipèdes… !).
D’ailleurs, Little Kitty, Big City nous propose régulièrement de jouer les troubles fêtes, comme l’oie d’Untitled… : piquer le déjeuner d’une jardinière, subtiliser le téléphone d’un promeneur, casser les pots de confitures vendus chez le primeur ou simplement faire trébucher les passants pour le plaisir de les voir de rétamer le nez contre le bitume (un succès est associé à cette activité !).
Si les graphismes sont relativement modestes (mais portés par une D.A. réussie qui masque bien le manque de moyens), les animations sont elles très bien exécutées. Comme dans Stray (et après on arrête cette comparaison), les mouvements du chat sont criant de vérités, de la démarche à la façon de coucher ses oreilles quand il court, les positions caractéristiques (la toilette, l’étirement…) sont à découvrir au court de l’aventure et font office d’emotes (comme les danses de Fortnite) complètement gratuites, n’ayant d’autre but que d’être admirées.
Little Game, Big Memories
Le jeu est court et plutôt facile, et se boucle en ligne droite en 2h, 2h30 (comptez le double, voire un peu plus, pour le 100%). Ce sera une bonne introduction à l’open world pour un(e) jeune joueur(se), où quelqu’un pratiquant le jeu vidéo de façon très occasionnelle. Le public plus aguerri, pour le peu qu’il possède une petite tendresse pour les félins, se satisfera néanmoins de pouvoir jouer un chat malicieux, aussi serviable qu’il est capable de jouer des mauvais tours, et, question gameplay, se concentrera sur les quêtes secondaires, un poil moins évidentes (même s’il reste compliqué de les qualifier de « difficiles »). Casual ou gamer s’entendront par contre sur l’écriture du jeu, et son humour qui fait mouche, de plus plutôt bien traduit.
« Petit jeu » à petit prix (un peu plus de 20€ sur Switch comme sur Steam), le jeu figure surtout au catalogue du Game Pass, où il a toute sa place. En ces temps troublés pour la branche gaming de Microsoft, le jeu nous montre ce à quoi doit ressembler le service de jeu à la demande. Ce sont ces petites expériences, dont on n’attend pas forcément grand-chose, et qui se révèle d’excellentes surprises, qui font le sel du catalogue entre deux AAA (qui, eux, ne surprennent que rarement).
On ne sait pas où va Microsoft, il semblerait que lui-même ne le sache pas tout à fait, mais « se recentrer sur des marques à fort potentiel » (pour employer le langage des cadres) et donc s’éloigner de ce genre de jeu, à la fois frais, fun, mais aussi familial, serait tirer une balle dans le genou du service. Profitons donc de Little Kitty, Big City tant qu’il figure encore au catalogue.
Little Kitty, Big City. Un petit chat dans une grande ville, et un petit jeu dans une jungle de AAA. Entre Star Wars Jedi Survivor (disponible sur le Game Pass) et Hellblade II (disponible dès le le 21 mai prochain), voilà un « petit » jeu, fun et coloré, tout public, qui ne demande qu’un investissement temps modéré et qui a ainsi toute sa place sur le Game Pass. Une jolie proposition « humble » de monde ouvert, avec une écriture rigolote (mention spéciale au corbeau ultra-libéral, qui aura bien appris de sa confrontation avec le Renard !) et une réalisation à la hauteur de son scope.
On ne sera pas ébloui par la maestria du level design ou la maitrise des éclairages façon RTX, mais on s’amusera de la malice du personnage et des petits détails de son animation qui le rendent vivant. Un jeu qui nous aura fait passer un bon moment, et c’est bien là le rôle majeur du jeu vidéo !