Il y a un an sortait le premier chapitre de l’anthologie d’horreur en huit parties (trois au minimum) du studio Supermassive Games (Until Dawn), un certain Man of Medan. Même si le projet était ambitieux, le démarrage fut pour le moins raté tant ce premier jet fut très moyennement reçu par la critique et par les joueurs, la faute à un scénario bateau (vous voyez le jeu de mots ?), ainsi qu’à des personnages insipides et un gameplay oscillant entre l’ennuyeux et le moyen. Globalement, ce fut une déception et on attendait de ce deuxième chapitre, Little Hope, qu’il nous redonne un peu d’espoir (vous le voyez encore ?) quant à la qualité du projet.
Malheureusement, nous allons de déception en déception et cette chasse aux sorcières fait plus office d’attraction de train fantôme en manque d’inspiration et d’idées dans ses mécaniques de jeu et de peur.
(Test de The Dark Pictures Anthology: Little Hope sur PS4 à partir d’une version commerciale du jeu)
Tout d’abord, il est important de rappeler ce qu’est The Dark Pictures Anthology. Il s’agit, comme son nom l’indique, d’une anthologie de l’horreur en huit actes qui nous est racontée ou contée au choix par l’archiviste, une sorte de gardien de musée contenant d’innombrables recueils narrant des histoires surnaturelles et autres légendes urbaines qui seraient toutes vraies. Cet homme nous incite alors à vivre les histoires contenues dans ces bouquins comme si leurs issues en dépendaient et dont la première fut, vous l’aurez compris, Man of Medan.
Nous voilà donc au deuxième chapitre de cette anthologie qui promettait beaucoup sur le papier.
On perd vite espoir
Malheureusement, Supermassive Games prouve avec ce jeu que leurs qualités d’écriture et de conteur entrevues avec Until Dawn ont bel et bien disparu. Little Hope n’est qu’un amoncellement de clichés tous plus gros les uns des autres, comme en témoigne le formidable casting de personnages aux réactions totalement idiotes, ainsi que les ficelles que l’on voit venir à des kilomètres. Le souci étant que cette histoire de ville fantôme liée à la sorcellerie et au démonisme aurait pu être bonne si elle était bien narrée, or, le titre enfonce ses personnages dans une psychologie proche du zéro et donc dans un enchaînement d’actions peu crédible.
Pourtant, avec ses temporalités qui s’entremêlent et son intrigue intéressante, bien que longue à démarrer, on se voyait déjà siffler le champagne de bonheur. C’était sans compter sur des personnages ridicules, des dialogues à s’en taper la tête au mur, un rythme trop haché et lent qui peine à capter notre attention sur le long terme.
La narration est double, voire triple. Le prologue de l’histoire nous propulse au sein d’une famille qui se déchire composée d’un couple marital, de deux frères et de deux sœurs. Cela tourne mal et chacun meurt dans l’incendie de la maison familiale dans différentes circonstances cependant. Suite à cela, on se retrouve avec les mêmes personnages (ou leurs sosies physiques pour être plus précis), mais cette fois-ci de nos jours. En route pour une sortie scolaire, leur bus se retourne sur la route après que le chauffeur a tenté d’éviter une petite fille se trouvant en plein milieu (Silent Hill, sors de ce corps).
Plus de peur que de mal pour les passagers qui constatent alors que le chauffeur a disparu à leur réveil. Ils décident, non sans un débat stupide de sens, de gagner la ville la plus proche pour chercher de l’aide.
On incarne donc à tour de rôle Andrew, Taylor, Daniel et Angela qui sont les étudiants de cette classe perdue au milieu de nulle part, ainsi que John le professeur guidant tout ce beau monde. Tous joués par de véritables acteurs qui prêtent leurs traits aux personnages en jeu, on ne peut pas dire que ce soit mal joué, loin de là, c’est plus la stupidité de certaines réactions et l’écriture qui plombent le jeu.
Pour la petite histoire, chaque titre de l’anthologie a le droit à sa star et dans le cas de Little Hope, c’est l’incroyable Will Poulter (Midsommar, Detroit, etc.) qui joue entre autres Andrew et qui fait ici office de tête de proue du projet. Comme vous vous en doutez, nous vous encourageons d’ailleurs à jouer en VO, même si la VF est loin d’être affreuse pour le coup.
Ceci étant dit, qu’est-ce qui cloche dans cette histoire ? Eh bien, à peu près tout hormis la trame de fond. Il faut reconnaître que le cadre glauque et meurtri de Little Hope rend le périple intrigant et toute l’intrigue tournant autour de la chasse aux sorcières dont le XVIIe siècle s’est fait une spécialité est des plus intéressantes. Car comme à Salem, endroit forcément pris en référence pour la réalisation du jeu, de nombreuses personnes ont été tuées ou purifiées comme ils disent, car l’on considérait qu’elles usaient de sorcellerie.
Le jeu exploite d’ailleurs bien ce background, notamment grâce à une combine scénaristique renvoyant nos personnages dans le passé via des sortes de flashbacks en temps réel dans lesquels ils peuvent parfois même interagir avec ce qui les entoure. Mais nous tairons le pourquoi du comment pour ne pas vous dévoiler les seules surprises notables de la narration qui nous entraîne alors dans une sorte de jeu de piste.
Où est le jeu ?
Film interactif, on n’attendait pas grand-chose du côté du gameplay pour Little Hope. Les mécaniques sont exactement les mêmes que sur Man of Medan, c’est-à-dire lourdes et fastidieuses, à quelques petits détails près cependant. Cela manque toujours d’ambition, les QTE qui s’enchaînent sont bien trop simples, même plus qu’auparavant, et le challenge est quasiment inexistant. Si bien que de retour chez l’archiviste entre les différents actes, on comprend que l’on aurait pu perdre un personnage en route, mais on a parfois du mal à voir comment sans le faire exprès.
L’exploration des lieux est toujours très minime et Little Hope n’est qu’une longue, très longue ligne droite qui s’éternise et ne surprend jamais, surtout qu’il enchaîne les jump scares les plus putassiers qui soient. Le pire, c’est que le jeu ne s’en cache pas. De la ville, on ne verra que quelques bâtiments pendant quelques minutes, le reste du temps on remontera des routes et chemins en s’arrêtant toutes les trente secondes pour récupérer des cartes postales faisant office dans cet épisode des habituelles prémonitions (ces objets nous montrent des indices sur ce qui nous attend par la suite) et lire un bon nombre de textes disséminés à droite à gauche. Le tout entrecoupé de screamers franchement énervants à la longue.
On apprécie par contre que lors de notre exploration dans une zone, si on approche d’un objet clé qui lancera la suite de l’histoire, on est prévenu de sorte à ce que l’on puisse finir de visiter et fouiller auparavant. Un détail sympathique vite éclipsé par cette sensation d’évoluer dans une sorte de train fantôme s’arrêtant ponctuellement à quelques stations pour la visite d’un petit bâtiment, avant de repartir avec toute une palanquée de screamers en stock.
C’est ennuyeux et ce n’est pas les quelques moments d’action ou de stress qui nous sortent de notre torpeur. On appuie sur les touches demandées, on prend des décisions chronométrées et on voit bien ce qui se passe par la suite. De toute façon, tout ce beau monde est peu attachant et seul Andrew sort son épingle du jeu, avec aussi une petite fille énigmatique qui nous guide dans toute la ville et qui semble liée aux événements surnaturels qui s’y déroulent (Silent Hill, on t’a dit de sortir de ce corps !).
Ne nous demandez pas pourquoi notre petit groupe ne fait pas marche arrière. Ils ne peuvent pas, car une brume surnaturelle les ramène sans arrêt à leur point de départ lorsqu’ils tentent de la traverser (cela devient trop visible, là). La seule âme qui vive est un vieil homme noir que l’on rencontre la première fois dans un bar et qui semble en savoir pas mal sur ce qu’il se trame, mais il reste assez énigmatique tout en se promenant à vélo (stop).
Seule satisfaction du gameplay, les choix. Ils sont toujours présents et apportent ce côté aléatoire des événements qui se produisent, les tester est encore l’un des moteurs du jeu. Cependant, ils amènent aussi toujours des incohérences psychologiques au niveau des personnages, on peut ainsi grâce aux dialogues arborescents leur faire dire n’importe quoi et toujours changer jusqu’à créer des discussions totalement ridicules.
Mais, les choix ont toujours une grosse influence sur le déroulé de l’histoire, Supermassive Games ne nous prenant pas pour des brêles sur ce point, avec aussi plusieurs fins au programme, ainsi qu’une réelle recherche sur le sens de nos actions et l’évolution de la psychologie des personnages. Ce dernier point restant malheureusement trop abstrait, surtout que l’on a parfois du mal à comprendre ce que valent nos décisions sur l’entente du groupe et la psyché de chacun. Il aurait fallu creuser de ce côté-là, surtout qu’au vu du final, il y avait vraiment de quoi faire, dommage alors que l’écriture manque de justesse.
Et pourtant, le cadre est envoûtant
Malgré tout, Little Hope a pour lui son cadre envoûtant et inquiétant. Le jeu fait peur plus de par son environnement boisé plongé dans la pénombre que par ses trop nombreux screamers. Le côté balade nocturne dans une forêt hantée fonctionne du tonnerre grâce à une ambiance visuelle et sonore au beau fixe. C’est bien plus effrayant en ce sens que le bateau de Man of Medan et ça renvoie au premier amour du studio, Until Dawn, la neige en moins.
Aussi, des efforts de réalisation ont été effectués et c’est franchement très beau. Les environnements sont léchés, détaillés à l’extrême, et les jeux de lumière criants de vérité. Rien à dire, c’est techniquement et artistiquement très solide. Il s’en dégage une atmosphère cinématographique liée au cinéma de genre réussie qui nous happe et nous retient dans cet univers brinquebalant tant bien que mal.
Le village fait lui aussi son petit effet, avec ses bâtisses mortes plongées dans la pénombre de leur propre histoire et on sent, on ressent, que des choses graves se sont déroulées en ces lieux durant les siècles écoulés. Par ailleurs, la modélisation des protagonistes est réussie, mais comme d’habitude avec cette retranscription quasiment parfaite des visages, on n’évite pas l’écueil Uncanny Valley et les expressions faciales pèchent des fois dans l’animation et le regard, souvent vitreux et vide.
C’est toujours mieux dans cet épisode que dans le précédent, mais encore en dessous de Until Dawn. De même que la gestuelle reste encore un peu trop robotique, ce n’est pas encore tout à fait ça, mais il y a du mieux.
Chose par contre totalement réussie, c’est le design des différentes créatures que l’on croise en jeu. Terrifiantes, torturées et inspirées, elles donnent réellement la pétoche, de par leurs apparitions, leur silhouette qui apparaît au loin et que l’on devine approcher lentement de nos héros. Supermassive joue toujours aussi bien avec la présence de silhouettes inquiétantes tapies dans les ombres et Bon Dieu, c’est bien plus effrayant que les jump scares prévisibles que l’on se tartine la majeure partie du temps.
D’autant plus que la réalisation est plutôt bonne, malgré des cuts parfois étranges qui cassent l’action de manière abrupte et la téléporte même parfois de quelques mètres, comme si un plan avait été coupé au montage entre deux autres.
Sur le canapé, tout le monde t’entend crier
Enfin, sachez que les deux modes multijoueurs, en ligne ou chez soi, jusque cinq joueurs, sont toujours de la partie. On ne saurez que trop vous conseiller de vous y plonger tant l’expérience gagne en intérêt à plusieurs, encore plus lorsque cela se fait en présentiel, même si dans notre situation actuelle, cela n’est pas conseillé. Mais entre ça, une aventure finalement ni trop longue, ni trop courte, ainsi que la rejouabilité due aux choix et à la mort ou non de certains de nos personnages, il y a de quoi faire niveau contenu, d’autant que des bonus sont de la partie aussi.
The Dark Pictures Anthology: Little Hope fait un peu mieux que son aîné, sans réussir à nous convaincre pour autant. On y retrouve de nombreuses faiblesses de Man of Medan, le gameplay, les screamers à outrance, le manque d’ambition global et des personnages insupportables. Si le cadre est plus réjouissant, la technique toujours solide et les créatures terrifiantes, cela manque d’impact et d’intérêt, malgré un background prenant.
En résumé, on espère encore un miracle avec le troisième épisode à venir, House of Ashes, qui va se dérouler au Moyen-Orient et mettre Ashley Tisdal à rude épreuve puisqu’elle devra affronter quelques démons de l’ère sumérienne, dont un certain Pazuzu à ce que l’on peut voir dans le premier trailer. Allez, on garde un petit espoir quand même.