Huitième épisode principal de la série, Like a Dragon: Infinite Wealth vient de recevoir la note parfaite de 40/40 dans le magazine japonais de référence Famitsu. En plus de trente-cinq ans de parution du périodique (le numéro 1 est sorti en 1986), seuls vingt-neuf autres jeux ont obtenu ce score parfait. Et il ne sont que quatre depuis 2020 (avec les deux derniers Zelda et Street Fighter 6). C’est d’autant plus important à un moment charnière de l’histoire de la saga, qui prend ses distances avec le Japon, sans pour autant oublier ses origines. Bien au contraire.
(Test de Like a Dragon Inifinite Wealth réalisé sur Xbox Series X via une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Générosité Infinie
En 2020, avec la sortie de Like a Dragon (Yakuza 7), Ichiban Kasuga faisait une entrée fracassante dans la saga en participant au démantèlement des plus grandes familles de Yakuzas que l’on suivait depuis 2006 et la sortie du premier jeu sur PlayStation 2. On le retrouve au début de cet épisode en train de ranger des voitures katanas, vêtu d’un costume de fonctionnaire, dans un quotidien rythmé par les horaires de bureau.
Mais l’aventure ne manquera pas de rapidement le rattraper, avant de l’envoyer à Hawaï pour un séjour « bigger than life », à l’image de la philosophie de vie d’Ichiban, qui veut vivre « comme dans Dragon Quest ». À l’image du jeu et de la série toute entière aussi, qui ne s’interdit aucun excès. À la question « quel est le plus grand jeu Yakuza/Like a Dragon ? », la réponse est toujours : le dernier sorti !
Une générosité humble et discrète qu’on saisira rapidement en réalisant que le début de l’aventure ne reprend pas exactement la démo accessible à la fin de Like a Dragon Gaiden, qui était en fait construite sur des images inédites, nous offrant l’arrivée à Honolulu du point de vue de Kiryu, alors que c’est avec Ichiban qu’on débarque dans Like a Dragon: Infinite Wealth. Générosité qui sera plus difficile à cacher ensuite quand on découvrira l’ampleur du jeu, en termes de mécaniques, de contenu, de scénario, de promesses… Il faut dire que c’était dans le titre : Infinite Wealth, un jeu d’une richesse infinie.
Menu XXL
Comme l’épisode précédent, le jeu démarre avec un tunnel narratif de deux bonnes heures avant de nous laisser les commandes (on déplacera le personnage d’un point A à un point B à quelques reprises, mais la liberté d’action restera très limitée pendant cette longue introduction). Néanmoins, c’est un tel plaisir de retrouver la fine équipe de Like a Dragon. Les personnages et les dialogues sont écrits avec tellement de talent qu’on ne s’ennuie pas une seconde. La scène où Ichiban déclare sa flamme est un très grand moment de jeu vidéo, même si on ne joue pas à proprement parler !
Après cette introduction très cinématique (et très cinématographique), le jeu ne dévoilera son contenu que petit à petit. Pour vous donner une idée de la densité de la chose, nous n’avons intégré Chitose, nouveau personnage féminin et l’un des membres principaux du « party » de ce nouvel épisode, qu’après une petite dizaine d’heures de jeu.
Avant, on a pu découvrir la magnifique carte de Hawaï, ses paysages et les multiples activités qui y sont proposées, dont certaines sont traditionnelles pour un jeu Yakuza, comme les salles d’arcade (on remarque d’ailleurs que comme à Tokyo, les Clubs SEGA de Kamurocho, où commence l’aventure, sont désormais des salles GiGO), le karaoké, les fléchettes…
D’autres sont plus originales, comme le mini-jeu de simulation de livraison de repas, mêlant des mécaniques de Pac Man et de jeux de « tricks » à la Tony Hawk ou SSX Tricky. D’autres enfin sont complètement WTF. On a pu découvrir dans la campagne de communication du jeu le mini-jeu hommage à Animal Crossing (qui n’apparaît pas avant au moins vingt-cinq heures dans l’aventure…), mais Like A Dragon: Infinite Wealth comprend aussi un jeu qui cite très bizarrement Pokémon.
On pourra en effet recruter certains adversaires battus lors des rencontres aléatoires en ville pour les faire combattre en arène. Une citation de Pokémon qui évoque aussi les Jeux du Cirque, pendant l’Empire Romain ! On pourra également s’essayer à un jeu de drague construit autour d’une appli de rencontres, où il sera possible de déverrouiller des petites vidéos en FMV gentiment sexy (et gentiment gênantes, un peu, aussi). Et bien entendu, les pérégrinations des personnages sont rythmées par de nombreux combats…
Better, Faster, Stronger
Le jeu reprend le système de combat au tour par tour initié dans l’épisode précédent, mais l’améliore sensiblement. D’abord, la position du joueur aura une influence sur l’attaque. En attaquant de plus près, ou de plus loin, on obtient des résultats différents. Selon qu’on se trouve aussi à proximité d’un objet (meuble, plot, fût…), on peut s’en servir comme d’une arme par destination. Enfin, on peut aussi projeter un ennemi sur un autre adversaire pour infliger des dégâts aux deux en même temps…
Les combats sont plus nombreux que dans Like a Dragon, premier du nom, ce qui peut permettre de « farmer » plus facilement. Le jeu est un peu plus difficile, aussi, mais plus équilibré. Des ennemis uniques de différents niveaux sont disséminés dans toute la ville, et il faudra s’y attaquer au bon moment… Quand notre niveau à nous nous permet d’avoir une chance, mais pas trop tard non plus, pour pouvoir bénéficier du meilleur boost d’expérience possible…
Enfin, on a toujours la folie complète des attaques spéciales, qui dépendent des jobs des différents personnages du groupe. Celles par exemple de Tomizawa, chauffeur de taxi dans le civil, sont particulièrement impressionnantes, et complètement décalées : il peut électrocuter un ennemi en le faisant « démarrer » avec sa batterie et ses pinces, carrément lui envoyer un taxi lancé à pleine vitesse ou… proposer un lavage complet façon « car wash » !
Autant d’occasions de nous montrer des animations très réussies ; le moteur du jeu fait toujours des miracles, notamment sur les visages, et ce, bien que le titre soit encore cross-gen, sortant aussi sur PS4 et Xbox One.
Yakuza : l’héritage
Le jeu commence sur le thème du nouveau départ. Après la dissolution des familles de yakuzas, Ichiban Kasuga s’emploie à aider les anciens gangsters à revenir à la vie civile. Ce nouveau départ, c’est aussi celui de la saga, et du studio. On le rappelle, c’est le premier grand jeu de la licence qui est développé sans Toshihiro Nagoshi, créateur de la série, qui l’a portée tout au long de l’arc consacré à Kiryu Kazuma, jusqu’au septième épisode, et qui a quitté SEGA et les studios Ryu Ga Gotoku pour fonder sa propre structure.
Et s’il faut reconnaître que la nouvelle équipe a su reprendre le flambeau avec brio, ce Like a Dragon: Infinite Wealth est vraiment l’épisode de la rupture et, pour le studio comme pour les gangsters de Kamurocho, celui du nouveau départ. Une rupture signifiée par le fait qu’on quitte pour la première fois le Japon. Ce qui n’est pas rien, quand on pense que le jeu a failli ne pas exister parce que justement trop centré sur la culture nippone, il effrayait les producteurs qui ne pensaient pas pouvoir en vendre suffisamment. Aujourd’hui, le succès est international, et la série se vend plus à l’étranger que sur ses propres terres !
Le départ de Nagoshi est peut-être aussi visible à travers le destin qui est réservé à Kiryu : le héros hyper-charismatique qu’on croyait invincible est ici particulièrement affaibli. Sans révéler ce à quoi il fera face, on voit un Kiryu qui met un genou à terre, ce qui était impensable jusqu’ici. Une façon de métaphoriquement « tuer le père » dans le scénario, mais aussi de figurer ce nouveau départ que prend la série, avec la promesse d’une vie encore longue qui l’attend…
Dès 2012, Yakuza 5 impressionnait par son ambition et son dispositif, nous proposant d’incarner pas moins de cinq personnages différents. En 2015, Yakuza 0 imposait par sa puissance narrative, porté par un nouveau moteur graphique donnant à ses personnages une intensité inédite. En 2016, Yakuza 6 semblait mettre un terme à la saga en feu d’artifice, en faisant disparaître son héro après un combat épique contre un personnage interprété par le maître Takeshi Kitano. Le summum de la saga ? Même pas ! En 2020, à la sortie de Like a Dragon, nous parlions de « jeu vidéo ultime ».
Quatre ans plus tard, force est de constater que la saga a su aller plus loin encore, avec une quantité incroyable de contenus, des mécaniques de jeu mieux pensées, une narration prenante et pleine de rebondissements, et surtout, un équilibre sur le fil, mais qui tient comme par magie, entre narration grave et grand guignol. Famitsu ne s’est pas trompé, Like a Dragon: Infinite Wealth est l’un des tout meilleurs RPG auquel vous pourrez jouer sur les consoles de dernière génération, et tout semble indiquer que le prochain jeu de la série sera encore plus grandiose !