Troisième jeu de Josef Fares après le génialissime Brothers, A Tale of Two Sons et A Way Out, un peu moins bien coté, It Takes Two! (littéralement « Il faut être deux ! ») nous inquiétait un peu. Fallait-il s’emballer pour le titre ? D’un côté, on connaît le talent de Fares, il nous l’avait prouvé avec Brothers, mais d’un autre côté, ce même Fares nous avait un peu survendu le jeu. Alors bien entendu, on avait envie d’être émerveillé, mais on n’osait pas en espérer trop non plus, de peur d’être déçu.
Mais nous voilà rassurés : le jeu est tout bonnement génial, comme on va le voir dans notre test.
(Test de It Takes Two! réalisé sur PlayStation 4 via une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Come together
Si Brothers mettait en scène deux personnages contrôlés en même temps par un seul joueur, A Way Out nécessitait lui d’être à deux pour être parcouru. Avec It Takes Two!, Josef Fares continue d’explorer et d’expérimenter le gameplay à deux joueurs en nous imposant une nouvelle fois de jouer à deux, en coop canapé ou en ligne.
Un pari (à nouveau) osé, car on aurait pu croire l’auteur échaudé par les retours mitigés qui ont suivi la sortie de A Way Out, mais aussi parce qu’avec cette proposition, Fares se prive des joueurs qui ne jouent qu’en solo. Cependant, le jeu s’accompagne de la bonne idée du « pass ami », qui permet à un deuxième joueur de télécharger le jeu gratuitement pour jouer en ligne avec celui qui l’invite (mais uniquement avec lui, et sur la même machine – un joueur PlayStation ne peut inviter qu’un autre joueur PlayStation, par exemple).
Une fois l’épreuve IRL qui consiste à trouver un camarade de jeu surmontée, on peut se lancer dans l’aventure, celle de Cody et May, un jeune couple qui traverse une phase difficile. Ils sont au bord du divorce, et décident d’annoncer leur séparation à Rose, leur fille. Cette dernière va alors s’enfermer dans sa chambre pour pleurer, et ses larmes vont donner vie à deux figurines construites à l’effigie de ses parents, jouets dans lesquels les parents se retrouveront incarnés et prisonniers.
On est champion, on est tous ensemble
Et évidemment, pour se sortir de ce mauvais pas, le couple va devoir collaborer, et tenter de recréer l’alchimie qui les a un jour unis.
Le jeu se présente alors comme un jeu de plateforme en 3D finalement assez classique, si ce n’était cette obligation de le parcourir à deux. C’est vraiment cette fonctionnalité et la façon dont elle a été exploitée qui donne son identité et son âme au jeu.
Ainsi, si de nombreux jeu de coop existent, on joue souvent en parallèle, et pas ensemble. Dans un Street of Rage 4, par exemple, on prendra chacun de son côté son quota d’ennemis à abattre, et on progressera certes côte à côte, mais pas vraiment de façon unie. D’ailleurs, si l’un des joueurs vient à quitter la partie en cours de route, le gameplay ne changera pas pour autant.
Dans It Takes Two!, on va vraiment devoir travailler ensemble. Les personnages vont collaborer, et les joueurs vont devoir faire de même, observant ensemble l’environnement, faisant l’un et l’autre des propositions quant à la manière de résoudre une énigme qui se présente. On se parle, on réfléchit ensemble… Et c’est là que la magie opère : la collaboration mise en scène dans le jeu arrive pour de vrai devant l’écran !
Le jeu est conçu en ce sens : que ce soit en local ou en ligne, l’écran est splitté, permettant à chaque joueur de voir l’environnement de son coéquipier, et donc potentiellement de repérer des éléments de gameplay pour les indiquer à son partenaire : « Regarde là-bas, on dirait qu’il y a un bouton… Essaie d’appuyer dessus… ! ».
A kind of magic
On a parlé de magie pour ce jeu. Et c’est vrai qu’il possède un véritable pouvoir. L’histoire de ce couple qui, contraint, va essayer de recoller les morceaux doublée de l’obligation de jouer à deux m’a donné envie de le tester avec ma femme qui ne joue jamais aux jeux vidéo, si ce n’est dans le métro, à des match-3 gratuits sur son téléphone…
Je ne savais pas combien de temps j’allais réussir à la retenir devant l’écran avant de devoir me trouver un nouveau camarade de jeu, et notre première partie ensemble a duré un peu plus d’une heure (et croyez-moi, la garder une heure entière manette en main, c’est déjà quelque chose !). Et pourtant, dès le lendemain soir, c’est elle qui m’a demandé si on allait continuer notre partie !
Le jeu ne s’adresse toutefois pas vraiment à tout le monde, et certaines phases réclament un minimum d’habileté. C’est ainsi notre fils qui a pris la manette le temps d’éliminer les boss, par exemple…
Such a perfect day
La collaboration est donc l’atout principal du jeu, mais ce n’est pas le seul. Graphiquement, le jeu est superbe, et la mise en scène particulièrement inspirée. Les environnements sont en perpétuelle mutation et sont pleins de surprises. Le spectacle est permanent !
Le sujet est bateau, mais l’écriture, excellente, fait qu’on s’attache immédiatement à l’histoire. Les dialogues sont fins, drôles, et accessibles à tous (en anglais uniquement, cependant ; avec des sous-titres en français). L’acting est aussi remarquable, notamment dans les mimiques et mouvements des deux petits personnages, très expressifs. C’est un coup d’œil, un haussement d’épaules… des petits gestes qui en disent long et qui donnent vie à Cody et May. On trouvera aussi tout au long de notre chemin des petits éléments d’ambiance ou narratifs facultatifs, tels qu’on pouvait en croiser dans Brothers. On s’y arrêtera, ou non, selon l’humeur…
Les animations sont soutenues par un doublage de très, très bonne qualité, avec une mention spéciale à Joseph Balderrama, qui double avec brio à la fois Cody et le Dr Hakim, un livre personnifié qui tient lieu de MC de l’aventure. Ce dernier est également une vraie réussite. Aussi drôle qu’horripilant, il a quelque chose d’Antonio Banderas dans Expendables 3…
Côté gameplay, là encore, c’est le feu d’artifice. Les mécaniques, pleines d’inventivité, se renouvellent tout le temps. Un peu à la Mario, on a le fameux un niveau = une nouvelle mécanique de gameplay. Mais même au sein des niveaux, la mécanique proposée peut se révéler multiple. Ainsi, quand il nous est offert l’opportunité d’utiliser le temps d’un niveau un canon à résine, on s’en servira façon shooter, classique, pour éliminer les ennemis, mais aussi dans les puzzles environnementaux comme contrepoids, et encore plus tard comme moteur d’une barque de fortune…
On se souvient que Fares jouait un peu les Matamore, promettant d’envoyer 1 000$ à quiconque s’ennuierait bel est bien devant It Takes Two!. Force est de constater qu’il avait raison : c’est tout bonnement impossible.
En solo, It Takes Two! aurait déjà été un bon 3D platformer. Avec cette façon de pousser à la collaboration entre les joueurs, le titre devient génial. D’autant plus qu’il ne se contente pas de compter sur cette feature principale, toute réussie qu’elle soit. Les décors sont aussi variés que magnifiques, la mise en scène est dynamique et enlevée, et le jeu possède un rythme incroyable. À peine est-on venu à bout d’un défi qu’un autre se présente, avec de nouvelles mécaniques de gameplay à chaque nouvelle zone visitée !
Et comme si tout cela ne suffisait pas, le jeu n’est même pas vendu plein tarif, puisqu’il coûte moins de 40€, et ce sur tous les supports, pour une douzaine d’heures en ligne droite, bien plus en profitant un peu du spectacle et des mini-jeux semés tout au long de l’aventure…