Infliction c’est le rêve d’un seul homme, Clinton McCleary. Un Australien trentenaire qui a pour passion notre médium préféré et fondateur de son propre studio dont il est l’unique employé, à savoir Caustic Reality. L’année dernière, il annonçait au monde entier l’arrivée en 2018 de son premier jeu qualifié de jeu d’horreur narratif.
Infliction, développé donc par une seule et même personne, prouve que pour pour faire un jeu de qualité il n’est nul besoin d’avoir une grosse équipe de développement derrière soi. Attention, prévoir quelques couches-culottes avant de se lancer dans ce périple horrifique.
(Test de Infliction réalisé sur une version PC fournie par l’éditeur)
Avant de nous lancer dans Infliction, nous n’en avions vu que quelques bribes diffusées ici et là et nous pensions sincèrement que ce dernier n’était qu’un énième jeu d’horreur indépendant médiocre surfant sur la hype engendrée par P.T. Mais comme il n’y a que les cons qui ne changent pas d’avis, nous avons tout de même décidé de nous y intéresser de plus près et avons remarqué une chose.
Sous ses airs de simple jeu d’horreur reprenant le principe du hide and seek, Infliction propose un réel intérêt narratif et quelques mécaniques de jeu intéressantes. Raisons qui nous ont poussé à nous lancer au cœur de l’horreur et nous ne regrettons pas le voyage malgré les quelques débuts de crises cardiaques ressentis.
Les noces rebelles
Infliction c’est avant tout l’histoire d’un couple qui d’une vie idyllique a plongé dans le drame le plus violent qui soit. Le scénario prend place dans la paisible bourgade de Pleasant Falls aux États-Unis, dans un quartier de type suburbs américain et dans une maison somme toute classique. Mais comme nous l’ont déjà démontré le cinéma, la littérature, les séries ou encore les faits divers des médias, c’est bien dans ce contexte que se passent souvent les drames les plus affreux.
Et c’est bien là les fondations du scénario d’Infliction, une famille à la vie normale, qui habite un quartier et une maison banals, et qui se retrouve brisée par un événement tragique. Nous ne pouvons vous en dire plus, car la découverte des tenants et aboutissants de l’histoire fait partie intégrante de l’expérience que propose le jeu.
Même l’aspect visuel change et évolue durant le développement de cette dernière et les lieux qui nous seront donnés de découvrir y sont très liés. Sachez juste que vous vous appelez Gary Pout et que vous êtes poursuivis par un esprit vengeur implacable qui semble n’être nul autre que votre chère et tendre.
Petit aparté easter eggs. Il est clair qu’au vu du jeu, Clinton McCleary s’est vu influencé par plusieurs titres déjà sortis ou a tout simplement voulu placer quelques clins d’œil à des œuvres qu’il apprécie et ne concernant pas forcément le jeu vidéo. Ainsi, on trouve plusieurs clins d’œil à des jeux comme Gone Home, Mass Effect ou encore Alone in the Dark. Aussi des classiques du cinéma comme l’exorciste ou The Conjuring, ainsi qu’à des groupes musicaux de rock et de metal.
La mécanique de la peur
Nous voici donc enfermé dans notre propre maison avec un fantôme énervé aux fesses. Pour le contrer et nous en sortir, il nous faut effectuer un rituel demandant de récupérer cinq objets particuliers liés à cet esprit. Débute alors notre quête salvatrice qui nous emmènera dans les méandres de la folie.
Tout d’abord, il ne faut pas s’arrêter au simple cadre classique de la traditionnelle maison hantée. Infliction réserve quelques surprises et la bâtisse commence très vite à ne plus avoir aucun sens. Cela passe par des manifestations surnaturelles de type poltergeist à des téléportations dans d’autres lieux significatifs, tels un hôpital ou un commissariat. Ce sont autant de choses qui participent à la fois au bon déroulement des mécaniques de peur qu’à l’avancée du scénario.
Car tout ici a un sens et bien que jeu d’horreur avant tout, Infliction est aussi une expérience narrative nous demandant d’enquêter et de trouver d’innombrables objets, textes et souvenirs nous aidant à faire la lumière sur les événements passés et à découvrir le chemin à suivre.
La narration se veut très environnementale et il faut alors faire attention à chaque chose nous entourant, il y a souvent une signification à tout et rien n’est dû au hasard.
S’il y a bien des éléments scriptés présents pour nous faire sursauter, ce qui est obligatoire dans ce genre de jeu qui mise beaucoup sur son ambiance, les déplacements et l’arrivée de cette jolie jeune femme aux cheveux longs ne le sont pas toujours. La plupart du temps, elle finira par arriver et nous traquer après quelques minutes. Mais à la manière du xénomorphe dans Alien Isolation, elle ne suivra pas un chemin prédéfini et est de ce fait imprévisible.
Il y a bien quelques signes annonciateurs de son approche, comme des râles inquiétants venants à nos oreilles, des lumières qui s’éteignent et même des bruits de pas, mais rien ne permettant d’anticiper exactement sa position. Si bien qu’il arrive souvent que l’on se retrouve nez à nez face avec elle. Bonjour l’angoisse.
À ce moment-là, nous possédons tout de même quelques armes pour nous défendre ou tout simplement éviter une mort horrible. On peut la renvoyer un temps en la piégeant sous une lumière qu’il nous faut allumer à son passage.
On peut tout simplement se cacher derrière une table accroupi ou sous un lit et attendre qu’elle passe, sachant qu’elle continuera sa ronde, ou encore utiliser notre appareil photo pour la repousser quelques secondes le temps d’aller se cacher ou de courir à notre objectif la peur au ventre. C’est pour le moins très stressant et sachez que dès qu’elle arrive, elle n’aura de cesse de vous chercher, s’engage alors un jeu du chat et de la souris très émotif.
L’appareil photo, parce qu’il faut bien en parler, s’acquière assez vitre dans le jeu et n’est pas utilisé ici comme dans Visage pour s’éclairer dans le noir ou encore comme dans Project Zero pour capturer un esprit, mais plus pour découvrir des secrets et nous aider à avancer en jeu. Il fait partie intégrante de toute la mécanique d’énigme présente dans Infliction.
Une trappe fermée ? Prenez là en photo et elle s’ouvrira. Une clé à trouver ? Prenez un cliché d’un endroit spécifique et elle apparaîtra. Voilà le genre de casse-tête que l’on trouve dans le jeu. Loin d’être ridicule, ils ne sont pas pour autant d’une grande difficulté, et c’est tant mieux, car tourner en rond pendant des heures sur une énigme aurait quelque peu fait retomber la pression.
La direction de l’artiste
Infliction est développé à l’aide de l’Unreal Engine 4 et comme tout petit jeu indépendant, il n’est pas à la hauteur des AAA actuels. Mais il n’est pas non plus au même niveau techniquement que d’autres titres du genre développés par de petits studios.
Cependant, n’oublions pas que hormis pour les animations et les voix, Infliction est réalisé de A à Z par une seule et même personne et qu’en l’état c’est du très bon boulot qui a été effectué. Toute la partie sonore par exemple, avec la spatialisation du son démente et les bruits d’ambiance à glacer le sang, est au niveau, voire plus, de bien des jeux du genre.
Artistiquement aussi, cela fourmille de détails et la prise de position réaliste du tout ajoute en peur auprès du joueur. On ne le dira jamais assez, il n’y a pas plus effrayant que de réussir à rendre l’ordinaire horriblement extraordinaire. Ainsi, la maison est changeante, son mobilier, son papier peint, ses murs se modifient à mesure de notre avancée, la réalité se distord de plus en plus et devient révélateur du malaise présent et grandissant. Tout le délire autour de la peinture n’est pas sans rappeler aussi Layers of Fear et si cela est moins appuyé ici, c’est tout aussi angoissant.
Finalement, Infliction fonctionne beaucoup moins lorsqu’il en montre trop et perd son côté épuré et abstrait pour du concret brut tranchant singulièrement avec le reste. Fort heureusement, ces passages que nous dirons moins inspirés sont assez rares.
Comme déjà dit, d’autres lieux sont présents et on se retrouve bien souvent d’un coup d’un seul propulsé dans ces endroits, quand cela ne change pas simplement au détour d’un couloir. Ces zones ont une signification scénaristique, mais apportent avec eux de nouvelles trouvailles visuelles inspirées.
Ne vous y trompez pas, Infliction est soigné et plutôt joli, mais son univers et son ambiance lourde en font le parfait exemple de ce qu’il faut faire pour attiser les peurs encrées au plus profond de nous.
D’autant plus qu’on ressent une certaine volonté de toujours vouloir dérangé le joueur en faisant monter progressivement la pression au niveau sonore, mais aussi visuel, jusqu’à nous plonger dans le glauque et morbide total.
On se plonge de plus en plus dans les ténèbres avec une lampe torche qui éclaire juste assez pour que l’on puisse voir ce qu’il y a devant nous, mais pas assez pour que l’on se sente en sécurité. Mais tout ceci ne marcherait pas non plus sur le long terme si le scénario n’en rajoutait pas une couche à chaque fois en nous plaçant dans un contexte affreux.
Un fantôme en diapo
Néanmoins, et malgré tous ces éloges, Infliction a aussi des défauts. Le premier est sans aucun doute la réalisation technique et surtout l’optimisation. En fonction de votre configuration, et on ne parle pas là de puissance, mais de composants, le jeu aura tendance à lagger sévèrement quitte a passer en mode diaporama parfois, voir même à planté.
Nous avons passé de longues minutes a trifouiller les options jusqu’à pouvoir avoir un rendu correcte et un jeu plus ou moins stable, mais même ainsi, il arrivait que cela parte totalement en cacahuète. De même que les modèles de personnages, enfin LE modèle de personnage et les animations ne sont pas toujours aux normes, ce qui casse un chouïa la tension ressentie sur certains passages.
Autre chose, il nous arrivait à plusieurs reprises que notre clic gauche de souris permettant d’ouvrir les portes et de prendre les objets ne fonctionne plus, nous obligeant à repasser par le menu principal et recharger une partie qui commence bien souvent au début de l’acte que l’on accomplit, ceci nous faisant perdre toute progression.
Oui, le jeu est découpé en différents actes, chacun nous demandant de récupérer un objet particulier et nous en apprenant un peu plus sur le scénario. Le souci finalement, c’est que le jeu est trop court à notre goût, environ deux heures, et qu’on aurait aimé que les passages dans les autres endroits que la maison dure un peu plus longtemps.
De même que si chaque mort est souvent synonyme de recommencement en début d’acte, une fois que l’on sait ce que l’on doit faire, on fonce tête baissée et on y arrive bien vite. La faute à cette sorte de timer qui voit arriver le spectre après un laps de temps prédéfini.
Ensuite, on regrette aussi que le gameplay ne s’étoffe pas un peu plus au fur et à mesure. Le simple fait de ne pouvoir courir est handicapant dès le départ, mais ça passe, par contre il aurait été de bon ton que l’on puisse utiliser son environnement bien plus à son avantage.
Tout comme on aurait apprécié voir débarquer de nouveaux types d’énigmes, car les solutions deviennent trop évidentes au bout d’un moment. Le gameplay aurait gagné a être plus profond et recherché.
Enfin, petite précision, le jeu est intégralement en anglais sans sous-titre français, Caustic Reality n’ayant pas eu les fonds nécessaires pour traduire son jeu en plusieurs langues. Nous n’en tiendrons donc pas rigueur, mais il est toujours bon de le savoir, surtout quand le scénario revêt une grande importance.
Infliction est une très bonne surprise. À la fois effrayant et intéressant, il propose des mécaniques de jeu, certes classiques, mais bien exécutées et convaincantes. Caustic Reality, ou tout simplement Cliton Mcleary, a réussi trouver le juste milieu entre ambiances malsaines, scripts effrayants et la narration. Le scénario est d’ailleurs très solide et appuie constamment à mesure qu’on le découvre le sentiment de peur qui ne cesse de grandir tout le long du jeu.
Dommage alors qu’il est un chouïa court et que l’on ait pas le droit à des phases d’exploration un peu plus longues dans les lieux placés en dehors de la maison. Néanmoins, et malgré une réalisation technique qui demande encore a être améliorée et un gameplay devenant trop limité, on ne peut qu’être happé par la direction artistique quasiment sans fausse note du jeu qui nous transporte dans un quotidien emprunt d’horreur et de folie.