Sorti l’été dernier, nous ne sommes tombés que tardivement sur Horace, au hasard de suggestions algorithmiques… Il faut dire que le budget communication du titre devait être serré : véritable indé, c’est l’œuvre d’un seul homme, Paul Helman (ou presque, Sean Scaplehorn est aussi crédité au générique). Paul Helman a mis six ans à le développer pour en faire le titre auquel il aurait voulu jouer. Résultat : un jeu de plateforme rétro avec une bonne dose de narration. C’est agréablement surpris que nous avons testé Horace, et à vrai dire, on s’est demandé pourquoi nous n’en n’avions pas entendu parler plus tôt.
(Test d’Horace réalisé sur PC avec une copie commerciale du jeu).
I, Robot
Horace, c’est l’histoire d’un petit un robot domestique qui va essayer de trouver sa place dans une famille. Le patriarche s’en occupe comme d’un enfant, le chauffeur le méprise, et la petite fille en a peur… Pas facile de se faire adopter ! Et quand Horace commencera enfin à trouver ses marques, tout va s’écrouler…
Mieux vaut qu’on garde le détail des événements pour nous, et vous laisser le plaisir de la découverte. La composante narrative est en effet essentielle dans Horace. Le jeu s’arrête régulièrement pour laisser la place à des cinématiques nécessaires au déroulement du scénario. Les twists seront nombreux, et permettront d’aborder de multiples sujets autour de la vie de ce petit bonhomme artificiel : la famille, le racisme, la confiance (et la trahison), et même le sens de la vie !
On va très vite penser à Real Humans, la série suédoise où des robots domestiques humanoïdes cherchent leur place dans la société (série qui s’inspire elle-même très fortement de thèmes développés dans Blade Runner, lui-même adapté de Ph. K. Dick, etc.). Bien entendu, il y a du Pinocchio/ AstroBoy dans Horace, et on y verra même un peu de Chappie (le film de Neill Blomkamp), quand un gang de bras cassés va tenter d’abuser de la naïveté du petit robot pour réaliser leurs coups…
;o)
Alignées comme ça, ces différentes références font un peu name dropping. Ce n’est pourtant qu’un tout petit aperçu des très nombreux clins d’œil qui parsèment le jeu. Le titre, pour commencer, rappelle une série de jeux vidéo homonyme des années 80. Horace (celui de 2019) contient d’ailleurs des éléments de gameplay de Horace Goes Skiing (1982), à travers un mini-jeux de ski et un frogger-like qui en reprennent l’identité graphique.
L’écran-titre du jeu, qu’on peut modifier d’un coup de gâchette, rappellera aussi certains grands noms du jeu vidéo (Sonic et Mario, par exemple…). Et plus vous avancerez dans le jeu, plus d’écrans de démarrage se débloqueront.
De manière générale, Horace est une grosse déclaration d’amour à la culture vidéoludique, et à toute la pop culture dans son ensemble. Horace le dira lui-même dans les premières heures de jeu :
“J’ai lu, écouté de la musique, vu des films… Mais pour moi, les jeux vidéo étaient vraiment la discipline qui les surpassait toutes.”
Une grande partie de la bande originale du jeu consistera en une réorchestration chiptune de morceaux classiques les plus populaires. On enchaînera les niveaux au son de la Danse Macabre de Saint-Saëns, des Gymnopédies de Satie, de la Flûte Enchantée de Mozart ou encore de la fameuse Lettre à Élise de Beethoven… On croisera de nombreuses références cinématographiques, de 2001: L’Odyssée de l’Espace à Men in Black, en passant par Bill & Ted’s Excellent Adventure à travers deux personnages qui nous accompagnent tout au long de l’aventure, Logan et Preston ! (L’un deux porte même un t-shirt des Dead Kennedys pour ajouter un clin d’œil à la référence).
Enfin, et surtout, le jeu comportera d’innombrables clins d’œil à l’histoire des jeux vidéo. On a vu les références au préhistorique Horace, mais le titre reviendra sur les premières heures du jeu vidéo, d’abord avec la console qui se trouve à la maison, au début de l’aventure, puis dans un niveau complètement dingue inspiré (encore !) d’Alice au Pays des Merveilles qui aspirera le héro dans un jeu démoniaque. SEGA est très souvent cité. Si un écran de démarrage pastiche celui de Sonic, on apercevra aussi Space Harrier, on jouera à un clone d’Out Run puis à un autre de d’After Burner, et quand Horace rêve, ses rêves ressemblent beaucoup à Nights into Dreams, le jeu culte sorti à l’origine sur Saturn… Et tout cela n’est qu’une petite partie des choses qu’il y a à découvrir dans Horace. Un véritable jeu d’objets cachés au sein du jeu principal !
Quand est-ce qu’on joue ?
Parce que tout cela, c’est très bien, mais le jeu, à quoi ressemble-t-il ? Il s’agit d’un retro-platformer d’abord assez classique, dans la tradition 8 et 16 bits du genre. Le titre va en premier lieu se montrer original dans sa réalisation et son utilisation particulière du pixel, et dans sa narration. De longues cinématiques, faisant le même usage des pixels, viennent en effet rythmer l’aventure, ce dont on n’a pas l’habitude dans ce genre de titre. Il faut noter que le jeu est entièrement doublé. C’est Horace qui nous raconte son voyage, ce qui est plutôt agréable.
Très vite, le jeu évolue avec un élément de gameplay qui permettra de se jouer de la gravité (pour marcher sur les murs, au plafond…) et deviendra le gimmick principal du jeu. Enfin, une troisième phase s’enclenchera doucement, faisant du jeu un hardcore-platformer bien de son époque, façon Super Meat Boy ou Hollow Knight… Le tout avec de légers ingrédients de metroidvania.
La difficulté du jeu est bien dosée, progressive, suffisamment frustrante et punitive pour rendre le joueur heureux de ses victoires sans lui faire jeter sa manette contre les murs (enfin, pas trop…). Et puis, comme dans les Super Mario Land, des morts à répétitions trop nombreuses à un tableau entraîneront l’arrivée d’un bonus permettant de prendre un (puis deux, trois…) dégât sans mourir de suite…
Subjectif imparfait
Le jeu est donc bourré de qualités, et parlera plus particulièrement aux joueurs les plus anciens. Cependant, il n’est pas non plus exempt de défauts. Certes, on aura envie de lui pardonner plus facilement qu’à d’autres, en ayant en tête que c’est un “one man game”, et aussi parce qu’il transpire l’amour pour son média. Néanmoins, il faut reconnaître que le scénario s’égare parfois. Pour un jeu de plateformes classique, on ne s’en serait peut-être pas aperçu, mais ici, la narration compte pour beaucoup, et on aurait aimé qu’elle soit un peu plus fluide. Le résultat, c’est que le jeu semble traîner un peu en longueur, et on finit par avoir hâte d’en voir la fin (comptez entre 15 et 20 heures de jeu – tout de même ! – pour en voir le bout).
Les chaussures anti-gravité sont à l’origine du sacrifice de quelques mèches de cheveux, également. Vu le genre dans lequel s’inscrit le jeu, la nervosité est un ingrédient essentiel. Et ici, ce n’est pas toujours le cas. La rotation de l’écran, sensée suivre l’ancrage du personnage, a parfois quelques fractions de secondes de retard, suffisamment pour se prendre les pieds dans la scie circulaire qui attendait justement le faux pas.
Bien heureusement, c’est bien plus souvent la faute du joueur que celle du jeu, et la persévérance sera le meilleur correctif à appliquer au titre !
Horace est un excellent jeu de plateforme, qui surprend par sa narration empreinte de mélancolie et de nostalgie. Il l’est d’autant plus quand on sait qu’il a été réalisé par un seul homme. Ses multiples références à la pop culture et ses mini-jeux, inspirés des grands classiques de l’histoire (Arkanoid, Out Run, Pac Man…), rythment l’aventure et feront écho pour les plus anciens d’entre nous. Ces qualités viendront largement compenser une narration qui s’écarte un peu trop du chemin parfois, et finit même par traîner en longueur.
Il restera néanmoins d’Horace un jeu attachant qu’on prendra plaisir à découvrir, et dont on se souviendra encore après que les crédits de fin auront fini de défiler.