Fruit, comme il n’est pas rare de le constater de nos jours, d’une campagne de financement suivie de manière très enthousiaste, Hollow Knight s’en vient nous délecter de ses labyrinthes tortueux et de son gameplay aux petits oignons. Reste à savoir ce que tout un chacun attend de ce genre de titre, et ce que celui-ci propose pour le démarquer de la concurrence.
L’été arrive et les insectes commencent à vous râper les raisins avec l’augmentation de la température ? N’ayez crainte, vous allez pouvoir en dézinguer à foison dans ce Hollow Knight, aussi mignon que hardcore. Préparez vos tapettes (à mouches, hein, pas d’homophobie ici), sus aux bêbêtes des profondeurs !
Ça rampe, ça grouille et ça frappe
Hollow Knight débute sur quelques mots énigmatiques, une citation vaguement relative à une certaine forme de rédemption ; citation suivie d’une courte vidéo tout aussi absconse, au terme de laquelle on découvre enfin notre protagoniste. Baste des gros barbares musculeux et autres éphèbes huilés maniant des lames plus massives qu’eux, notre anonyme (et muet) compagnon de route s’avère être un petit personnage tout mimi, muni d’une sorte d’épine en guise d’arme et d’un casque rappelant immédiatement certaines races de scarabées, de par la ressemblance à des mandibules sur sa tête. Un premier indice vers une orientation insectoïde du titre dont nous apprendrons très bientôt qu’il n’est pas anodin.
De fait, si vos premiers pas tutoriaux (vous apprendrez notamment à frapper et à vous soigner via une jauge d’âme) vous conduiront tranquillement, le temps de découvrir un peu l’aspect visuel du jeu ainsi que vos mouvements, vers une petite bourgade quasiment déserte, cette dernière ne constitue, sachez-le, qu’une partie émergée d’un immense iceberg, pour utiliser la bonne vieille image. Car une fois le puits du village trouvé, vous voilà plongé tel Alice dans le roman de Lewis Carroll dans un univers souterrain, labyrinthique, souvent dangereux, peuplé d’étranges créatures, et surtout, d’une étendue insoupçonnée de premier abord.
Mais, après quelques mètres parcourus, il faut se rendre à une évidence qui ne cessera de se confirmer au fil de l’aventure : la petite ville de Dirtmouth, en surface, abrite un dédale colossal baptisé Hallownest, regorgeant de tunnels, de pièges, de zones environnementales diverses et variées, de salles bourrées de dangers, et surtout, d’un nombre incalculable de créatures insectoïdes qui ne vous veulent aucunement du bien. Une véritable termitière !
Des subtilités pas piquées des hannetons (ni de tous les autres qu’on croise…)
Dès lors, le naïf que nous sommes se dira : « bon j’ai acheté un petit jeu de plateforme tout choupi, avec un perso qui rappelle certains Miyazaki, ça va être une balade paisible même si y’a des bêtes qui grouillent ». Hé bah raté. Hollow Knight n’est pas le petit platformer tranquille et linéaire que ses apparences initiales auraient pu laisser imaginer. Il s’agit en fait d’un véritable metroidvania exigeant, punitif parfois même, qui fera la part belle à l’exploration et à l’acquisition de nouveaux talents permettant d’atteindre des zones auparavant inaccessibles, le tout à la sueur de votre front et impliquant de multiples décès pour notre brave chevalier.
D’autant que le jeu apporte sur la table quelques petites subtilités qui risquent de surprendre de prime abord, mais qui sont partie intégrante de son charme et de ce pour quoi il se démarque de nombreux concurrents.
Pour commencer, il y a cette histoire de pognon. Au fil de vos pérégrinations, vous trouverez à droite à gauche, que ce soit dans la nature ou sur vos ennemis déchus, une monnaie spécifique qui vous permettra entre autres d’investir dans des cartes (on y reviendra) et autres items dans le magasin. Seulement voilà : Hollow Knight s’avérant plutôt corsé comme on l’expliquait plus haut, vous allez passer l’arme à gauche un bon nombre de fois, notamment contre les innombrables boss que vous allez croiser. Et contrairement à un Shovel Knight qui vous privait d’une petite partie de votre pécule à chaque mort, ici, vous perdez… tout ! L’intégralité de votre butin.
Autant dire que quand on a farmé du mob plutôt easy histoire de remplir ses poches en vue d’un achat particulier, et qu’un rascal vous démonte sans prévenir au détour d’un couloir, vous renvoyant au point de passage précédent avec les poches vides, il y a de quoi pleurer.
La perditude
Heureusement, vous aurez toujours l’opportunité de retourner sur les lieux de votre décès pour récupérer vos deniers durement acquis… à moins de vous faire déglinguer une seconde, puis une troisième fois. Un apprentissage à la dure en somme, un peu déconcertant au début, mais qui devient vite un challenge que l’on aimera à relever. Et puis, il y a l’orientation. Hollow Knight, on l’a vu, n’a rien de linéaire, et l’immense labyrinthe que n’aurait pas dédaigné la belle Samus est divisé en zones spécifiques, qui s’ouvriront à vous au fil de vos acquisitions et de votre progression.
Or, si la plupart des jeux de ce genre vous offre une carte progressive qui se remplit au fil des endroits visités (ou à visiter), ici, il va falloir un peu bosser pour vous repérer plus facilement, ou alors bénéficier d’une bonne mémoire visuelle. Pourquoi ?
Parce que chaque « niveau » ne pourra vous être lisible qu’une fois trouvé un explorateur cartographe, qu’il vous faudra dénicher au sein de ces dédales (souvent par hasard), et le bougre a le chic pour se terrer dans des endroits plutôt discrets. Vous allez donc devoir vous habituer à naviguer à vue avant de mettre la main sur cet aimable personnage et recevoir une map bienvenue. Map qui ne vous dit pas tout non plus, sachez-le, donc ne comptez pas y lire tous les passages secrets (qui sont myriade dans le jeu) et autres points d’intérêt à visiter ensuite ; le cartographe n’est pas un Atlas, et votre carte vous réserve, en dépit de son utilité, une bonne marge d’exploration personnelle. Succulent, ça.
À vous ensuite, une fois ce fameux document acquis, d’y définir vos endroits de prédilection, via certains achats, pour vous souvenir par exemple de l’emplacement du nid de chenilles (sorte de Pokémon que vous trouverez éparpillées partout dans le jeu et qui rejoindront leur domicile une fois délivrées, contre récompense), ou encore des bancs salvateurs, sur lesquels vous pourrez reprendre votre énergie et qui servent aussi de checkpoints histoire de ne pas revenir du début à chaque mort.
Skill faut retenir pour terminer sur Hollow Knight
Bref, vous l’aurez compris, Hollow Knight est un délicieux méandre au sein duquel on aimera se perdre… à condition que la maniabilité soit au rendez-vous, parce que bon, la difficulté est suffisamment élevée pour ne pas avoir envie de galérer en plus avec les commandes. Hé bien, notre introduction vous aura spoilé la chose : ce jeu est une perle de gameplay. Sauts au poil, hitbox parfaites, level-design conçu avec maestria… Rien à redire, c’est un plaisir à manier.
Alors si, juste un petit détail auquel il faudra s’habituer : vos attaques, et encore plus vos dégâts reçus, vous feront reculer plus ou moins légèrement, Castlevania-style, donc quand vous vous retrouverez à combattre en des lieux escarpés entouré de piques ou de lacs acides, vous avez intérêt à être très confiant en vos compétences au pad.
Ceci dit, cet élément fait partie de cet apprentissage constant que vous impose le jeu, avec une courbe de difficulté certes vertigineuse, mais jamais injuste. Vous êtes tombé de votre micro-plateforme, vous avez pris un coup d’un ennemi et vous êtes retrouvé dans le ravin, vous avez mal négocié tel ou tel piège ? Le jeu n’a pas triché, vous manquiez juste de skill à ce moment précis. Rageant, certes, mais impossible de blâmer la maniabilité pour ce genre d’incidents dans Hollow Knight, et ça, c’est à la fois jubilatoire et assez rare pour être signalé.
Tout ceci est servi accompagné de graphismes tantôt sombres, tantôt oniriques (tantôt les deux, ce n’est pas incompatible), et l’on a droit à des dessins affichant de gros traits façon cartoon, pour les personnages, tandis que les décors, blindés de détails pour qui souhaite y prêter attention, se divisent en trois parts : le tout premier plan, qui ne gêne que rarement la vision contrairement à ce qui peut se faire dans d’autres productions, le plan principal, où vous évoluez, et l’arrière-plan composé de diverses couches de décors plus ou moins éthérés. Magnifique, et accompagné d’une composition musicale mémorable. Autant dire que pour critiquer la direction artistique de ce jeu, il faudrait être sacrément aigri ou détester de manière parfaitement subjective les metroidvania 2D.
Hollow Knight est un grand jeu indé. Doté d’une réalisation quasi-parfaite pour son genre, il constitue un metroidvania ardu, ne le nions pas, qui vous invite à l’exploration en évitant de trop vous montrer le chemin à suivre, et vous propose de parcourir ses gigantesques galeries comme bon vous semble.
Certes, malgré sa grande mignonnitude, il risque de rebuter les amateurs de jeux simples ou taillés en ligne droite, mais son gameplay aux petits oignons ainsi que son sens de la progression à l’arrache et par l’apprentissage vous inciteront à y revenir encore et encore, parfois malgré vous (parce que vous savez que vous allez passer une sale quart d’heure). Une belle réussite que voilà.