Annoncé en même temps que la PlayStation 5, celui que l’on connaissait au départ sous le nom de Project Athia avait fait forte impression : un univers vaste et fantastique, un personnage moderne transporté dans un mystérieux monde et des graphismes à couper le souffle. Devenu par la suite Forspoken, le titre semblait être une bonne exclusivité pour la console du géant nippon.
Au fil des présentations, le titre s’est effeuillé devant des yeux toujours plus curieux, dévoilant son lore, ses personnages et son système de combat basé sur la magie. Mais voilà, Square Enix s’est soudainement mis à enchaîner les faux pas : un trailer avec une voix-off insipide, une démo qui s’est empressée de refroidir les ardeurs de certains et, pour finir, l’arrivée tardive des codes pour la presse auront fait germer les graines de la méfiance dans le cœur des joueurs.
Mais qu’en est-il réellement ? La presse et les joueurs crient tous à l’unisson à la trahison et à l’échec critique, mais le titre n’est-il pas seulement la pauvre victime d’une surabondance de titres open-world et de l’ambition démesurée de Square Enix ? Réponse dans notre critique, garantie sans spoilers.
(Test de Forspoken sur PS5 réalisée à l’aide d’une copie fournie par l’éditeur)
Dans un monde sans espoir, devenir l’espoir
Forspoken nous met aux commandes de Frey, jeune New-Yorkaise de vingt-et-un ans abandonnée par ses parents à la naissance. Elle n’aura connu que galères sur galères, tant et si bien que le titre s’ouvre sur notre protagoniste passant une nouvelle fois devant un juge pour répondre de ses actes répréhensibles. Suite à une série d’événements et à la découverte d’un bracelet magique, nous nous retrouvons transportés en Athia, un monde fantastique dans lequel dragons, monstres et magie sont monnaie courante. Krav, notre bracelet magique, nous accompagnera partout dans notre périple pour trouver un moyen de rentrer à la maison.
Si Frey montre un désintérêt total pour le sort des Athiens, ces derniers nous embarqueront malgré nous dans une lutte qui n’est pas la nôtre afin de sauver ce royaume en perdition, ravagé par la brume et les Tantaas, sorte de conseil magique qui régit les lieux.
Les paysages d’Athia sont particulièrement réussis, bien que manquant de vie, peuplés uniquement par les monstres et jonchés des ruines que les Athiens ont laissées derrière eux. Certains effets de lumière, lorsque nous utilisons les sorts notamment, ainsi que l’animation du parkour magique ou de la cape de Frey sont particulièrement soignés. Malheureusement, le titre soufre de lacunes techniques indécentes : problèmes de luminosité et de contraste, flou hideux sur les cinématiques, cheveux aliasés au possible, animations faciales rigides sur presque tous les personnages, un vrai gloubiboulga de ratages graphiques qui nous expatrie d’Athia à chaque fois que l’on pose le regard dessus.
Contre le désespoir, une seule arme : la magie
Ceux qui auront pu s’essayer à la démo mettaient le doigt sur un problème qui, on l’espérait, n’en serait pas un dans le jeu fini : le système de combat semblait brouillon et plutôt compliqué à prendre en main, surtout à cause du grand nombre de sorts pouvant être appris, sans que l’on puisse personnaliser les roues permettant de les sélectionner. Dans le jeu complet, nous débloquons les sorts au fur et à mesure de notre avancée, soit par l’histoire, soit par des puits, soit par l’utilisation de mana, ce qui permet d’avoir beaucoup plus de temps pour prendre en main ce système qui semblait si peu fiable dans une portion extraite du titre pour la démo.
De plus, la pause active permet de ne pas se faire submerger par les ennemis et de pouvoir prendre le temps de réfléchir à la meilleure approche afin de sélectionner le sort auquel notre assaillant sera le plus sensible. Ces derniers peuvent d’ailleurs être améliorés grâce à des défis. Réalisables pour chaque compétence, ils permettent d’augmenter les dégâts de vos sorts, réduire leur coût en endurance ou encore augmenter votre puissance magique. Couplé avec un système de craft basique, mais efficace, qui permet de modifier les caractéristiques des capes et colliers, ainsi que d’appliquer du vernis à ongles disposant de plusieurs propriétés intéressantes, vous aurez de quoi devenir une vraie machine de guerre.
Vous l’aurez compris, le système de combat, bien que brouillon par moment, est particulièrement jouissif une fois pris en main. Enraciner des ennemis, puis les faire brûler en changeant de magie, se propulser dans les airs en les emmenant dans un torrent avant de s’écraser sur eux avec une lance enflammée, les possibilités de combos sont aussi nombreuses que puissantes. De plus, le parkour magique se bonifie également au fil de l’aventure, avec la possibilité d’aller plus vite, de surfer sur l’eau ou encore d’utiliser une sorte de grappin afin de s’accrocher aux rebords et réaliser des escalades rapides, rendant l’exploration plus plaisante.
Le monde de Forspoken : mort, mais bien trop (mal) rempli
En parlant de l’exploration, il serait grand temps de vous confier l’un des plus gros défauts du titre : ses objectifs secondaires. Le titre dispose d’un monde vaste, mais désolé, ce qui s’explique par le scénario. Ce qui ne s’explique pas, en revanche, c’est la folie qui a atteint Luminous Production et qui les aura poussés à nous mettre autant de points d’intérêt. C’est bien simple, si le logo Square Enix n’était pas apposé sur la boîte, nous aurions pu, à s’y méprendre, nous croire dans un jeu Ubisoft de l’ère PlayStation 3 tant la carte se remplit à vue d’œil de petits objectifs parfois utiles, parfois si peu.
Entre les beffrois qui servent de tours d’observation, les ruines à explorer, les labyrinthes scellés, sortes de petits donjons très courts, les monuments, les flashbacks, les chats à apprivoiser, les mutants à éliminer ou encore les photos à prendre, vous vous retrouvez avec des icônes dans tous les sens et tout ceci serait parfaitement illisible si la carte n’était pas divisée en régions et sous-régions. Une aberration dans le monde des open-world, qui tendent de plus en plus à se délester de tous ces petits points de repère pour permettre au joueur une exploration plus organique, guidé par sa seule envie d’en découvrir plus.
Toutes ces choses à faire vous permettront, entre autres, de récupérer de l’expérience, du mana, des capes, des colliers ou encore des éléments d’archive afin d’en savoir plus sur le monde d’Athia avant l’arrivée de la brume. Malheureusement, leur trop grand nombre et leur omniprésence auront tôt fait de lasser les plus complétistes d’entre nous : nous sommes littéralement noyés sous les objectifs secondaires alors que, paradoxalement, les quelques quêtes annexes ne se déroulent que dans la ville de Cipal et sont d’une banalité déconcertante. Faire le facteur n’était pas inscrit dans les lignes du contrat que nous avons signé en débarquant à Athia.
Forspoken ne mérite pas l’acharnement subi de partout sur internet, mais ne mérite pas non plus de louanges. C’est un titre moyen, à la technique inégale et au scénario bateau au possible. Rien ne laissait pourtant présager un tel naufrage, mais Square Enix aurait sérieusement dû remettre en question sa façon de penser un open-world et, surtout, se concentrer sur l’essentiel. Même si le jeu est porté par de bonnes idées et l’envie de bien faire, ça ne suffit pas toujours.
Composer avec les nombreux soucis techniques du titre ainsi que sa durée de vie ridicule en ligne droite (comptez une dizaine d’heures) est une chose que beaucoup auront du mal à faire, à juste titre pour un jeu vendu quatre-vingt euros. On ressent que les nombreux points d’intérêt sont en fait là pour nous faire vagabonder et allonger notre périple en Athia de manière complètement artificielle et ça, en plus d’être un réel problème de game design, est une sorte de facilité que l’on ne devrait plus retrouver en 2023.
Reste de Forspoken un titre qui aurait pu faire partie de la cour des grands, mais qui s’est pris les pieds dans le tapis, puis dans un autre, puis dans un autre, avant de s’effondrer en se raccrochant à son système de combat jouissif et un parkour magique qui est un véritable plaisir à pratiquer. Certains panoramas sont particulièrement réussis, mais aussi bon soit le positif, il ne réussira pas à nous enlever de la tête que Square Enix a eu, une fois de plus, la folie des grandeurs.