Du cyberpunk, encore et toujours, après le jeu éponyme de CD Projekt, ou plus récemment le solide shooter isométrique The Ascent, mais avec une petite touche d’originalité. Avec Foreclosed, Antab Studio (qu’on connaît un peu pour les jeux Gridd) nous propose en effet une aventure à mi-chemin entre comic book et jeu vidéo. Un mariage auquel on a déjà assisté, mais qui n’a pas toujours réussi. Qu’en sera-t-il cette fois ?
(Test de Foreclosed réalisée sur PC via une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Comic Sans
C’est en ce moment l’anniversaire de Liberated, sorti il y a tout pile un an. Expérience étonnante et originale de BD interactive tout autant que de jeu vidéo qui représentait, à notre sens, une voie possible et une proposition crédible pour le futur de la bande dessinée sur écran. On ne peut qu’y penser alors que sort Foreclosed, qui a lui aussi choisi d’adopter cet aspect visuel très comic book, aussi bien pour son identité graphique que pour sa mise en scène.
Hélas, crevons tout de suite la baudruche : l’argument de la BD ne sera ici qu’un gimmick graphique. Oui, le cel-shading donne bien cet effet papier particulièrement bien rendu sur certaines scènes, et oui, la mise en scène en cases offre parfois un dynamisme bienvenu à la narration. Mais c’est tout. Rien dans le jeu, ni dans son contexte, ni dans son gameplay, ne tire vraiment parti de cet univers BD.
Il y est pourtant question d’un héros qui se voit dépossédé de son identité, et qui va devoir partir en guerre pour la récupérer. Il est ainsi assez regrettable que le titre lui-même, avec un parti pris esthétique assez fort, n’arrive pas à se forger une véritable identité, et reste un jeu plutôt bien mené par ailleurs, mais finalement assez classique.
Papers, please
On y incarne donc Evan Kapnos, qui se voit du jour au lendemain dépossédé de sa propre identité. Dans cet univers cyberpunk évidemment cauchemardesque, les grandes corporations possèdent littéralement les gens. Or, quand Securetech, la boîte qui possède Evan, fait faillite, ce dernier se retrouve sans rien : il devient « non-conforme » (tiens ? La non-conformité était aussi un crime dans Liberated…). Et ce n’est que le début d’une très mauvaise journée, durant laquelle il apprendra entre autres avoir été le cobbaye de Securetech pour des expériences qui pourraient alors lui permettre de finalement se relever de ce mauvais pas…
Implants corporels, pouvoirs neurologiques, cité poubelle et grandes entreprises corrompues, Foreclosed déroule tous les tropes des univers cyberpunks. Cela manque peut-être d’originalité, mais a au moins le mérite de tenir la route. Tout comme le gameplay, mêlant phases de shooting et infiltration, et laissant le joueur souvent assez libre concernant la stratégie à adopter pour venir à bout des ennemis se présentant zone après zone. Force brute, pouvoirs psy, ou éliminations discrètes seront autant d’options envisageables selon les compétences débloquées au gré de l’expérience glanée.
Aux arènes de shooting s’ajoutent un peu d’exploration, des petites énigmes très (trop ?) accessibles qui ont le mérite de varier l’expérience. On ne s’ennuie pas dans Foreclosed, et franchement, on n’a pas grand-chose à lui reprocher à aucun niveau, de la narration à la mise en scène en passant par le gameplay ou la musique – une synthwave bien à sa place – l’ensemble est cohérent et plutôt plaisant.
Cohérent, mais malheureusement vraiment convenu. À tel point qu’on se demande pourquoi avoir choisi de présenter le tout façon comic-book, puisque le jeu ne tire jamais parti du média BD ? Certes, cela lui permettra peut-être, en restant une production plutôt modeste, de se faire remarquer dans la marée de trailers qui inonde YouTube. Mais au risque de décevoir les joueurs attirés par les promesses de la direction artistique.
Avec une réalisation solide, un gameplay qui fonctionne bien, et une D.A. qui en met tout de même plein les yeux, Foreclosed est une belle réussite pour le petit studio Antab. Son seul défaut, finalement, vient des attentes peut-être trop gourmandes qu’on avait envers le jeu, mises en appétit par les sirènes de sa direction artistique.
Mais il reste que les six heures que dure cette aventure orientée action/infiltration sont plutôt plaisantes, et valent largement le coup de s’y pencher, d’autant plus que le jeu est vendu à petit prix sur consoles. Quant à l’expérience BD, une fois Foreclosed fini, on ne saura que trop vous conseiller de vous tourner vers Liberated, ou le classique Comix Zone !