Flipping Death, si vous lisez un peu les articles le concernant, est constamment comparé à un prédécesseur émanant du même studio, baptisé Stick it to the Man!. Il faut dire qu’il possède le même rendu visuel que ce dernier lorsque l’on en voit les images, mais pour préciser une petite chose d’entrée, votre Humble Narrateur n’a jamais eu l’occasion de jouer au jeu, ne vous attendez donc pas, vous qui le connaissez (ou non) à trouver dans ces lignes des références à cet autre titre de Zoink (le studio).
Ceci étant statué, il est temps maintenant de s’intéresser au sujet qui nous intéresse aujourd’hui, Flipping Death. Un jeu à l’aspect que ne renierait pas un Tim Burton, ni certains dessins animés bien barrés de la chaîne Cartoon Network. Mais est-ce qu’excentricité et originalité riment toujours avec qualité ? Bon, certes, en termes rédactionnels, oui ; mais qu’en est-il au niveau vidéoludique ? Ce fera l’objet de notre subséquent propos, vous l’aurez deviné.
La Mort a un plan
L’intro de Flipping Death lance directement le ton général du jeu, en même temps que de servir de tuto. On y découvre Penny, une jeune employée qui vient de se faire mettre à la porte de son entreprise de pompes funèbres du fait que son boss n’apprécie guère ses frasques auprès des clients. Et pour couronner le tout et achever de faire de ce jour une journée moisie, hé bien, heuuu, elle meurt. Pourtant elle avait réchappé de justesse à un accident de voiture juste avant, mais bon, quand on fait trop l’andouille dans le territoire des morts (le cimetière du coin, en l’occurrence) on finit par en payer le prix.
Voilà donc notre Penny plongée dans le Royaume des Défunts en dépit de son déni, et après quelques explorations, elle finit par tomber sur la Faucheuse en personne. Laquelle, prenant la jeune femme pour l’assistante qu’elle réclame depuis des lustres, s’empresse de lui refiler son job, sa tenue et sa faux avant de filer prendre des vacances comme une grosse paillasse, tel Lucifer dans la série du même nom. Non, le jeu n’a pas été écrit par Terry Pratchett, mais il y a de ça quand même dans ce postulat de départ fun et barré.
Dès lors, vous voilà dans le rôle de la Mort, et vous allez arpenter ses terres en croisant tout un tas d’esprits en errance. Mais Penny n’est pas une si mauvaise personne, et elle va rapidement s’employer à tenter de venir en aide à toutes ces âmes en peine.
Peines de mort
Le jeu, au style visuel cartoonesque assez spécial qui ne plaira pas forcément à tout le monde, s’avère très coloré, même lorsque l’on se trouve dans l’univers des défunts (nous y reviendrons sous peu). Les personnages sont tout plats, sans volume, et semblent dessinés sur un morceau de carton, un peu comme dans les Paper Mario ; on aime ou on n’aime pas, mais en l’occurrence c’est parfaitement raccord avec l’atmosphère de Flipping Death.
Une atmosphère gothico-comique un peu « burtonienne » qui est loin d’être desservie par les dialogues humoristiques qui parsèment l’aventure, même si on émettra ici un petit bémol. Ces dialogues sont prononcés en anglais et traduits à l’écrit en français, mais le défilement de ces traductions s’avère souvent trop rapide pour vous permettre de lire posément, et vous louperez bon nombre de fins de phrases. Dommage ; il vous faudra donc être soit un lecteur rapide, soit suffisamment à l’aise avec la langue de la Reine Elisabeth pour pouvoir vous passer globalement de la traduction.
Autre grief, puisqu’on est dans les reproches qu’il est possible d’adresser au jeu, et qui nous amènera tout naturellement ensuite au plat de résistance de notre étude : le gameplay lors des phases de plateforme. Il risque de vous poser souci parfois, notamment en cas de précision millimétrée. Ce qui est surtout dû au fait que dans notre cerveau conditionné de gamer, appuyer longtemps sur le bouton saut, ça veut dire sauter plus haut (ou plus loin).
Dans Flipping Death, ce réflexe, dont on a du mal à se débarrasser lors des premières parties, amènera notre petite héroïne à re-sauter immédiatement en touchant le sol, et c’est quelque chose d’assez déconcertant au début, il faut l’avouer. Mais bon, c’est comme tout : on s’y fait au fil du temps. Surtout que les phases de plateforme ne constituent pas vraiment la partie principale de ce jeu.
Nouvelles morts, mêmes destinations ?
Et l’on en vient à son originalité. Exposons-la de manière crue avant de l’étudier plus en détail : vous allez devoir constamment switcher entre le monde des Morts et celui des Vivants. Une capacité conférée à notre avatar par le biais de petits êtres lumineux dans le monde ténébreux qu’il lui faudra ramasser ici et là pour prendre le contrôle de créatures vivantes (humains, chats, oiseaux, sirènes même, hein, why not… chacun nécessitant tel nombre de créatures pour le posséder) dans celui qui nous habitons tous. Dès lors, on s’en aperçoit après quelques passages dimensionnels, on découvre que le jeu s’avère bien plus proche d’un point & click à l’ancienne dans son concept de logique, que de tout autre genre vidéoludique, et pourtant, il ne ressemble pas à ce qu’on appelle couramment un point & click. Un concept difficile à cerner, je vous l’accorde.
Concrètement, il va s’agir d’écouter les requêtes des esprits en détresse, de réfléchir au moyen de leur venir en aide, de vous transporter sur le plan des vivants en prenant le contrôle de tel ou tel, d’essayer de trouver des indices vous permettant d’avancer en agissant avec les compétences spécifiques ou en lisant les pensées de vos hôtes… Flipping Death est bien plus une question de réflexion (parfois tirée par les cheveux, d’ailleurs) que d’action, une sorte de puzzle-game dynamique qui vous invitera à vous creuser les méninges, sans toutefois poser des colles insolubles.
Dans ce jeu, point de bastons ni de tirs ; on n’y peut point mourir (normal, j’ai envie de dire, c’est qui la patronne quand même ?) ni même perdre pour recommencer. Il ne vous proposera que des énigmes à résoudre en fonction de vos découvertes, qui vous feront avancer toujours plus loin. On connait la chanson, depuis le temps, surtout les vieux de la vieille, mais le ton sur lequel elle est chantée ici est plutôt innovant, et c’est ça l’intérêt de ce titre…
Si vous n’êtes pas allergique aux graphismes un peu spéciaux de Flipping Death, n’en attendez pas un jeu de plateforme pur et dur, et qu’il vous reste quelques neurones à dépenser qui n’auraient pas été cramés par le cagnard estival et les festoyages qu’il implique, ce jeu pourrait vous intéresser. Un peu déjanté, tant graphiquement que niveau humour et réalisation, il se place à la croisée de plusieurs mondes : plateforme, point & click, puzzle-game…
Quoi qu’il en soit, en dépit de quelques défauts, il n’en demeure pas moins une excellente expérience, que nous vous recommandons froidement (ouais parce que là, la chaleur, ras-le bol).