Depuis son retour aux affaires, l’éditeur français Microïds s’est fait une spécialité de jouer sur la nostalgie, faisant revivre sur nos écrans des personnages cultes des années 80 et 90. Asterix et Obélix, Tintin, l’Inspecteur Gadget ou encore Goldorak ont ainsi eu droit à de nouvelles adaptations vidéoludiques ces dernières années, avec des résultats plus ou moins convaincants. Mais 2024 a semblé marquer un changement de cap pour l’éditeur. Fini les jeux à foisons, seuls deux titres ont été distribué cette année, loin des standards habituels de la firme. Surtout, ils sont plutôt éloignés du type de licences exploitées habituellement. Les Fourmis ont reçu un très bel accueil critique, et c’est maintenant au tour de Flint: Treasure of Oblivion de se présenter à nous.
Présenté comme un RPG tactique dans l’âge d’or de la piraterie, le titre développé par le studio français Savage Level sort clairement de la zone de confort de l’éditeur. Les premiers trailers avaient réussi à attirer notre curiosité et à nous donner l’envie de partir au large, mais qu’en est-il manette en main ?
(Test de Flint: Treasure of Oblivion réalisé sur Playstation 5 à partir d’une copie fournie par l’éditeur)
L’île au trésor
Flint: Treasure of Oblivion nous glisse dans la peau du capitaine Flint. Ou plutôt ce qu’il en reste, car au début de l’aventure, nous le retrouvons bien mal en point sur un radeau de fortune en compagnie de son compère Billy Bones. Hum Hum, Flint, Bones, si vous êtes adeptes des histoires de pirates, ces noms ne vous sont sans doute pas inconnus. Les deux font partis de l’univers crée par R.L Stevenson dans son roman culte l’Ile au Trésor. Et nous verrons plus tard que les références seront nombreuses tout au long du titre.
D’entrée de jeu, on est happé par les visuels et l’environnement créé par les français de Savage Level. Les textures de la 3D isométrique sont magnifiques et que dire de la narration. Proposée sous forme de planches de bande-dessinée dynamiques, elles font du titre une véritable oeuvre d’art. Certaines planches sont vraiment magnifiques, dans un style proche de celui des albums de Loisel, et plus important encore, elles apportent une vraie plus-value à l’histoire. On reprochera presque qu’elles ne prennent pas plus de place sur l’écran lors de leur apparition, afin que le joueur puisse en admirer les moindres détails.
Après quelques péripéties en guise de tutoriel, c’est dans la prison puis dans les rues de Saint-Malo que débute la véritable épopée de Flint. Et qui dit pirates dit bien évidemment chasse au trésor. Après avoir écouté les élucubrations d’un vieux pirate au seuil de la mort, notre héros au mystérieux passé décide de reprendre la mer.
Un Baldur’s Gate piraté
Si Flint: Treasure of Oblivion a brillamment réussi à nous en mettre plein les yeux dans tous les environnements visités par Flint et son entourage de flibustiers, ce n’est que manette en main que l’aventure peut être jugée dans son intégralité. En prenant le parti de situer l’aventure dans un cadre réaliste (hormis quelques scènes que nous vous laisserons le soin de découvrir), les développeurs ont forcément limité le type d’adversaires qui se dressent sur la route de Flint et de sa bande.
Vous affronterez ainsi quelques bandits de grands chemins, des soldats des armées britanniques, françaises et espagnoles, mais aussi d’autres pirates prêt à toutes les bassesses pour vous doubler. Pour chaque tour de combat, chacun des personnages présent sur le champ de bataille se voit affubler de deux points d’actions de base, utilisables soit pour se déplacer, soit pour attaquer l’adversaire, le tout en tenant bien évidemment compte des spécificités de l’environnement. Rien de bien nouveau sous le soleil des tactical en somme.
Plusieurs types d’armes sont disponibles, du combat à mains nues jusqu’au mousquet, en passant par les pistolets ou les sabres, toujours dans un soucis de réalisme historique. Et faites bien attention, car plus votre équipage va s’étoffer, plus il va devenir difficile de gérer votre équipement. Si vous mettez une lance dans les mauvaises mains, entendez par là dans celles d’un personnage aux caractéristiques un peu trop faibles, elle pourrait s’avérer quasiment inutile.
Mais alors que le jeu aurait pu s’arrêter à des éléments de tactical liés à une belle aventure qui en aurait fait un jeu des plus sympathique et réussi, les développeurs ont fait le choix d’ajouter des éléments de RPG. Et là, n’est pas Baldur’s Gate qui veut. Loin de nous l’idée de comparer deux jeux aux budgets et aux ambitions bien différentes, mais force est de constater qu’à vouloir trop en faire, Flint: Treasure of Oblivion se perd un peu en route, et nous avec.
Le titre fourmille de bonnes idées, mais certaines phases de combats deviennent très difficilement lisibles, la faute à un trop plein d’informations sur l’interface. Embêtant pour un jeu dont l’aspect tactique est primordial. Il devient de plus en plus difficile de gérer les inventaires et les menus de combats au fur et à mesure que l’équipage se garnit. Certains affrontements s’avérant fort excitants, avec pas moins de trente personnages en simultané sur le champ de bataille, on fait pshittt, la faute à un rythme ralenti par une jouabilité pas très ergonomique à la manette.
Et que dire de l’utilisation aléatoire de dés lancés par les personnages lors de chaque attaque. Fidèle à l’idée de base du jeu de rôle papier, ils n’ont malheureusement que peu d’utilité dans l’aventure, la faute à un trop grand nombre de pouvoirs permettant de les relancer en cas d’échec, et ajoutent encore à l’effet d’écran surchargé que l’on a subi durant les batailles les plus importantes.
Une véritable ode à la piraterie (un peu trop ?)
Malgré tout, comme nous le répétons depuis le début, l’immersion visuelle est quasi parfaite, et chaque cinématique et chaque ballade en dehors des combats sont un plaisir pour les yeux. Même si le jeu s’avère être un couloir peu camouflé, sans aucun choix décisif à faire, enlevant encore une grande partie de la composante jeu de rôle, le plaisir nous a accompagné tout au long de notre expérience, non parfois sans une certaine frustration.
Pour les novices de l’âge d’or de la piraterie, le jeu est une petite mine d’or. Bien documenté, il permettra aux plus jeunes d’en apprendre un peu plus sur cette période, tout en ne cherchant pas à faire dans le savoir encyclopédique ennuyeux. Pour les plus adeptes de la période, l’expérience sera bien différente. Flint: Treasure of Oblivion a du mal à surprendre sur la durée tant il enchaine les poncifs.
L’expérience est toutefois loin d’être désagréable et on sent que les développeurs ont apporté un soin tout particulier à l’univers visuel et au langage des protagonistes. Le jeu a été fait par des fans de la piraterie, ça ne fait aucun doute. Mais leur amour de certaines oeuvres les a malheureusement desservi. Avait-on réellement besoin d’un capitaine Flint, d’un Billy Bones ou d’un Long John Silver, vus et revus, alors que tant d’autres pirates ont existé, et qu’il aurait même été possible de créer ses propres personnages ?
Si Flint: Treasure of Oblivion s’en était arrêté à ses magnifiques visuels et à ses combats tactiques certes simplistes mais plutôt réussis, on aurait vraiment eu affaire à une très belle aventure de pirates.
Malheureusement, en ajoutant une composante RPG presque inutile et une gestion d’inventaire plutôt laborieuse, les développeurs ont pris des risques non payants. Malgré tout, le jeu reste selon nous une très belle porte d’entrée dans le monde des jeux tactiques au tour par tour. Proposé à moins de trente euros, il n’est pas dénué de qualités et pourra satisfaire les joueurs qui n’ont pas une centaine d’heures à donner aux plus grands RPG récents, ou ceux qui préfèrent le monde des pirates aux créatures fantastiques.