Que ferait-on si le monde était au bord de sa destruction ? Comment passerions-nous nos derniers instants ? Ces questions ont depuis plusieurs années déjà été évoquées, exploitées par un grand nombre de divertissements en tous genres, dont évidemment le jeu vidéo. Et là encore, avec Eternights (sorti le 12 septembre dernier sur PC, PS4 et PS5), on est de nouveau envoyé dans un univers qui se meurt.
Nos héros, de jeunes adolescents, seront en quelque sorte les élus et les derniers remparts de l’humanité. Et avec les pouvoirs conférés, ils se donneront l’objectif de sauver le monde. Rien que ça ! Mais là où la proposition peut sembler rebattue, elle tient à se distinguer avec l’intégration d’éléments dignes des jeux de drague, lesquels auront une réelle incidence dans les combats.
Une expérience qui vaut le détour ? Eh bien, pour le moment, ce que l’on peut en dire, c’est que même si Eternights semble accuser le coup sur un plan technique notamment et qu’il lui sera difficile de souffrir la comparaison (malheureusement inévitable) d’un Persona, il serait assez dommage de passer à côté du premier titre du studio Sai, ne serait-ce que pour son ambiance.
(Test d’Eternights sur PlayStation 5 réalisée à partir d’une copie fournie par l’éditeur)
Un univers crépusculaire
Allons droit au but, la véritable force d’Eternights réside dans l’univers qu’il nous offre. Certes, tout ce qui nous apparaît semble bien minimaliste, néanmoins une agréable aura arrive à se dégager des décors. Dans cela, dans ce sentiment, les couleurs, la gestion des ombres et de la lumière ont une part non négligeable. Comment dire ? Il y a une sorte de clair/obscur tout à fait approprié, qui conférerait presque à la mélancolie.
Cette atmosphère est un véritable bénéfice ; elle facilite l’immersion et déteint même sur nos personnages. Autrement dit, on a l’impression que nos protagonistes gagnent, au contact de ces éléments, une profondeur supplémentaire.
Les personnages, évoquons-les justement. On se prend facilement de sympathie pour eux. Évidemment, difficile d’en dire autant pour notre héros, qui, lui, n’exprimera pas grand-chose. Il est moins un protagoniste que l’avatar du joueur, par qui on voit notre volonté s’effectuer. Par conséquent, pas de voix, si ce n’est l’expression d’onomatopées (pratiquement toujours la même, soit dit en passant). Le choix de son expression est laissé entre les mains des joueurs. Chose logiquement attendue pour ce genre de jeu : le Dating Sim.
Cependant, bien que l’on arrive à éprouver de l’affection à leur égard, ce n’est pas sans ressentir quelques maladresses. En fait, tout est une question de longueur. Il est possible d’éprouver quelques lourdeurs sur le long terme, dues à des types de blagues de mauvais goût (licencieuses) notamment.
D’ailleurs, sur ce point, le jeu y insiste un peu trop, à notre avis. C’est comme s’il était impossible de faire de l’humour sans en revenir à ce paramètre. Ce qui n’est certainement pas le cas. Le jeu arrive très bien à nous tirer quelques sourires de-ci, de-là avec de petits moments comiques, bien simples mais absolument efficaces.
En revanche, notre attention, elle, sera tout bonnement dirigée vers un autre endroit. C’est qu’Eternights est en effet au centre d’assez bonnes idées sur un plan narratif. Les sujets qui sous-tendent certaines situations, par exemple, ont le mérite de soulever des points plus ou moins intéressants, dans la limite de ce que peut proposer une telle production, bien entendu. Il ne faut donc pas s’attendre à quelque chose de bien profond.
Seulement, si l’on prête un regard attentif, on retiendra peut-être quelques bribes de certains propos philosophiques, à l’instar du fameux questionnement sur la réalité : « la vie est-elle un rêve ? » Une interrogation qui vaut le détour (par ailleurs empruntée au Rêve du Papillon de Tchouang-tseu), même si le ton employé ici est plutôt celui de la plaisanterie… Mais bon, cela donne néanmoins une certaine esthétique à la chose.
Une formule imparfaite
En traversant les différentes activités et les missions proposées, le sentiment que l’on en tire est assez partagé. Il y a comme un réel problème de rythme. On oscille entre action d’une part et ennui de l’autre. En vérité, on a plutôt l’impression qu’Eternights pèche par son manque de propositions.
En préambule, on évoquait la comparaison inévitable avec un jeu tel que Persona, et, honnêtement, on aura du mal à faire autrement tant la construction semble similaire au jeu d’Atlus. On a régulièrement des renvois à des visions oniriques – nous mettant en contact avec une entité mystérieuse –, le défilement de jours et même un temps limite à respecter avant la fin. Et d’autres choses allant dans ce sens pourraient être relevées ici et là, à l’instar du passage à une esthétique en 2D proche de l’animé…
Seulement, le considérer simplement comme un (presque) clone sans saveur serait probablement un tort, en plus de lui enlever sa propre identité. Car oui, Eternights en a une, même s’il semble absolument se diriger vers la voie de l’emprunt… on y reviendra un peu plus tard. Pour l’heure, revenons au sujet que l’on tenait à évoquer : l’expérience de jeu, qui se veut diverse.
Mais paradoxalement, dans cette intention, le jeu en devient, en réalité, plutôt restreint. Explication : Eternights essaie d’apporter de la variété, avec l’intégration de mini-jeux, entre autres. C’est louable, mais cette prétention ne peut être menée jusqu’au bout. On a vite fait de tourner en rond.
Cela dit, en ce qui concerne les combats (du type A-RPG), le jeu s’en sort plutôt bien. Les instants passés à guerroyer avec notre épée de lumière sont plaisants, particulièrement dynamiques et surtout fluides. Après, ce n’est pas sans défaut. La caméra est parfois capricieuse et l’IA de nos alliés en roue libre. Ce qui sera assez désagréable, brouillant ainsi la visibilité au cours de nos affrontements et nous laissant même nous demander s’il s’agit d’un ennemi. À part ça, quelques visuels ratés et une modélisation des ennemis pas toujours au top (ainsi qu’un manque de diversité), on n’aura pas grand-chose à reprocher.
La sensation de défi est bien présente là où il faut. Prenons les boss pour exemple : ces derniers remplissent bien leur rôle, en étant assez agressifs et en présentant au moins deux phases différentes, histoire de complexifier légèrement la chose. Il faut ainsi être tout particulièrement attentif, esquiver quand c’est permis et contrer si c’est possible, en respectant le timing imposé si l’on veut tirer un certain avantage (soit ralentir le temps), ainsi que ne pas manquer les QTE quand ils apparaissent.
Du côté de nos compétences, c’est là aussi plutôt honnête en termes de choix, lesquels deviendront conséquents et puissants à mesure qu’on les débloquera via l’arbre de compétences ou que l’on améliorera la relation que l’on peut avoir avec les différents protagonistes.
La frustration au bout du chemin ?
Mais voilà, comme dit un peu plus haut, c’est répétitif, si bien que l’on finit par trouver le temps long. Il n’y a rien de très amusant à faire tout le temps la même chose, hein ? Les donjons sont d’ailleurs linéaires (en plus d’être labyrinthiques) et ne se résument qu’en une succession de combats : on passe un lieu, on affronte des créatures et on refait de même, tout en se perdant au passage dans des pièces qui nous perturbent par leurs ressemblances. C’est monotone, mais heureusement, quelques phases d’énigmes assez variées arrivent à casser ce rythme.
Et puis, il existe un véritable problème qui, justement, se situe sur un point assez important : les relations entre les différents personnages peuvent finalement sembler superficiels. Au final, il n’y a que très peu d’émotions dans leurs échanges. C’est comme s’il manquait un quelque chose pour les rendre plus crédibles, plus forts.
Il en est de même pour ce qui concerne les petits soucis personnels de nos héros. On sait qu’ils sont tourmentés par une quelconque raison, mais on ne le ressent pas vraiment ou mal. En substance, le récit a du mal à transmettre les émotions qu’il veut porter. En tout cas, il semble manquer d’impact, même si cela reste appréciable.
Malgré tout, Eternights arrive à nous happer. Les interactions entre les différents personnages sont avant tout le vecteur d’une réelle forme de sincérité. Et tout cela est renforcé par une composition musicale qui berce plaisamment notre petite aventure en milieu apocalyptique. C’est en effet ces morceaux qui ajoutent un petit plus à notre univers déjà pas si mal artistiquement parlant. Sans oublier d’autres choix visuels assez appréciables, qui tendent à rendre la désolation du monde quelque peu palpable.
Plus précisément, il s’agit d’effets que l’on peut observer au cours de cinématiques. Nos personnages sont parfois captés sous un certain angle, la caméra tremblote quelquefois ou encore a-t-on certains plans en contre-plongée assez intéressants… Bref, ce genre d’attention est vraiment bienvenue pour un titre voulant nous faire voyager dans un monde dévasté. Cela dégage une certaine atmosphère, que l’on pourrait tout simplement qualifier de triste.
Il y a donc du bon pour un jeu qui, globalement, s’en sort plutôt bien. Alors oui, graphiquement, le rendu n’est pas toujours joli et c’est assez redondant, mais peut-on réellement en sortir frustré ? Pas vraiment. En vérité, on ne peut que louer son développeur, Studio Sai, qui n’a pas à rougir de la concurrence, puisque, avec des moyens assez limités, il a réussi à nous pondre un titre pertinent pour son premier essai.
Eternights est un jeu plutôt intéressant. Il ne paie pas de mine et arrivera sans doute à lasser un grand nombre de joueurs, si tant est que ces derniers ne soient pas séduits par l’univers proposé. Car oui, le jeu de studio Sai arrive à fournir quelque chose d’assez sérieux dans ce domaine.
Que ce soit par la gestion des couleurs, de la lumière, ou par sa musique et ses personnages, Eternights s’en sort avec les honneurs. Et ce sont ces paramètres-là qui permettent au titre d’acquérir sa propre identité, et le tirer de l’ombre du jeu qui l’a grandement inspiré, à savoir Persona 5.