Après un Dungeon of the Endless qui avait séduit les foules en 2014, Amplitude Studio continue le développement de son univers Endless (Endless Space en 2012 et Endless Legend sorti lui aussi en 2014) avec Endless Dungeon. Le studio parisien, après Humankind (2021), annonce une refonte de Dungeon of the Endless, tant sur le plan graphique que sur son gameplay. Si tous les éléments caractéristiques de Dungeon of the Endless sont repris (Tower Defense, Rogue-lite, Dungeon Crawler), cette nouvelle mouture abandonne le pixel art pour une DA plus fraîche et réaliste, s’investissant surtout dans un gameplay plus immersif et nerveux.
Concrètement, si l’on veut suivre une filiation entre les deux jeux d’Amplitude Studios, le core gameplay est identique, et ce qui a surtout changé, ce sont les moyens mis en jeu. On sent qu’Amplitude Studios maîtrise sa formule et que la compagnie dispose de finances autrement plus imposantes qu’auparavant.
Si Dungeon of the Endless séduisait un public assez restreint au vu de ses graphismes et de ses mécaniques, ici, la volonté du studio est claire : séduire un public plus large et parler à un maximum de personnes, et nous pensons que ce choix va payer. Bien que les gunfights ne soient pas le plus gros point fort du jeu (certains monstres avec des protections vous forceront toutefois à vous déplacer), force est de constater que le tout est beaucoup plus prenant comparé au dernier opus.
(Test de Endless Dungeon sur PC réalisée à partir d’une copie fournie par l’éditeur)
Et la lumière fut
Revenons un peu plus spécifiquement sur l’univers que développe Amplitude depuis maintenant 10 ans, l’univers d’Endless. Si Endless Legend échappe un peu à la règle, les Endless se placent tous dans un univers de science-fiction (à noter que Endless Legend se situe dans un genre se rapprochant de la fantasy, mais le lore reste le même, il s’agit juste d’une époque antérieure).
On retrouve donc les mêmes races et factions, ainsi que la brume, cette ressource rare, toujours source de convoitise. Notez qu’elle jouera un rôle important dans vos runs, mais nous y reviendrons. Aussi, plus subtilement, on sent ce goût du tour par tour qu’a le studio, développeur comme on le sait de 4X (Endless Space, Humankind), car c’est aussi un sentiment que l’on retrouve avec l’ouverture des portes du donjon, ouverture qui est autant un moyen symbolique de faire avancer le joueur qu’un curseur de difficulté et de progression à l’intérieur du donjon.
En effet, plus vous ouvrez de portes, plus vous aurez de ressources, mais vous risquez également de réveiller plus fréquemment des vagues de monstres. Il s’agit donc d’un choix à faire. Cet équilibre entre difficulté et progression fait fortement penser à un Risk of Rain, développé par Hoopoo Games en 2013, jeu où le joueur doit trouver un équilibre : parcourir les instances et trouver un stuff décent pour continuer la progression et une course contre la montre qui lui envoie des vagues de monstres de plus en plus difficiles à vaincre.
Au niveau des influences, surtout pour le côté Tower Defense, on pensera à Dungeon Defenders, jeu où l’on plaçait déjà des tourelles pour contenir les vagues de monstres et où on incarnait un personnage unique.
Dans ce Endless Dungeon, on possède un roster de personnages complet, où chacun endosse un rôle plus ou moins différent (on retrouvera un personnage healer, un DPS pur et simple, un personnage axé sur le crowd control, un autre plus pensé pour tenir des positions et autres).
On regrettera tout de même que le gameplay de chaque personnage ne change que très peu (aucun personnage au corps à corps par exemple) et que peu importe votre choix, vous serez généralement en train de faire un tir de barrage sur la vague de monstres qui menace votre générateur, votre robot ou tout simplement votre peau.
La courbe d’apprentissage du jeu a aussi été revue pour être beaucoup moins raide que Dungeon of the Endless, ce qui rend Endless Dungeon bien plus accessible. Le joueur est en quelque sorte l’agent déterminant sur la difficulté de la run, même si la chance y fait beaucoup. Comme nous l’avons déjà dit, plus vous ouvrez de portes, plus vous ferez de bruit, et les vagues de monstres seront alors beaucoup plus fréquentes.
Toutefois, certaines pièces généreront des monstres et n’apporteront rien. Si vous avez déjà deviné la route qu’il fallait prendre pour sortir du niveau, rien ne vous force à ouvrir toutes les portes, car celles-ci peuvent vous mener à des bassins de blobs visqueux et avides de vous découper en rondelles ou des ateliers de construction de robots programmés pour vous tuer.
Le comportement de certains monstres sera parfois unique : quand tel monstre aura un appétit particulier pour vos tourelles, d’autres aimeront saluer vos générateurs avant toute chose. D’autres auront des projectiles à vous envoyer et des télégraphes sur le sol vous inciteront à vous déplacer si vous ne voulez pas subir des dégâts démesurés. Certains spectres pourront devenir invisibles pendant plusieurs (très) longues secondes tandis que quelques blobs auront une défense impénétrable à l’avant, vous forçant à vous déplacer pour leur infliger des dégâts.
Le côté combat n’est donc pas du tout anecdotique sur Endless Dungeon. Les combats de boss sont également réussis avec des combats très différents selon l’adversaire, vos tourelles seront un atout majeur ou totalement inutile, vous devrez parfois explorer un niveau entier ou parfois affronter le boss dans une seule et même pièce… Bref, les choses n’ont pas été faites à moitié.
Stratégie, vers l’infini et l’au-delà
Nous ne vous avons pas tout dit concernant les combats, notamment sur l’ajout déterminant des éléments. Chaque groupe de monstres (spectre, blobs, insectes et robots) sera vulnérable à un élément et très résistant à l’un deux. Vos armes ainsi que vous tourelles peuvent être alimentées par certains de ces éléments – Électricité, Acide, Lumière, Feu – et il faudra donc composer et ajuster votre stuff et vos tourelles en fonction du type de monstre du niveau.
De nouvelles armes ainsi que des puces modifiant légèrement vos caractéristiques seront trouvables dans des coffres disposés aléatoirement tandis que des recherches seront nécessaires pour débloquer de nouvelles tourelles ou améliorer les anciennes.
Car une gestion des ressources, dans un semi-temps réel comme on l’a dit, est à prendre en compte lors de vos runs. Vous en aurez principalement trois : la science, l’industrie et la nourriture. La science vous permettra d’améliorer vos tourelles tandis que l’industrie vous servira à construire ces tourelles, mais aussi vos générateurs. En effet, les générateurs produisant plus de ressources, ils endossent un rôle capital.
Et pour terminer, la nourriture, qui vous permettra de créer des kits de soin, mais aussi d’améliorer vos personnages selon trois choix déterminés que vous pouvez reroll, moyennant dix unités de la ressource concernée. Cette manière de faire se retrouve chez le marchand, qui offre trois choix possibles, tout comme les stations de recherche, et possiblement plus à condition de payer pour plus de choix.
Si la formule de Endless Dungeon est propre au rogue-like – monstres à abattre, ressources à accumuler et à dépenser, boss de circonstance, et c’est reparti –, le côté stratégique dans la gestion de ressources ajoute une certaine rejouabilité qui est plus qu’agréable, certaines stratégies pouvant être tentées : premier générateur de nourriture pour avoir un personnage plus puissant ou premier générateur d’industrie pour plus de tourelles ?
À moins que le générateur de nourriture ne soit jamais posé de toute votre run, car vous estimez que des tourelles améliorées (science) et en masse (industries) seront votre moyen de venir à bout de l’IA malfaisante qui vous retient captif (2001, l’Odyssée de l’espace n’est décidément jamais très loin dans les œuvres de science-fiction) ? Même s’il est clair qu’un côté répétitif s’installe au bout de quelques runs lancées à la suite (sentiment peut-être propre aux rogue-like ?), le jeu n’est pas avare en nouveautés pour le genre.
C’est certainement l’occasion de revenir sur les tourelles un peu plus en détail. Il faut savoir que les tourelles possèdent des emplacements définis qu’il ne vous est pas possible de choisir. Des petites indications vous montrent où une tourelle peut être installée et sachez qu’une fois installée, celle-ci ne peut plus être enlevée, et cela a toute son importance dans Endless Dungeon (comme vous le comprenez, les missclicks sont donc impardonnables).
Car là où le Tower Defense de Endless Dungeon prend tout son sens, c’est dans le fait que votre robot cristal, que vous devez protéger à tout prix, ne sera pas qu’un point fixe de la map, vous devrez le faire bouger pour pouvoir avancer et ouvrir certaines portes. Comme vous vous en doutez, le bouger réveillera automatiquement les monstres et vous devrez affronter une vague qui ne cherchera qu’à détruire votre seul espoir d’avancer dans ce dédale : le robot.
Le point fort du jeu réside dans le fait que certaines tourelles extrêmement bien placées peuvent vite devenir obsolètes selon la disposition de la map et l’endroit où votre robot devra se diriger. Le placement des tourelles est donc primordial, mais seulement temporairement. On retrouve encore cette logique d’équilibre entre économie et efficacité jusque dans la gestion des tourelles.
Plus on est de fous…
Avant de parler de la coop du jeu, faisons un petit récapitulatif de ce qui nous a chiffonnés sur ce titre. Si l’on reste sur ce segment coop, on pourra reprocher à l’IA du jeu d’être quelque peu limitée lorsqu’on joue en solo. En effet, votre équipier (vos équipiers, si vous dépensez assez de ressources dans le HUB plus tard dans le jeu) n’améliorera pas les tourelles ni ne les réparera, il se contentera de vous suivre ou de camper une position.
Aussi, votre robot cristal pourra se retrouver bloqué au pied d’une tourelle sans penser à faire le tour (plutôt inconvenant quand vous venez de vous faire déborder sur deux côtés simultanément, nous pouvons vous l’assurer), mais tout cela sera certainement fixé d’ici peu. Si l’on veut continuer dans les contestations (très légères, vous en conviendrez), on pourrait aussi pointer du doigt des indications visuelles manquantes comme le manque d’infos sur la map in-game qui restent étonnement succinctes. C’est presque tout ce qu’on trouve à dire en mal sur ce Endless Dungeon, c’est pour dire.
Revenons donc à nos moutons et parlons coop. Et c’est là que le fun s’installe. Bien que pour des logiques de visibilité à l’écran, le nombre de joueurs soit limité à trois, le jeu d’Amplitude Studios est d’une efficacité redoutable sur son système coopératif. Même si toute la progression n’est bénéfique qu’à l’host de la partie, on oublie vite cette iniquité et on commence à placer des tourelles et ouvrir des portes de manière automatique. Chacun joue son rôle en fonction du personnage sélectionné, les niveaux sont beaucoup plus faciles et l’heure tourne. Bref, le potentiel d’Endless Dungeon s’exprime totalement.
Sous une atmosphère faussement récréative et détendue, Endless Dungeon nous livre un concentré de fun et de choix dans une formule mixée qui détonne. Un zeste de Tower Defense, un chouïa de rogue-lite et un petit soupçon de jeu de stratégie, la recette interloque, mais une fois tombé dans la marmite, il est très difficile d’en sortir.
Le jeu est dynamique, frais et se partage entre amis. Que demandez de plus ? Cela fait désormais quelque temps que l’on surveille Amplitude Studios et l’heure est venue de les remercier, car grâce à ce Endless Dungeon, nous avons pu passer de très agréables heures de jeu et nous ne sommes pas près d’arrêter.