Au cœur d’un été durant lequel nous avons été abreuvés par quelques grosses productions ou jeux indés de qualité (Donkey Kong Bananza, Ninja Gaiden Ragebound ou Mafia: the Old Country par exemple), il est difficile pour un titre d’ampleur plus modeste de se faire une place. Telle est la dure loi pour les AA, même soutenus par un éditeur de renom. Pourtant, au gré de ses récentes présentations, Echoes of the End, par les Islandais de Myrkur (premier jeu), devenait de plus en plus un titre à suivre et une potentielle belle surprise vidéoludique.
Sorti ce 12 août dernier sur PlayStation 5, Xbox Series et PC, le titre a donc été développé par une équipe réduite, d’environ quarante personnes. Pour autant, les développeurs ne cachent pas leur ambition de nous séduire avec leur passion tout en nous proposant une véritable carte postale numérique des magnifiques panoramas Islandais. Mais Echoes of the End est-il à la hauteur ou cette fougue et cette passion communicative se sont-elles heurtées à la dure réalité du marché ?
(Test de Echoes of the End sur PS5 réalisé à partir d’une version fournie par l’éditeur)
Des débuts difficiles
Régulièrement, on entend les développeurs parler de la « first hour experience ». L’idée est que sur la première heure de jeu, l’attention du joueur soit captée et qu’il ait envie de continuer l’aventure, dans l’idéal jusqu’à son terme. Dans le cadre d’Echoes of the End, nos débuts furent particulièrement compliqués. Il n’y a pas grand-chose qui va même. On y découvre Ryn, notre personnage principale, agaçante au possible et son frère avec qui elle fait équipe dans une relation qui n’a rien d’harmonieuse.
Mais soit, ces tensions ont le mérite de poser l’univers, le rôle de Vestigiale de Ryn, celui de gardien, en quelque sorte, de Cor et les prémices d’une invasion qui va impliquer la captivité du frangin et notre rencontre avec Abram, une connaissance du défunt père de l’héroïne. On a toutefois du mal à s’attacher à la protagoniste du fait de ses changements d’humeur parfois incohérents, de quoi aussi nous sortir d’une intrigue qui s’annonçait pourtant intéressante. Heureusement, avec l’arrivée d’Abram dans l’équipe et l’humour et la sagesse qu’il apporte, Ryn sera bien moins insupportable et l’évolution de la relation entre les deux personnages, plus encore que les enjeux narratifs globaux, rendront l’ensemble plaisant à suivre.
Mais les premiers vrais soucis se présentent manette en main, et notamment au niveau du système de combat. Ceux-ci souffrent de nombreux problèmes, à commencer par la mollesse générale des affrontements, combinée à une absence de retours utilisateur, qu’ils soient visuels ou auditifs, afin qu’on puisse réellement profiter des pouvoirs de Ryn. Nous disposons pourtant de capacités intéressantes, avec des pouvoirs télékinétiques qui nous permettent de faire valdinguer les ennemis sur leurs complices, et leur infliger des dégâts, avant d’aspirer leur vie ou les passer sur le fil de notre épée.
Cependant, le manque de clarté général provoquera régulièrement des mort stupides, évitables, par exemple à cause de sorts ou d’attaques qu’on ne voit pas venir, faute de repères visuels ou sonores. Dans le même ordre d’idée, on a beau nous proposer un système de contre à timer au bon moment, il nous est apparu comme particulièrement imprécis et on finira par préférer l’esquive, bien plus permissive et efficace. Et puis, il faut aussi compter avec les bugs et problèmes techniques, mais nous reviendrons sur ce point un peu plus tard.
Clairement, nos premières heures sur Echoes of the End se sont avérés pénibles et nous nous demandions dans quel traquenard nous étions encore tombés. Pour autant, au fil de l’aventure et grâce aux arbres de compétences nous ayant permis de gagner de nouvelles capacités, ces problèmes ont pu être globalement masqués et rendre les combats bien moins pénibles. Ces problèmes sont évidemment toujours présents, mais leurs conséquences sont moins importantes du fait de notre toute puissance acquise.
Il faut dire qu’au vu du faible bestiaire proposé (durant plus de la moitié du jeu, on combattra plus ou moins les même quatre variétés de monstres…), on a rapidement pu trouver des parades à leurs assauts et gagner en efficacité. Alors effectivement, l’ensemble est vite redondant, même si les très chouettes « finish move » sont relativement nombreux, mais on s’est aussi aperçu rapidement que les combats n’étaient, fort heureusement pas le cœur de l’expérience, ce qui permet de faire passer la pilule moins difficilement.
Un manque de finition regrettable
Nous l’avions supposé lors des différentes présentations, Echoes of the End repose sur un équilibre entre exploration, combats et résolution d’énigmes. Ce dernier point, central dans l’aventure, c’est révélé être une franche réussite. Chaque chapitre nous introduit une mécanique inédite et exclusive dont l’utilisation se complexifiera jusqu’au terme de la zone. Généralement, il s’agira de comprendre comment se frayer un chemin en modifiant notre environnement, mais nous avons également croisé quelques tests logiques plutôt malins à défaut d’être très compliqués.
Une approche qui nous a rappelé le premier Darksiders. Alors évidemment, les premières énigmes sont enfantines, mais rapidement certaines ont nécessité que nous nous posions quelques minutes afin de comprendre ce qu’on attendait de nous. Des puzzles souvent ingénieux qui allient réflexion, observation et logique et qui se combinent généralement à des phases de plate-forme assez classiques mais implémentés de manière fluide et cohérente. Alors, on aurait sans doute aimé en avoir d’autres, avec des énigmes de plus grande ampleur, mais ne boudons pas notre plaisir.
Echoes of the End reste pour autant un titre linéaire (et le mot est faible). Les rares embranchements proposés sont pour cacher un coffre contenant un fragment de vie ou de magie, ou un élément de lore (avec quelques clins d’œil à d’autres œuvres de Fantasy notamment). Ce n’est d’ailleurs pas un mal, on préfère avoir affaire à un jeu linéaire maitrisé qu’à un monde ouvert creux. Et si le rythme est parfaitement maitrisé, avec un enchainement parfait entre phase de combat, d’énigmes et d’exploration, du côté de la technique, on est à la limite (parfois franchie) de l’inacceptable.
Tout au long de l’aventure, on nous rabâche à quel point les décors sont beaux, pointant sans cesse les magnifiques panoramas que nous offre le monde. Et sur ce point, il faut bien reconnaître que c’est plutôt réussi. Echoes of the End réussi à régulièrement nous flatter la rétine en nous offrant de superbes vues inspirées de réels paysages d’Islande. Même les environnements explorés sont plutôt jolis et prouve une nouvelle fois les merveilles visuelles qu’est capable de proposer l’Unreal Engine 5.
Pour autant, cette envie de nous en mettre plein la vue fait ressortir les nombreux problèmes techniques et visuels du titre. Outre les nombreux bugs (durant la douzaine d’heures qu’il nous a fallu pour boucler le jeu, nous avons été contraint de redémarrer le jeu à quatre reprises à cause de blocages dans le décor), ce sont les problèmes de finition qui font grandement tâche. Par exemple, alors qu’on nous met en avant la magnifique chaine de montagne enneigée derrière un lac, comment ne pas voir les reflets proprement hideux de cette montagne sur l’eau ? Comment aussi ne pas fustiger les immondes flous dans certaines cinématiques ou, pire encore, des flammes en 2D animées à cinq images par secondes ? Scandaleux !
Autre signe que la fin du développement semble avoir été faîte dans la précipitation, les liens entre les différents chapitres se font de manière particulièrement abruptes, avec un écran de chargement qui apparait sans crier gare. Dans le même ordre d’idée, on remarquera que les animations manquent de fluidité et que certaines liaisons, comme lorsqu’on s’accroche à une parois ou qu’Abram nous tend la main pour nous aider à grimper, on se retrouve comme téléporté vers l’objectif. Echoes of the End semble nécessiter encore quelques mois de développement.
Il est toutefois à noter qu’un premier patch devrait être déployé sur consoles et PC d’ici quelques jours et pourrait corriger certains des problèmes évoqués (on l’espère en tout cas). Toujours est-il que, tout jeu modeste soit-il et proposé à un prix en rapport avec son statut de AA (40 euros), il reste anormal de sortir un jeu dans un tel état. On a bien conscience que reporter sa sortie afin de pouvoir terminer son coup de polish signifie aussi invisibiliser sa sortie face aux blockbusters de fin d’année, mais le sortir ainsi est peut-être une décision encore plus catastrophique pour le futur d’un jeu loin d’être ridicule.
Echoes of the End est un titre qui souffre de terribles défauts de finition. Entre les nombreux bugs techniques et visuels, on ne sait plus où donner de la tête. Et si ces soucis pourraient, au moins en partie, être corrigés à la faveur de patchs, les combats eux nécessiteraient une refonte bien plus profonde. Les capacités de notre héroïne sont pourtant intéressantes, avec quelques sorts fun à utiliser à débloquer dans les arbres de compétences, mais le manque de rythme de l’ensemble et le manque de retours visuels ou auditifs les rendent finalement aux mieux passables.
Heureusement, Echoes of the End brille quand il s’agit de nous proposer des énigmes environnementales à résoudre, avec de nouvelles mécaniques incorporées au fil de l’aventure et qui font montre de l’ingéniosité des développeurs de Myrkur Games. Aussi, nous aimerions mettre en avant l’excellente bande son composée par Viktor Ingi Guomundsson. Ainsi, et contre toute attente, nous ressortons d’Echoes of the End plutôt charmé par la proposition. Le canard est certes boiteux, mais il a aussi beaucoup de charme et transpire l’envie de bien faire malgré ses ressources limitées.