« Dans le Guandong, des hommes justes levaient leurs troupes contre les hommes vils et corrompus. Ils se rassemblèrent d’abord à Mengjin, mais leur cœur se trouvait à Xianyang. Leurs troupes étaient réunies, mais leur volonté n’était pas la même. Ils vacillaient comme des oies. Les intrigues poussaient les hommes à se quereller, puis à s’entretuer. »
Extrait de Marche parmi les morts, poème de Cao Cao
La célèbre franchise des Dynasty Warriors nous revient cette année avec Dynasty Warriors: Origins, nous présentant une nouvelle aventure située à la fin de l’Empire Han et conduisant à la genèse des Trois Royaumes. Un retour qui succède à celui, en demi-teinte, de 2018 avec un épisode neuf dans lequel Omega Forces s’était essayé à une forme de monde ouvert.
Avec Dynasty Warriors: Origins, le studio, et son éditeur Koei Tecmo, nous proposent cette fois une formule retravaillée et, surtout, la possibilité de revivre les évènements menant à l’édification des royaumes de Shu, Wei et Wu, en suivant, puis en soutenant, les seigneurs de guerre respectifs que sont Liu Bei, Cao Cao et Sun Jian.
Une précision s’impose : votre serviteur n’a jamais joué à un Dynasty Warrior ni même à jeu musou. Aussi, ce test s’adresse sans doute davantage aux joueurs dans la même situation qu’aux familiers de la franchise qui se demanderaient ce qu’il y a de nouveau, de mieux ou de pire que dans les précédents opus.
(Test de Dynasty Warriors: Origins sur PC réalisé via une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Le crépuscule chaotique des Han
Dynasty Warriors: Origins, comme son titre le laisse vaguement supposer, ne nous plonge pas directement à l’époque de la confrontation entre les Trois Royaumes. Leur formation se trouve en fait à la toute fin du jeu. Le titre débute avec le soulèvement des Turbans Jaunes, une révolte paysanne qui s’était historiquement propagée en Chine et avait plongé l’Empire Han dans la tourmente. Celui-ci, impuissant, a alors eu recours à des seigneurs de guerre locaux et leurs milices pour reprendre le contrôle, et se retrouvant à leur merci. Le premier chapitre du jeu est consacré à l’insurrection des Turbans Jaunes puis leur dérive et leur élimination. Et il convient de souligner que le soin apporté à l’historicité et à un regard assez nuancé sur le sujet est bien présent.
Le joueur incarne un mystérieux personnage amnésique qu’il peut nommer librement et qui va rencontrer Guan Yu, l’un des frères de serment de Liu Bei, et qui est donc le premier seigneur introduit. Dans le jeu, les trois seigneurs principaux sont largement associés à des archétypes et dépourvus de nuance : Liu Bei est altruiste et vertueux, Cao Cao est strictement rationnel et ambitieux et Sun Jian se distingue par son sens de la famille et sa loyauté envers les Han.
Il est nécessaire d’aborder le cas de Dong Zhuo, le seigneur de guerre du Xiliang qui profita du chaos pour devenir chancelier des Han et antagoniste du second chapitre. Au tout début du jeu, le personnage est assez intéressant, et même nuancé. Mais dans le second, il devient un méchant stéréotypé qui compare les hommes à des animaux dans tous ses dialogues et c’est assez dommage.
Néanmoins, le caractère des trois factions principales est développé au fil de l’aventure par les personnages qui les rejoignent. Liu Bei est essentiellement rejoint par des guerriers vertueux ou érudits, tels que Zhao Yun et Zhuge Liang, tandis que Cao Cao est rejoint par des stratèges tels que Guo Jia et Xun You. Quant à Sun Jian, il apprend à sa famille l’art de gouverner (notamment Sun Ren et Sun Quand) et est rejoint par des locaux et un seigneur Nanman.
Du chaos se nourrit le gameplay
Dans la droite lignée de la Romance des Trois Royaumes, les héros et officiers de Dynasty Warriors: Origins sont des personnages pratiquement surhumains, accomplissant des exploits dignes d’Achille et triomphant de centaines, voire de milliers, d’ennemis lors des combats. Un récit qui se noue harmonieusement avec le genre musou dans lequel les héros doivent affronter une soldatesque nombreuse et peu dangereuse, mais menée par des héros redoutables.
Fondamentalement, le gameplay se divise ainsi : le joueur peut parcourir le monde sur une carte de campagne couvrant la Chine des Han, aller de ville en ville, de bataille en bataille, récupérer quelques ressources spécifiques et faire des rencontres ; le joueur peut, évidemment, combattre sur des champs de bataille plutôt variés sur lesquels il faudra vaincre les généraux ennemis, secourir les siens et capturer ou défendre des camps ; enfin, il y a de nombreuses cinématiques dans lesquels le joueur est confronté à un aspect RPG très léger et très flou.
Parcourir la Chine dans Dynasty Warriors: Origins n’est pas une affaire laborieuse. La carte n’est finalement pas très grande, seules quelques villes importantes sont présentes, et en quelques dizaines de secondes l’on parcourt de part en part les grandes régions du pays. Pourtant, les développeurs ont cru bon de placer un système de pierre de téléportation dans chaque région qu’il faut activer lorsque l’on s’y rend pour la première fois. Non seulement ces dernières ont une utilité absolument inexistante mais, en plus, les activer vous fait perdre 15 secondes de fondu enchaîné sur un menu dédié. Le gain de temps est insignifiant et user de ce moyen de déplacement risque de priver le joueur de certaines rencontres avec des personnages chemin faisant, aussi nous ne pouvons que recommander de ne pas utiliser ces pierres et de parcourir la carte à cheval.
Le champ de bataille est là où se trouve l’âme de Dynasty Warriors: Origins. Après une brève cinématique où les officiers vous présentent les forces en présence, leur plan et leurs doutes, vous vous retrouvez sur une carte assez grande mais parfois étriquée avec des objectifs simples à atteindre : l’armée ennemie doit être vaincue, la vôtre ne doit pas être mise en déroute. Pour cela, il y a une barre représentant le moral des deux armées et celle qui voit le sien tomber à 0 est vaincue.
Pour diminuer le moral de l’ennemi, il faut vaincre leurs généraux, vaincre un nombre important de piétaille (par pallier de 100) et capturer des points. L’ennemi va en faire autant pour démoraliser vos forces. Il est essentiel de surveiller la vie des généraux alliés, car leur absence lors de certains combats peut coûter la victoire, aussi aller les aider quand ils sont en difficulté permet de leur faire régénérer leur vie et d’améliorer vos relations.
Enfin, entre ces batailles et découlant de notre pérégrination sur la carte, il y a également de très nombreuses cinématiques qui permettent de découvrir les innombrables généraux les plus connus de la période. Naturellement, l’on suivra Liu Bei, Cao Cao et Sun Jian lors de leur alliance et de leurs doutes partagés, mais également leurs généraux légendaires tels que Guan Yu, Zhang Fei, Dan Wei, Xun You, Guo Jia, Cheng Pu, Sun Ce, Sun Ren etc. Pour toute personne qui aime cette période et ces personnages, le jeu offre une perspective assez honorable, d’autant qu’il est possible d’améliorer ses relations avec certains d’entre eux et de les avoir en compagnon au combat, ce qui débloque une variation plus puissante de l’attaque musou.
Plutôt trahir le monde que d’être trahi par le monde
De nôtre côté, nous avons fait l’aventure du côté de Cao Cao dont les ambitions et motivations nous allaient bien, et pour avoir le brave Guo Jia en compagnon. Un petit regret s’impose d’ailleurs du côté des factions : cela aurait été peut-être plus intéressant de pouvoir rejoindre d’autres seigneurs de la période comme Yuan Shao, Dong Zhuo ou Kong Rong. D’autant qu’il est possible d’améliorer nos relations avec Dong Zhuo tout au long du premier chapitre, mais, lorsque ce dernier nous propose de le rejoindre dans le second chapitre, le jeu ne nous permet de que de dire « non ». Il en va de même pour Yuan Shao, représenté en chef d’alliance assez nul, fier du nom de sa maison mais visiblement plus soucieux du sort du peuple que Cao Cao ou Sun Jian.
Certes, le jeu n’est pas un RPG, et ce constat s’impose également avec la roue de dialogue lors des cinématiques dont il est parfois peu évident de savoir ce qui va plaire ou déplaire à notre interlocuteur. Pour des conséquences par ailleurs assez peu tangibles. Et c’est peut-être une petite faiblesse du jeu, à notre sens, que de jouer un personnage énigmatique, qui ne dit et ne fait rien pendant les cinématiques, mais pourtant le monde entier entends parler de nous, les héros de Chine veulent nous parler ou nous recruter, voire nous demander conseil. Mais, après tout, c’est le genre du jeu et un détail mineur.
Nous laisse perplexe, également, la mort bâclée de Dong Zhuo sans véritable développement de l’antagonisme entre lui et Lü Bu et qui arrive un peu de nulle part. De même, la romance entre notre personnage et Diachan est très bizarre, mais l’on met cela sur le genre du jeu encore une fois.
Car, au final, Dynasty Warriors: Origins nous fait une promesse : suivre les grands seigneurs de guerre qui émergent du chaos d’une nation divisée et choisir celui qui nous semble le plus juste pour l’unifier. Et cette promesse est tenue. Le jeu est agréable, réellement tactique, narratif, vraiment bien optimisé, la promesse est remplie.
Pour les personnes intéressées par cette période, nous ne pouvons que leur recommander Dynasty Warriors: Origins (et la série chinoise de 2010) tant le titre présente bien les évènements précurseurs conduisant à la formation des Trois Royaumes. De nôtre côté, on espère cependant un futur opus peut-être plus RPG et bac à sable où il serait possible de conduire un seigneur de guerre alternatif à la victoire, à l’image de ce que propose l’excellent Total War: Three Kingdoms ou Kessen dans un autre genre.