Disney Mirrorverse, le dernier jeu mobile mettant en scène les héros des licences Disney de Jack Sparrow à la méchante belle-mère de Blanche-Neige, est disponible sur smartphones Android et Apple depuis le 23 juin. Le trailer du jeu avait pu mettre l’eau à la bouche des fans les plus férus du studio. Entre les nouveaux designs des personnages, la promesse d’une histoire inédite, le jeu semblait en effet se démarquer des autres jeux free-to-play cherchant à capitaliser sur ces licences connues de tous. Une dizaine de jours après sa sortie, on peut se demander si le pari de Disney et Kabam est réussi. Est-ce que, lorsqu’on se décide à traverser le miroir, l’aventure se démarque vraiment des autres jeux mobiles Disney ?
Des nombreuses promesses des développeurs de Mirrorverse, la plus évidente à évaluer, c’est la qualité des nouveaux designs : les visuels des personnages sont adaptés à ceux d’un jeu de combat, et sont généralement réussis, les longues robes à crinolines des princesses sont troquées pour des jupes fonctionnelles, Stitch apparaît plus alien que jamais, et le Génie porte une tenue d’apparat qui lui donne encore plus de prestance. Ces révisions visuelles, en plus d’offrir une nouvelle vision des personnages, ont également pour avantage de donner au tout une unité esthétique, ce qui est généralement tâche impossible pour un jeu chargé de réunir tant d’univers.
C’est peut-être également un moyen pour la firme de se rapprocher d’un autre public que celui de ses précédents jeux, en donnant un ressenti en apparence plus mature et dangereux. En effet, il s’agit, par exemple, du premier jeu où on voit les princesses manier des armes, là où Kingdom Hearts, dans le monde d’Arendelle, avait souffert de ne pas se permettre de laisser le joueur explorer le monde avec la princesse Anna, se cantonnant à ne lui laisser que le géant de neige créé par Elsa.
Le renouveau permis par ce parti pris artistique est d’autant plus efficace qu’il permet d’actualiser des designs des princesses ayant un peu vieilli, comme celui de Blanche-Neige, par exemple, et, que nous apprécions ou non le jeu, il faut reconnaître qu’il sera intéressant de suivre quels seront les personnages ajoutés à l’avenir pour voir la manière dont ils seront retravaillés : si le jeu pourrait se prêter à merveille à l’arrivée des personnages de l’Atlantide par exemple, dont Kida par exemple qui est très active dans le film, on pourrait se demander la manière dont seraient traités des princesses comme Aurore, la Belle au Bois Dormant, ou Cendrillon.
Pourtant, si le jeu n’était que beaux designs, qu’esthétique, ce serait clairement insuffisant pour les ambitions affichées par le studio : le gameplay de Disney Mirrorverse est probablement le plus travaillé des jeux mobiles Disney. Enfin, on se retrouve à réellement contrôler ses personnages et les faire combattre. Il part de la même base : les personnages sont divisés en quatre catégories : attaquant de mêlée « corps-à-corps », attaquant à distance, tank et soutien. Cependant, sous cette base très simple se cache une richesse insoupçonnée, puisque les personnages disposent de nombreuses capacités passives, qui peuvent rendre le travail de team building passionnant, et permettre d’explorer différents styles de jeu, au-delà de simplement prendre ses personnages favoris au sein de la même équipe (même si c’est définitivement un des arguments du jeu aussi !).
Pour ce qui est du contenu, forcément, venant tout juste de sortir, on aurait pu croire qu’il serait chiche en termes de choses à faire : ce n’est pas forcément le cas. Les personnages restent assez nombreux, au nombre de 45, et, entre les quêtes d’événements, les quêtes d’histoire, les quêtes de ravitaillement pour améliorer ses personnages, les quêtes de donjons : on se retrouve au contraire vite submergé de choses à faire. Cependant, contrairement à un jeu comme Sorcerer’s Arena, la présentation du jeu permet de s’y retrouver assez facilement, et finalement, cela reste une bonne expérience de ce point de vue.
Disney Mirrorverse est donc bien plus riche que ses homologues et, de manière générale, bien plus attirant. Il est certain qu’il sera capable d’attirer un nouveau public, pour lequel les Sorcerer’s Arena et autres Disney Heroes: Battle Mode sont trop vides, mais les Kingdom Hearts sont trop alambiqués du point de vue du scénario.
Enfin, ce serait le cas, si le modèle économique du jeu n’était pas aussi agressif. En effet, tout ce beau portrait se retrouve taché par la logique du pay-to-win, très présente dans les jeux Disney actuels, encore plus dans Mirrorverse, qui est un jeu à la sauce Kabam. Lorsqu’on regarde leurs autres productions, comme Marvel Contest of Champions, on remarque très vite la logique très agressive et prédatrice mise en place par le studio : du moment où le jeu est lancé, il faudra que le joueur traverse un nombre non-négligeable d’écrans incitant à payer pour avoir tel ou tel personnage, telle ou telle ressource. Rien de mieux pour pousser à la faiblesse et faire sortir la carte bancaire au joueur, que de lui faire miroiter ce personnage particulier auquel il est tant attaché pour une dizaine d’euros, alors qu’il est si dur d’accumuler les cristaux célébrités, qui ne garantissent ni d’avoir le personnage rêvé (évidemment), ni de l’avoir à un niveau d’étoiles qui soit jouable.
Car oui, parlons-en. Les étoiles des personnages, leur niveau de rareté, influe sur ses compétences disponibles ainsi que sa puissance globale. Jusque-là, pas de soucis à se faire, c’est logique. Cependant, plutôt que de faire le choix de définir arbitrairement un niveau d’étoiles par personnage, chacun d’eux peut être obtenu de une à cinq étoiles. Cela permet à Mirrorverse de ne pas créer de disparités trop visibles entre les personnages. Cependant, l’avantage pour l’entreprise, et l’inconvénient masqué au joueur grâce à cette excuse, c’est qu’il est encore plus dur de réussir à obtenir la meilleure version d’un personnage précis.
Ce système, et le martelage des packs payants, qui peuvent garantir des personnages spécifiques à quatre étoiles, en mettant en avant des personnages très plébiscités pendant des périodes de temps courtes, permettent de créer une peur de manquer, et de pousser à la dépense un joueur qui n’aurait normalement pas voulu payer. Ainsi, si vous avez peur de manquer des personnages aussi populaires qu’Elsa ou Woody, ne vous en faites pas : pour la modique somme de 10 euros, vous pourriez vous procurer l’un d’eux. Et le jeu n’a de cesse de le rappeler au joueur : lorsqu’il lance le jeu, lorsqu’il retourne au menu principal, lorsqu’il a un cristal à ouvrir (et, oh, surprise, des cristaux contenant des personnages une à trois étoiles doivent être ouverts chaque jour !).
Finalement, bien que Mirrorverse dispose d’une esthétique et d’un gameplay engageant, son système économique ruine une grande partie du fun qu’il pourrait y avoir à un tel jeu. Si on refuse de mettre la main au porte-monnaie, la situation la plus courante, c’est que, pire que de ne pas réussir à avoir le personnage souhaité, on se retrouve dans la situation où le personnage arrive bien sur le compte… mais trop faible pour pouvoir être joué dans n’importe quel mode, on lui préfèrera forcément ceux ayant daigné arriver dans une rareté suffisante pour pouvoir avoir une croissance qui reste satisfaisante face à la courbe de difficulté du jeu.
Les jeux à gacha fondent une grande partie de l’intérêt de leur public sur les personnages qu’ils proposent. C’est d’autant plus le cas pour un jeu comme Mirrorverse, qui en plus profite de l’attachement nostalgique des joueurs pour des licences comme Aladdin ou la Petite Sirène, et qui cible très bien ce public en se présentant comme « un jeu Disney moins pour les enfants ». Il paraît alors difficile de passer un bon moment sur le jeu, alors qu’il nous rappelle constamment les systèmes de Battle pass et autres packs payants proposés. On s’y attendait forcément, mais c’est toujours décevant de voir un tel potentiel gâché au profit d’une rentabilité qui se doit d’être toujours plus extrême.
Kingdom Hearts reste, à ce jour, et malgré tous ses défauts, la meilleure alternative si l’on veut un jeu estampillé Disney qui cherche au moins à donner une réelle expérience, plutôt que de n’être qu’un casino glorifié comme Mirrorverse.