Comme pour les bons et les mauvais chasseurs, il y a les bons jeux originaux, et les mauvais jeux originaux. Le mauvais jeu original, c’est celui qui a un truc original, il le tente, mais il n’y arrive pas. Alors que le bon jeu original, il a un truc original, il le tente, mais lui, il y arrive. Mais trêve de métaphores chasseresses, Dice Legacy est un jeu original. Très original, même.
On pourrait même dire que c’est un jeu étrange, qui tient autant des classiques vidéoludiques du 4X (eXplore, eXpand, eXploit, eXterminate) comme Civilization, que de leurs cousins/ancêtres jeux de plateau (Eclipse, Seafall). En ajoutant à la recette bien connue des ténors du 4X un aspect aléatoire basé sur des pools de dés à lancer, les développeurs de DESTINYbit ont souhaité apporter un vent de fraîcheur au genre. Mission accomplie ou mauvais tirage ? Verdict sans aléas.
(Test de Dice Legacy réalisée à partir d’une version Switch fournie par l’éditeur)
Ah bah, des dés !
À l’instar de bien des jeux de stratégie, l’histoire motivant les joueurs dans Dice Legacy est assez maigre, et ne sert que de prétexte à la soif de conquête. Votre navire de colons aborde le rivage d’une nouvelle terre étrange en forme d’anneau tournant sur lui-même (et non, ce n’est pas un préquel à Halo). Votre objectif sera de survivre à l’hiver, de collecter des ressources, d’explorer ces terres plus ou moins hospitalières, et surtout de conquérir le monde Minus ! Enfin, de prospérer, dirons-nous plus simplement. Et si vous n’y parvenez pas, la punition est simple : la mort.
Une fois cela évacué, venons-en au cœur du jeu et à ce qui constitue son identité : ces fameux dés. Vous n’aurez pas d’unités à contrôler, pas de piétailles à sélectionner pour les envoyer récolter des ressources, et pouvoir vous délecter de les voir s’esquinter la santé pour vous enrichir (ne niez pas, on le sait). Chaque ouvrier et chaque unité du jeu est ici représenté par un dé à six faces, et ce que ces faces affichent détermine ce que vous pouvez faire sur la carte.
Concrètement, sur votre espace de jeu se trouvent des espaces dédiés qui peuvent accueillir les dés affichant certaines icônes. Une mine de pierre nécessitera un dé avec une face Collecte (une pioche et une hache), un bâtiment en construction nécessite une face Construire (un marteau)… Vous lancez les dés, les affectez aux espaces correspondant à leurs icônes, puis attendez quelques secondes pendant que vos paysans accomplissent leurs tâches. Ensuite, vous devez relancer les dés pour les utiliser à nouveau.
Il faut reconnaître que les premières minutes et premiers tours de jeu au sein de Dice Legacy sont assez âpres. On apprend les mécaniques de gameplay un peu sur le tas (un tutoriel devrait être inclus dans le titre au moment où vous lirez ces lignes), on réagit au coup par coup, en fonction des sales tours que peut nous jouer le titre. Ici, une attaque contre l’une de nos auberges, là une pénurie de ressources… Au départ, on tâtonne, puis les bons réflexes s’installent, et une fois les rouages maîtrisés, enfin, le plaisir de jeu fait son apparition. Et bon sang, ce que c’est bon !
À la lecture du paragraphe précédent, les amateurs et amatrices de jeux de plateau auront sûrement reconnu plusieurs de leurs expériences autour de titres qui semblent parfois inhospitaliers au premier abord, pour ensuite dévoiler des trésors de moments ludiques. C’est exactement ce que réserve Dice Legacy à celles et ceux qui persévéreront. D’abord, l’apprentissage des règles (les premiers tours de jeu), puis la maîtrise (on connaît les règles et on commence à expérimenter), et enfin le plaisir récréatif. De là à dire que le titre est un authentique jeu de plateau vidéoludique (ou l’inverse !), il n’y a qu’un pas que l’auteur de ces lignes franchira allègrement.
Dix le gars ! Si !
Cette critique a beau être placée sous le signe du jeu de mots de bien piètre qualité, il n’en reste pas moins que nous devons encore aborder plusieurs aspects de Dice Legacy, et pas forcément les plus plaisants. Au rayon des sujets qui fâchent, disons-le tout de suite : la jouabilité sur Switch n’est vraiment pas idéale pour pouvoir profiter au mieux du titre.
À défaut de souris, il a fallu aux développeurs des trésors d’ingéniosité pour pouvoir adapter au mieux les différentes actions possibles aux boutons de la console hybride. Et il faut un certain temps pour pouvoir s’y habituer. Il est même probable que la complexité du mapping de touches finisse par en rebuter plus d’un.
Certains choix viennent même heurter le bon sens : pourquoi ne pas avoir profité de l’écran tactile pour faciliter la navigation sur la map et dans les menus ? Un choix surprenant, d’autant plus que le jeu se prête parfaitement au rituel de la petite partie tranquille sous la couette avant de dormir. On lui préfèrera donc la version PC, autrement plus ergonomique, et donc bien moins frustrante dans ses premiers moments de jeu (et les suivants…). Qui plus est, le jeu n’étant pas un foudre de guerre en matière de graphismes, il tournera aisément sur de petites configs.
On pourra également reprocher au titre le fait que l’aléatoire étant ce qu’il est, on peut se retrouver rapidement puni après quelques lancers de dés placés sous le signe de la malchance. Même si le jeu permet de pallier cela grâce à quelques petites trouvailles bien vues (verrouiller certains dés, pouvoir les upgrader au fil de l’aventure…), il n’en reste pas moins que l’on a parfois la désagréable impression que le jeu se joue de nous, au lieu de nous laisser jouer avec lui.
Cependant, malgré ces quelques ombres au tableau, disons-le sans hésitation : Dice Legacy est un très bon jeu (surtout dans sa version PC). Non seulement c’est un excellent 4X qui a su renouveler sa formule grâce ces simples petits pools de dés, mais en plus, il procure le même plaisir qu’un jeu de plateau grâce à sa boucle de gameplay solide, certes un peu ardue à maîtriser, mais diablement efficace. Un bien beau lancer de dé pour le studio DESTINYbit. Si on osait, on dirait même « Yahtzee ! ».
Dice Legacy est une excellente surprise. Ses mécaniques de base restent celles d’un 4X classique, mais l’ajout du hasard et des dés dans l’équation apporte ce qu’il faut de sel pour relever toutes les parties. Passé un léger temps d’adaptation pour appréhender les subtilités qu’il recèle, le titre de DESTINYbit ne déçoit pas, bien au contraire.
Quiconque recherche une expérience stratégique solide et un bon city-builder (avec un léger soupçon de Rogue-lite) devrait s’intéresser à ce titre hors norme, à la fois charmant et addictif. Définitivement l’une des excellentes surprises de cette année en ce qui concerne les jeux de stratégie. Et on croise les doigts pour un jour pouvoir en profiter en jeu de plateau !