Le remaster est un exercice délicat. Le test d’un remaster est tout aussi complexe, surtout lorsqu’il s’agit d’un jeu de la qualité de Dark Souls, et qui aura transporté, sur PS3 à l’époque, votre testeur. Parce que lorsqu’on teste un remaster, ce n’est pas le jeu qui se trouve sous l’œil scrutateur du rédacteur, mais le portage. Qu’apporte-t-il ? À quel point rend-il justice au jeu de base ? En sublime-t-il les qualités ? Ou met-il la lumière sur ses plus sombres défauts ? Vous les sentez, les affres du testeur ?
Au final, rendre un avis le plus subjectif possible sur Dark Souls Remastered aura été plus difficile que jouer au jeu. Alors ce retour du premier épisode de la franchise qui a propulsé From Software au firmament – et que le troisième volet, Dark Souls III, testé dans nos lignes, a brillamment conclu – parvient-il à reproduire la magie comme en 2011 ?
Prepare to die
Avant l’arrivée de la première flamme, le monde était gris, uni. C’était l’âge des dragons immortels et des arbres cendrés. Puis vint le feu. Et avec le feu, la disparité. La vie, la mort, le bien, le mal. Un monde de chaleur, béni par les dieux, avec à leur tête Gwen. Mais ces temps de prospérité devaient trouver leur fin inéluctable, car la flamme n’est pas éternelle, et elle commence à vaciller. Parmi les humains, certains sont pourvus de la marque des morts-vivants. Ces pauvres âmes, incapables de mourir, sont destinées à devenir des carcasses, des zombies sans conscience, guidées par le désespoir. Ces morts-vivants sont envoyés dans un asile, où ils attendent de finir leur vie.
Vous êtes l’un de ces morts-vivants. Mais pas n’importe lequel : vous êtes l’élu, et vous devrez voyager à travers les contrées inhospitalières de Lordran pour mener à bien votre destinée : attiser de nouveau la flamme, comme l’avait fait Gwen avant vous. Mais peut-être préférez-vous les ténèbres à la lueur factice d’un bon feu ?
Vous l’aurez compris, l’intrigue de Dark Souls n’invite pas à la galéjade et à la bonne humeur. Et le jeu lui-même, célèbre pour sa difficulté, saura rabattre le caquet des plus vantards et des plus imprudents. Dark Souls, avant d’être difficile, est surtout un jeu exigeant qui ne pardonne pas les petites erreurs. En cela, Dark Souls Remastered ne change pas. Les joueurs vétérans y retrouveront très vite leurs marques. Le jeu propose les mêmes endroits à visiter, les mêmes pièges, et les mêmes ennemis, ainsi que les mêmes boss gargantuesques à affronter.
Le DLC Artorias of the Abyss est inclus, afin de prolonger l’expérience. Il s’agit d’une quête assez bien remplie, qui devrait encore relever le niveau et propose notamment l’un des combats de boss les plus palpitants de la saga. Pad en main, on retrouve le gameplay de Dark Souls, avec ses combos, ses roulades, et sa maniabilité parfois un peu poussive, qui nécessite une totale maîtrise de soi pour révéler sa richesse (ne jouez pas à Dark Souls si vous êtes énervé, il vous en cuirait).
Dark Souls Remastered étant un remaster (sans blague ?), on est en droit de s’attendre à quelques modifications, notamment graphiques, ou au niveau des performances. Et si en effet le jeu tourne beaucoup mieux, avec ses 60fps (fini le frame-rate qui crève au hameau du crépuscule) et qu’effectivement, certaines modifications ont été apportées au jeu (notamment le multi bien meilleur, très inspiré de celui de Dark Souls III), le jeu se démarque difficilement du jeu originel. Les textures sont certes plus fines, mais c’est très léger (rappelons que la finesse des textures était l’un des points forts du Dark Souls de 2011). Et puis, cela n’empêche pas certains bugs de textures de salir ce bel écrin.
Prepare to cry
Vous l’aurez compris, il ne faudra pas vous attendre à un « wouah effect », en lançant Dark Souls Remastered, si vous l’aviez déjà fait. Le jeu reste sensiblement le même, à l’exception du multi, et d’un feu de camp ajouté dans les catacombes. Vous pourrez rétorquer qu’il s’agit d’un remaster, et non d’un remake, et vous auriez raison, mais il aurait été judicieux de la part de Bandai Namco de passer au moins un coup de polish pour effacer les quelques défauts du jeu originel.
Les PNJ sont toujours ventriloques, l’intelligence artificielle des personnages que vous invoquez et des monstres est parfois aux fraises, et la zone d’Izalith la perdue, niveau bâclé de l’aveu des développeurs, reste désespérément la foire au n’importe quoi, avec ses monstres copiés/collés, ses fesses de dragons agressives, et son boss qui fait pshit. Dommage, c’était là l’occasion pour Dark Souls Remastered de rattraper le coup.
Les bugs, comme nous l’avions précisé plus haut, sont toujours de la partie, mais ils ne se limitent pas aux glitches graphiques. Outre l’aliasing bien agressif parfois, et les textures qui scintillent, Dark Souls Remastered souffre de bugs de collision qui rendent l’aventure plus dure encore. Ne vous étonnez pas, si vous prenez un coup d’épée ou de lance à travers un mur de pierre.
Plus étonnant, il nous est arrivé une fois que notre personnage perde de la vie sans raison (pas de poison, ni autre altération d’état). Un tronçon de sa barre de PV a simplement disparu, et il est mort… comme ça. On dira que c’était une crise cardiaque. Rassurez-vous, cependant, ce bug ne nous a enquiquiné qu’une seule fois au cours de l’aventure. Enfin, fidèle au poste, le ragdoll des cadavres est de retour pour des moments toujours aussi hilarants où les corps de vos adversaires, semblant peser trois grammes, se collent à vos basques et y restent pendant que vous courez à l’aventure.
Au final, si c’est toujours sympa de jouer à Dark Souls en 1080p et 60fps sur consoles, les apports de la version remastered sont bien trop légers. On a l’impression de jouer à la version PC optimisée. Alors certes, c’est du Dark Souls, et Dark Souls, c’est bon, mangez-en, mais un joueur qui a déjà parcouru Lordran (et Oolacile) en long, en large et en travers aura du mal à trouver d’autres motivations que la nostalgie pour se relancer dans cette sombre aventure.
Enfin, et ce n’est pas inhérent à Dark Souls Remastered, mais si le premier épisode proposait une aventure à partager grâce à un multi gratuit sur PlayStation 3, la version PS4 nécessitera un abonnement PS+ pour y accéder. Tant pis pour ceux qui ne souscrivent pas à l’abonnement, et dommage pour un jeu dont une bonne partie de l’expérience repose sur la camaraderie ou la fourberie entre joueurs.
Nous sommes mitigés par ce Dark Souls Remastered. Oh bien sûr, le jeu est un chef-d’oeuvre, en lui-même. C’est Dark Souls après tout. Une épopée sombre et violente. Une expérience que les joueurs se doivent de tenter. C’est juste qu’on aurait aimé plus pour ce remaster. Peut-être qu’il soit plus qu’un remaster. Le titre, à n’en pas douter, passionnera les nouveaux venus, d’autant qu’il sera le premier jeu de la saga Souls à être jouable sur une console Nintendo (le titre sera disponible sur Switch).
Cependant, les anciens, ceux qui ont découvert tous les secrets de Lordran ne se verront octroyer qu’un frame-rate optimisé. C’est pas mal, c’est vrai, mais c’est pas le Pérou (ni Anor Londo). Dark Souls Remastered fera donc la joie des néophytes et des fans hardcore du jeu. Les autres peuvent passer leur chemin et attendre avec impatience que soit dévoilée la nouvelle licence de From Software, ou espérer un retour de Demon’s Souls.