CloverPit, deux mots qui n’évoquent absolument rien. Développé par les Italiens de chez Panik Arcade à qui l’on doit l’excellent Yellow Taxi Goes Vroom, le jeu est aujourd’hui disponible, à peine un an plus tard. Il ravira les fans de grosses textures rétro et de surenchère permanente de juice.
Certains parleront ici de simulateur de machine à sous ou de Rogue-like endiablé, mais nous préférons y voir une incarnation de la colère envers les jeux d’argent. La question est de savoir si Panik Arcade, au-delà de sa capacité à nous faire bien rigoler, réussira à nous plonger dans une ambiance bien différente tout en soutenant un véritable propos.
(Test de CloverPit réalisé sur PC via une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Au fond de la fosse
CloverPit nous plonge immédiatement dans son ambiance : il nous prend par le col pour nous expliquer la situation. Nous sommes endettés et manifestement enfermés dans une cage de fer rouillé, fermée à double tour. Entouré d’un distributeur de billets, d’une étagère remplie de porte-bonheurs, d’un téléphone et d’une machine à sous, il va falloir faire sonner la petite monnaie pour espérer s’en sortir.
Le jeu nous invite alors à parier sur trois ou sept parties d’affilée en payant le montant demandé. On tire le levier, les symboles s’alignent… et il ne se passe rien. On tire encore, dans l’espoir de gagner un peu plus, et encore. Finalement, on aligne trois symboles, la machine crache quelques pièces que l’on s’empresse de mettre dans le distributeur pour payer nos dettes. C’est à ce moment-là que l’on réalise qu’il va falloir faire beaucoup mieux pour s’en sortir.
Ça tombe bien, puisqu’après chaque partie, une curieuse machine nous offre un ticket orné d’un petit trèfle (le fameux Clover). On comprend alors que l’étagère n’est pas qu’une simple décoration : c’est un magasin où l’on peut acheter divers objets qui vont altérer la chance. Certains semblent très puissants d’emblée, tandis que d’autres ne révéleront leur plein potentiel que plus tard.
Avec ces nouveaux objets, on commence à saisir toute l’essence de CloverPit. En tirant le levier, on obtient de bien meilleurs résultats, seulement pour découvrir que la dette a elle aussi augmenté.
C’est en explorant que l’on découvre petit à petit les différentes couches du jeu : les intérêts qui nous font gagner des pièces à chaque manche, le fameux 666 qui nous fait tout perdre, les propositions tantôt positives tantôt négatives du téléphone, les petits secrets, les objets activables, les incrémentations… Tout cet ensemble donne au jeu une profondeur qui nous pousse à toujours vouloir chercher un peu plus loin, pour agencer au mieux les objets et tirer les meilleurs symboles.
Critique de l’addiction
Dans le développement de jeux vidéo, on travaille constamment sur les signes et les feedbacks. Le signe est l’indice qui indique qu’un événement est sur le point de se produire, vous permettant de vous préparer. Le feedback est l’information que le jeu vous donne en retour, confirmant le résultat de votre action. Ces deux paramètres sont essentiels pour la compréhension, l’affordance et, plus généralement, le game feel d’un jeu.
Sous certaines conditions, le game feel peut se substituer à un autre mot : le game juice. Si les deux termes expriment fondamentalement la même idée, le juice est généralement utilisé lorsque les feedbacks d’un jeu « débordent ». Les textes s’animent, la musique explose, et les différents retours visuels et sonores sont poussés au maximum pour nous en mettre plein la vue. Vous l’aurez compris, c’est le cas de CloverPit.
C’est à ce moment précis que le jeu prouve ce qu’il a sous le capot. Quand on termine une run avec des chiffres toujours plus mirobolants, la dette qui avait commencé à 70 $ s’est maintenant envolée à plus de six millions ! Les objets s’entrechoquent et chaque tirage de levier entraîne des combos qui s’accumulent en un festival de sons et de lumières.
Si cette surenchère était déjà impressionnante dans Yellow Taxi Goes Vroom, elle devient particulièrement pertinente dans le second jeu de Panik Arcade. Car les machines à sous dont le titre s’inspire regorgent de ce genre d’effets, conçus pour frapper les zones du cerveau qui procurent du plaisir. C’est exactement ce que CloverPit réussit à faire.
En proposant une critique du jeu d’argent qui nous tient par la promesse magique du jackpot inespéré, CloverPit réussit à faire exactement la même chose avec nos runs. On ne peut terminer une partie sans se dire « J’en relance une, la prochaine ira plus loin… » et la dopamine que procure le jeu quand une run est particulièrement fructueuse est inestimable.
CloverPit est une réussite sur tous les points, tant en matière de game design que de game feel. Le titre fait passer Yellow Taxi Goes Vroom pour un simple entraînement, en servant un propos non pas uniquement par son histoire ou ses dialogues, mais par ses mécaniques de jeu et son enrobage artistique.
À tous ceux qui sont rebutés par les jeux d’argent, soyez sans crainte : ici, la machine est faite pour être vaincue. Et si vous cherchez plutôt à parier en ligne, vous n’êtes pas au bon endroit. Nous vous conseillons plutôt de ne pas chercher du tout. Les jeux avec de l’argent réel, c’est mal, m’voyez ?