Tout pile à la date où Cyberpunk 2077 devait originalement nous être livré, un titre indépendant plein de promesses débarquait pour save the day : Cloudpunk. Jeu d’aventure dans un monde cyberpunk, son esthétique néons et pixels et les promesses de sa mégapole verticale, Nivalis, nous ont fait saliver. Alors le jeu est-il en mesure de combler au moins partiellement – toute proportion gardée – le vide laissé par le report de Cyberpunk 2077 ?
(Test de Cloudpunk réalisé sur PC via une copie fournie par l’éditeur)
Horizon d’attentes dégagé, atterrissage nuageux
L’horizon d’attente est déterminant quant à la réception d’un jeu. Un titre dont on n’avait jamais entendu parler ne décevra pas (on n’en attendait rien, et c’est ce qu’on a eu !), mais a toutes les chances d’être une bonne surprise. D’autant meilleure si elle nous prend au dépourvu : on aura ainsi l’impression d’être face à une pépite, et on appréciera aussi la chance qui l’a mise sur notre route. Au contraire, un titre qu’on attend impatiemment, s’il peut parfaitement remplir sa part du contrat, peut aussi décevoir. Et là, c’est la douche froide. À la déception du titre quant à sa qualité vient s’ajouter l’attente trahie. C’est le syndrome Shenmue 3, certes mauvais, mais surtout décevant, ou Mass Effect Andromeda…
Vous nous voyez venir : on attendait peut-être un peu trop Cloudpunk. Il faut dire que le trailer du jeu envoyait ! Univers cyberpunk qui semblait solide, esthétique Blade-Runnerienne en néons et voxels (mot-valise formé de volume et pixel pour décrire l’équivalent 3D du pixel), liberté de mouvement, à pied ou en véhicule, au sein d’une mégapole verticale construite sur des dizaines de kilomètres de haut…
À l’arrivée, un alignement de quêtes FedEx on ne peut plus répétitives dans le but de collectionner les petites histoires des habitants de la cité.
The Big Picture
Dans Cloudpunk, on joue Rania, jeune fille de la campagne aux faux airs de Felicity Jones, fraîchement arrivée en ville pour des raisons qui nous seront dévoilées au cours de l’aventure. Musicienne de son état, elle a pris un job de coursier en arrivant à Nivalis. L’entreprise qui l’emploie, Cloudpunk, n’est pas exactement légale, et est régie par deux règles essentielles : le colis doit toujours arriver à destination, et il ne faut jamais poser de question.
Bien heureusement, Rania ne respectera pas toujours scrupuleusement les indications de son employeur, et les expéditeurs et destinataires qu’elle trouvera sur son chemin seront autant d’occasions d’entendre des petites histoires qui, mises bout à bout, forment le roman de Nivalis. Une histoire à plus grande échelle, plus mystérieuse, plane également sur la cité, faite de secrets et de mysticisme. Et comprendre ce récit sera pour Rania (et le joueur) un peu le fil rouge de l’aventure.
Hors de contrôles
Immédiatement en démarrant le jeu, on est frappé par deux éléments. Les décors et l’environnement, tout d’abord. La direction artistique fait son petit effet, l’utilisation du voxel donne une vraie identité à Nivalis qui, sinon, aurait pu ressembler à n’importe quelle cité cyberpunk, du Los Angeles de Blade Runner à la cité de Ghost in the Shell. On prend ainsi tout d’abord beaucoup de plaisir à naviguer entre les buildings et néons dans le ciel de Nivalis, au volant de son NOVA, sorte de voiture volante telle que vue, là encore, dans Blade Runner.
Un plaisir toutefois rapidement entaché par des contrôles tout sauf instinctifs. Si le couple R2/L2 pour accélération/frein est un classique auquel nous sommes habitués, le stick gauche sert à virer à droite ou à gauche, tandis que le stick droit sert à s’élever/redescendre. Chaque stick n’utilise donc que deux directions sur quatre, et la multiplication des commandes entraîne souvent une certaine confusion. Pourquoi ne pas avoir mis le haut/bas/gauche/droite sur un même stick ?
Si le ravissement provoqué par les décors les premières dizaines de minutes finit par s’estomper, les contrôles manqueront eux de naturel pendant plusieurs heures… Il faut ajouter à cela que la caméra est fixe, ce qui, en vol, n’est pas particulièrement gênant, mais le deviendra une fois qu’on aura atterri.
Au final, les phases de pilotage seront des plus clinquantes dans les trailers et les premières minutes de jeu, mais il ne s’y passe pas grand-chose, l’essentiel de l’aventure se déroulant à pied. Ne pouvant atterrir que sur des parkings bien identifiés, une partie du gameplay consistera à réussir à rejoindre le point de livraison depuis le parking. On s’y perd un peu au début, mais on finit par prendre le coup. Si on rencontrera ici moins de soucis avec les contrôles, c’est sur la caméra qu’on va pester. Toujours fixe, celle-ci a un peu de mal à nous suivre, et il arrive régulièrement que notre avatar soit hors-champ, obligé d’attendre que la caméra vienne se positionner correctement. Ce n’est jamais très long, mais souvent désagréable.
Caméra qui est assez éloignée du joueur, nous permettant, certes, d’admirer les décors, la ville, ses boutiques et ses enseignes, mais rendant les personnages tous un peu identiques, faute de détails visibles. On peut d’ailleurs s’offrir dans le jeu toute une série d’accessoires cosmétiques complètement inutiles, puisqu’on ne les verra pas vraiment une fois portés… Un système permettant d’approcher ou de reculer la caméra aurait été appréciable.
So Colissimo
C’est pendant ce dernier tronçon de livraison, à pied, que réside le véritable intérêt du jeu. Les contacts avec les habitants de Nivalis seront ainsi à chaque fois l’occasion d’une petite histoire cyberpunk. En cela, le jeu ressemble beaucoup à Night Call, le jeu narratif qui nous met aux commandes d’un taxi parisien. Dans Night Call, tout l’intérêt du titre réside dans la somme de petites histoires que les passagers nous livrent. Des histoires souvent bien écrites, et loin d’être « premier degré ».
Malheureusement, Cloudpunk ne bénéficie pas de la qualité d’écriture de Night Call. Les micro-nouvelles qui nous sont servies sont souvent fades, déjà lues, voire grossières. Ainsi, les androïdes victimes d’une forme de racisme (spécisme ?) viennent mettre en lumière les problèmes… de racisme ! Ou des clients embourgeoisés et méprisants permettent d’évoquer l’inégalité de classe. Le jeu s’enfonce ainsi un peu dans la facilité, et avec des situations déjà vues (lues) mille fois, le résultat n’est pas au rendez-vous.
Une écriture un peu faible qui est de plus plombée par une réalisation beaucoup trop plate. Les dialogues (tous doublés, c’est un bon point) se jouent devant cette caméra éloignée, sans quasiment d’animation, sans intervention aucune du joueur. On aurait aimé pouvoir assister aux scènes de plus près, ou avoir un système de dialogues à choix multiples qui nous aurait impliqués un minimum, par exemple.
On comprend l’intention, et elle était louable : sortir le jeu narratif d’une forme d’immobilisme, et habiller les petites histoires à la VA-11 Hall-A (autre narratif cyberpunk) d’un peu de gameplay. Et Cloudpunk n’est pas sans qualités, avec sa direction artistique en premier lieu, qui nous donne l’impression de voyager dans un immense diorama en LEGO. Hélas, l’essai tombe à plat. Les phases de pilotage ne sont absolument pas mises à profit, il ne s’y passe rien, l’écriture, centrale dans le jeu, n’est pas à la hauteur, et c’est la répétitivité du titre, ainsi que ses défauts mécaniques, qui prennent le pas sur le reste. Sans compter les très (trop) nombreux chargements qui surviennent entre chaque zone de la carte…
Un éventuel patch permettant de remapper les contrôles, et ajoutant de vrais enjeux aux voyages en NOVA (poursuites…) nous fera peut-être revenir vers le jeu ?