Le (trop) discret platformer Chicken Journey a fait son apparition sur PC à la fin du mois d’août. Entre Baldur’s Gate 3, Armored Core VI, et autres Sea of Stars, difficile de se frayer un chemin. À l’origine du projet, le studio Ioonyware composé seulement d’un couple de développeurs : Magdalena et Marcin. En combinant leurs compétences et avec l’assistance de leurs deux chats, ces développeurs polonais ont sorti Chicken Journey le 22 août dernier (son arrivée sur Nintendo Switch étant prévue en octobre) après une première démo encourageante lâchée quelques semaines auparavant.
Leur promesse ? « Sautillez, explorez et résolvez des énigmes pour trouver la réponse à la plus grande question existentielle qu’une poule puisse se poser… » L’œuf ou la poule, bien évidemment. À l’heure des grosses sorties de 2023, quid donc de ces jeux indés qui méritent sans doute tout autant d’attention ? Lustrons nos plumes et claquons notre bec, nous avons une réponse à aller chercher.
(Test de Chicken Journey réalisée sur PC à partir d’une copie fournie par l’éditeur)
Petit village, grande aventure
Comme tous les matins, en bonne poule qui se respecte, vous vous levez dans votre botte de foin, vous enfilez votre petit sac à dos et allez saluer vos voisins. Mais aujourd’hui, c’est différent : les trois parchemins qui régissent l’équilibre de votre monde ont disparu, et l’information qu’ils contiennent avec ! Et on ne parle pas de n’importe quelle information : la réponse à la fameuse question existentielle. C’est bien sûr à vous, LA poule digne de confiance du village, que la recherche de ces documents est confiée. Le maire compte sur vous, et tous les habitants aussi ! Ne les décevez pas.
Aux prémices de notre exploration, on constate que les premiers échanges avec nos interlocuteurs sont riches, fourmillent d’humour et de sel, et surtout sont merveilleusement bien traduits. Cette qualité suivra tout le long de l’aventure, que l’on parle à des volailles, des amphibiens ou encore des… fantômes. Personne n’est en reste et chacun a son petit trait d’humour bien à lui. Une richesse d’autant plus importante étant donné le style graphique du jeu, qui laisse largement la place aux émotions.
À l’heure où les PNJ n’ont pas tous l’opportunité de prononcer leur phrase d’accroche (avouons-le, sur certains jeux, il y en a tellement), on prend ici un malin plaisir à tous leur parler tant leur verve est vive.
Harder, better, faster, stronger
Pas facile de se faire un nom, quand on propose un jeu en 2D + pixel art. Le mastodonte Stardew Valley régnant en maître sur le segment, il est rare de trouver des jeux à sa hauteur, visuellement et mécaniquement parlant. Les mouvements de votre poule étant très limités au lancement (marcher/sauter), les ambitions de gameplay sont assez réduites et on n’en attend finalement pas grand-chose. Et là, paf : ça fait des chocapic c’est la surprise. Niveau après niveau, univers après univers, des mécaniques malignes s’offrent à nous. Non seulement c’est très joli, mais combinées avec l’aspect puzzle-game qui se dévoile plus tard, certaines zones sont même… plutôt coriaces !
Votre poule va vivre de sacrées aventures ! On s’accroche à des lianes, on résout des énigmes avec des pelotes de laine, on maîtrise les allers-retours entre rondins de bois et cascades… Bref, peu de répit pour ce petit volatile qui finalement saura s’adapter aux circonstances. Les éléments de l’environnement, sans être trop évidents, sont appréhendables avec assez de facilité et il est rare de rester bloqué.
Exception faite une ou deux fois, où les plateformes étaient à moitié cachées par le décor et l’on pouvait croire à un potentiel bug. Mais, à ce sujet, les membres de Ioonyware sont extrêmement présents en ligne et notamment sur le forum Steam pour répondre à toutes les interrogations des joueurs… et leur glisser un petit indice quand cela se révèle nécessaire. Sympa.
Mention spéciale pour les casse-têtes, surtout au bout de l’aventure, qui ont réellement posé problème à certains, et c’est là où la qualité du jeu n’a plus rien à prouver : d’une base finalement très simple, on se retrouve à réfléchir devant notre écran des minutes durant et surtout à apprécier recommencer. Encore et encore. Sans lassitude. Nous concernant, cela faisait bien longtemps que l’on n’avait pas pris le temps de réfléchir via un jeu vidéo. Le « creusage de méninges » ayant abouti (parfois après deux jours passés devant l’énigme, on ne va pas se mentir), on renoue avec ces sensations de victoire post-devoirs de maths au collège.
Enfin, pour clore notre retour sur l’environnement, quoi de mieux que d’évoquer l’ambiance sonore. Que dire des musiques de ce jeu si ce n’est qu’elles sont sucrées comme un bonbon. Les sonorités douces et ambiantes font forcément penser aux compositions de Stardew Valley, Animal Crossing ou encore Kena: Bridge of Spirits, mais avec un twist et un minimalisme propre à Chicken Journey qui séduit (des cui-cuis d’oiseaux, le vent qui souffle dans les arbres…).
L’équipe du jeu participe d’ailleurs prochainement au festival Steam Save & Sound, consacré aux musiques de jeux vidéo. Un succès mérité, qui n’a vraiment pas à rougir face aux autres compositions vidéoludiques du moment. Pour l’heure, les titres ne sont pas disponibles sur les plateformes habituelles de streaming, mais cela ne saurait tarder : le compositeur/sound designer du jeu, Donovan Jonk, nous a gentiment communiqué la date de sortie : le 11 septembre 2023 sur Bandcamp, et « très rapidement » sur les autres plateformes.
En prenant notre temps, une patte devant l’autre, nous sommes arrivés au bout du périple en une petite dizaine d’heures. Un temps qui aurait pu être bien plus si l’on est honnêtes, car on pourrait juste retirer nos mains du clavier et admirer le paysage. La durée du jeu est parfaite, le sentiment d’accomplissement est là. Les villageois satisfaits, les fleurs cueillies, les ailes remplumées, la paix rétablie. Les volatiles ont la réponse à leur question, et nous aussi.
Il existe tout de même quelques quêtes annexes réjouissantes, permettant de repasser par certains endroits que l’on aurait peut-être expédiés. Si Chicken Journey devait être résumé en une phrase, nous dirions que c’est un mélange parfait entre relaxation et satisfaction. Relaxation, de par son environnement et son identité, et satisfaction par les mécaniques et puzzles proposés.
Vous l’aurez compris, Chicken Journey est le petit diamant inattendu de cette année 2023. Tous les aspects de sa proposition savent convaincre et en font un bel exemple de ce que peut être la création de jeux vidéo indépendants. Et, au-delà de l’expérience joueur, il est rare de voir dans le paysage d’aujourd’hui des opus qui savent encore susciter une émotion tout au long de leur aventure.
Chapeau bas Ioonyware pour cette épopée volaillère, qui, bien que sous couvert d’une étiquette de « petit jeu », a tout d’un grand.