Projet réalisé conjointement par Little Sewing Games et Maximum Entertainment, Bye Sweet Carole est enfin passé de l’autre côté du miroir. Longtemps décrit comme un Disney plongé dans une marmite horrifique, Bye Sweet Carole est beaucoup plus que ça et prend bien soin de faire honneur aux différentes inspirations dont il se sert pour créer son univers si particulier.
Entre jeu d’exploration, d’aventure et d’enquête, Bye Sweet Carole se démarque également de ses confrères du genre survival horror en étant un jeu purement dessiné et animé à la main. Alors s’agit-il uniquement d’un dessin animé interactif ? Ou d’une véritable plongée dans un univers horrifique complet et original ?
(Test de Bye Sweet Carole réalisé sur PlayStation 5 via une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Une jeunesse perdue dans un monde corrompu
À l’orée du XXème siècle, la jeune Lana Benton est pensionnaire à l’orphelinat de Bunny Hall. Ses journées sont rythmées par les cours, les leçons de bienséance pour jeunes filles et les déambulations dans le parc. Mais quelque chose d’autre taraude notre héroïne. Sa meilleure amie, Carole Simmons, vient de mystérieusement disparaître en laissant derrière elle une lettre portée par le vent. Lancée à la poursuite de la missive, Lana se la fait dérober par un énigmatique petit lapin à lunettes. Sur les traces du léporidé, la jeune fille se perd dans les bois attenants à l’orphelinat et se retrouve traquée par une étrange présence noire.
Sorte d’habile mélange entre les écrits d’Edgar Allan Poe, H.P Lovecraft, Lewis Carroll et American McGee (le père du diptyque jeu vidéoludique Alice et Alice Madness Returns), Bye Sweet Carole est, plus qu’un survival horror, une expérience d’épouvante qui compte bien plus sur son écriture et les émotions qu’elle vous procurera que sur ses effets horrifiques. Beaucoup ont comparé Bye Sweet Carole à une version horrifique des classiques Disney de notre enfance. Plus que cela, le jeu semble être un dessin animé tout droit sorti de l’imaginaire de Guillermo Del Toro avec sa jeunesse perdue, à la recherche de repères et à l’univers adulte semblant corrompu et incapable de comprendre ses cadets.
Un monde de dangers et d’énigmes
Bye Sweet Carole est un jeu d’aventure 2D en side scrolling entièrement imaginé et dessiné à la main. Ce faisant, le gameplay pourrait paraître quelque peu lourd dans les premiers moments, mais une fois appréhendé, les contrôles nous ramènent à une époque durant laquelle la découverte et l’observation primaient sur la rapidité d’exécution et la fluidité à tout prix. Lana peut activer des leviers, courir, escalader certains obstacles et utiliser des objets pour déblayer le passage ou se protéger.
Les différents chapitres seront rythmés par plusieurs allers-retours. L’ensemble de l’aventure pourrait s’apparenter, pour ce qui est de la sphère vidéoludique, à un croisement entre les premiers opus de Resident Evil, Silent Hill mais aussi, et surtout, Alone in the Dark. Lana peut mettre dans son inventaire les différents objets récupérés dans le décor qui lui permettront de résoudre les petites énigmes qui lui barrent le chemin. L’ensemble des énigmes est relativement simple et permet au jeu de ne pas souffrir d’une baisse de rythme due à des énigmes trop alambiquées à résoudre. En plus de cette boucle, Lana pourra parfois se battre et/ou fuir certaines menaces, mais l’exploration et la résolution des énigmes restent tout de même le cœur du gameplay.
Et ce n’est pas tout. Assez tôt dans son parcours, Lana va être victime d’une malédiction. Suite à une rencontre pour le moins désagréable avec l’antagoniste Mister Kyn et ses acolytes corrompus, la jeune fille se voit recevoir un talent de permutation. À la simple pression d’une touche, nous pouvons transformer l’écolière en petit lapin noir. Cette transformation permet de se déplacer plus rapidement et de faire des bonds nettement plus haut que ceux de Lana en version humaine. En contrepartie, cette forme lapin vous rend nettement plus vulnérable aux menaces extérieures. D’autres phases éparses de gameplay vous mettront dans la peau des compagnons de Lana, permettant de varier la boucle le temps de quelques minutes.
Les limites d’une animation tout à la main
Bien que Bye Sweet Carole possède une direction artistique et un univers sombrement enchanteur, il faut reconnaître que le jeu n’évite pas l’écueil d’une animation faite à la main. Au cinéma, l’ensemble d’un film d’animation est calculé, défini et suit une ligne directrice; dans le cas de Bye Sweet Carole, et donc du jeu vidéo, nous sommes directement acteurs des déplacements et des actions réalisées et cela entraîne quelques loupés.
En jeu, nous avons pu observer presque à chaque fois un défaut graphique lors des transitions entre phases de gameplay et cinématiques. Les personnages semblent perdre leurs textures une fois que nous n’en avons plus le contrôle, le tout est très flou, presque passé au buvard. Les couleurs comme les lignes, se confondent et sont baveuses. Impossible de savoir d’où peut bien venir ce problème qui brise l’immersion entre les deux phases.
Autre petit problème mettant un frein à l’immersion : le positionnement des personnages et des objets. Lors des sauts ou des passages nous demandant de pousser certains objets, le personnage se fige à la manière d’un sticker que nous aurions collé sur l’écran. Mais en soit ces problèmes nous sortent du jeu qu’à de rares moments et n’entachent en rien le plaisir de la découverte de l’aventure de Lana.
Bye Sweet Carole est une expérience de jeu vidéo comme nous aimerions en voir plus souvent. Jeu d’épouvante original et à la boucle de gameplay simple mais qui arrive à se renouveler constamment, la proposition de ce Disney corrompu nous a fort séduit.
Avec des thèmes forts tels que la jeunesse perdue, le harcèlement et la solitude, Bye Sweet Carole se hisse très haut dans le panier des survival horror qui vont bien plus loin que la simple enfilade de jump scares et d’images volontairement malaisantes. Voilà un très bon jeu indépendant au gameplay simple mais satisfaisant et qui raconte, en prime, une bonne histoire.