C’est en mars 2015 que le projet est annoncé sur Kickstarter : Koji Igarashi, autoproclamé « parrain du genre », lance un nouveau Castlevania-like. Titré Bloodstained: Ritual of the Night, le jeu, de par ce titre, mais aussi la direction artistique qu’il annonce, et bien entendu le genre dans lequel il s’inscrit, sera un prétendant à l’héritage Castlevania. Forcément, avec Koji « IGA » Igarashi derrière, les fans y croient. L’homme est quand même à l’origine d’une grosse dizaine de Castlevania, et a travaillé sur le cultissime Symphony of the Night.
Résultat, Bloodstained: Ritual of the Night sera financé en un seul jour, et dépassera même 5,5 millions de dollars récoltés à la fin de la campagne, qui ne dura qu’un mois. Malheureusement, après plusieurs reports de sa date de sortie, l’énorme hype qui entoura le lancement du projet fit une chute brutale quand le jeu fut présenté pour la première fois en convention. Lenteur des animations, chutes de framerate, les backers et les fans étaient inquiets.
Le jeu est aujourd’hui finalement sorti. Alors va-t-on revivre une déception à la hauteur du tristement légendaire Mighty N°9, ou la licence Castlevania est-elle effectivement immortelle ?
(Test de Bloodstained: Ritual of the Night sur PS4 réalisé à partir d’une copie fournie par l’éditeur)
Vaniamania
Avec Symphony of the Night, c’est plus qu’un classique de l’histoire du jeu vidéo qui apparaît, c’est tout un genre qui va naître. Sorti en 1997 sur PlayStation, le jeu est un platformer en 2D assez classique, si ce n’est que certaines zones sont d’abord inaccessibles, et nécessiteront d’obtenir de nouveaux objets ou de nouvelles capacités afin d’être découvertes. Concept ô combien répandu aujourd’hui, il était nouveau à l’époque, et fut baptisé Metroidvania, du nom des deux premiers jeux à le mettre aussi solidement en place : Super Metroid et Castlevania: Symphony of the Night.
Mais dans nos souvenirs de jeunesse, Castlevania, c’est avant tout un château à explorer, avec ses escaliers à emprunter en forçant une diagonale pas toujours facile à exécuter sur les pads de l’époque, ses chauves-souris aux trajectoires particulièrement vicieuses, et les bougies qu’il faudra éteindre à coup de fouet pour espérer obtenir quelques menus bonus…
Autant d’ingrédients qu’on retrouve avec un immense plaisir dans Bloodstained: Ritual of the Night. Un bon pastiche de Symphony of the Night nous aurait probablement déjà satisfaits. Mais de la part d’un développeur aussi culte, on sait que l’ambition était ailleurs. Assurer le fan service, bien entendu, mais il fallait aussi être capable d’amener de nouveaux joueurs.
Une histoire qui n’entrera pas dans l’histoire
Le jeu commence par une mise en contexte assez insipide, faite d’illustrations fixes et brouillonnes racontant l’histoire du jeu. En gros, Miriam, l’héroïne, et Gebel (Belge, en verlan. Pourquoi ??), le grand méchant, sont le résultat d’une expérience qui a mal tourné. Le second est devenu une menace que la première va devoir arrêter…
On est clairement devant un scénario collé après-coup sur le jeu. Totalement sans intérêt, ce sera le point faible du titre, avec ses cinématiques. Ces dernières sont en effet réalisées avec le moteur du jeu. Et, platformer oblige, les personnages sont de taille assez modeste. Bien que tout à fait honorables pour le jeu, des soucis de détails et de définition apparaissent quand les cinématiques les grossissent pour les mettre en scène en plein écran ou en plan américain…
Ce sera cependant les seuls vrais reproches qu’on pourra faire à Bloodstained: Ritual of the Night. Ils seront assez vite oubliés, et le reste ne sera que réjouissance !
Expérience appréciée, débutants acceptés
Bloodstained: Ritual of the Night se présente en 2,5D. Une bonne manière de lier ancien et nouveau. Ainsi, si la majeure partie du jeu se déroule à la manière d’un jeu de plateformes classique, quelques phases viennent nous surprendre avec une mise en scène tirant parti de la 3D et venant casser la routine, comme le combat contre le Dragon à Deux Têtes, se déroulant dans des escaliers autour d’une tour.
Miriam, le personnage principal, peut sauter, esquiver d’un rapide pas en arrière, et attaquer. Pour ce faire, elle dispose d’une arme principale et de deux capacités spéciales. L’arme principale peut être de différentes natures, selon ce que le joueur aura trouvé en chemin : les classiques armes blanches, dagues ou épées courtes, permettant une frappe vive, mais qui occasionnent des dégâts limités ; les épées longues et les lances, moins rapides à utiliser mais à la portée plus importante ; l’épée à deux mains, destructrice mais lente ; mais aussi des armes à distances, comme un pistolet ou enfin le fameux fouet, inévitable. Certaines créatures ont même très probablement été pensées pour pousser à son utilisation !
Les capacités spéciales de Miriam lui sont offertes par des cristaux qu’elle pourra absorber. La plupart du temps, ce sont des cristaux qu’elle récupère sur ses victimes, leur volant ainsi leur technique. Jet d’acide, création de barrière de protection, éclair, téléportation ou invocation d’un allié… Les effets sont multiples, tout comme leur efficacité selon les situations.
Enfin, en avançant dans l’aventure Miriam pourra tomber sur des ouvrages lui enseignant des techniques spéciales utilisables avec certaines armes, permettant d’infliger de plus lourds dégâts. Ces attaques spéciales se font via un enchaînement plus ou moins complexe, à la manière des techniques en versus fighting…
Les enchaînements, comme l’utilisation du pouvoir des cristaux, exigent des points de magie. Il faudra donc en user avec sagesse, même s’il est possible de récupérer ces points de magie… en brisant lanternes et chandeliers sur le chemin ! Ça vous rappelle quelque chose ? Tant mieux, c’est fait exprès !
Ces différents éléments, associés aux trois modes de difficultés présents dès le début du jeu lui permettent de s’adresser à absolument tous les joueurs, du plus casu au technicien le plus exigent.
Les attaques ne seront pas les seuls paramètres à gérer. Miriam dispose en effet d’une fiche de personnage assez complète, dont les caractéristiques joueront sur les combats, bien évidemment, mais aussi sur sa progression, sur le craft, le loot… Pour faire évoluer les caractéristiques de l’héroïne, il faudra l’équiper de vêtements et d’accessoires, qu’on pourra trouver en chemin, ou faire fabriquer.
Tout passer par la fenêtre
Miriam ne sera en effet pas seule dans sa tâche. Une zone un peu plus calme de la carte lui permettra de retrouver ses alliés qui lui permettront de crafter et de commercer.
C’est en tuant des ennemis et en fouillant les coffres croisés sur notre chemin qu’on pourra récupérer différents matériaux. Ces matériaux permettront ensuite de fabriquer des éléments d’équipement (le chapeau de pirate !) ou d’améliorer l’équipement déjà possédé, comme les cristaux, augmentant ainsi la puissance des capacités spéciales.
Dans cette zone, on rencontrera aussi quelques (rares) PNJ pour qui il sera possible d’effectuer des quêtes : éliminer un certain nombre de monstres de tel ou tel type, trouver un objet particulier, préparer une recette spécifique… Des quêtes facultatives qui auront pour but d’obtenir certains objets (comme le très convoité fouet d’épines !), mais surtout, qui forceront un peu le joueur à explorer les différentes facettes du jeu.
C’est aussi là qu’il sera possible d’utiliser un vitrail magique, permettant de voyager vers d’autres vitraux disséminés sur la carte. Les allers/retours étant une composante inhérente au genre, ce système est plus que le bienvenu !
What a feeling
Mélange de nostalgie et de nouveauté, les sensations provoquées par une partie de Bloodstained: Ritual of the Night sont rares et précieuses ! On a clairement affaire à un jeu d’orfèvre. Avec 505 Games ayant rejoint le projet en route, puis Way Forward (à qui l’on doit les Shantae), qui n’a jamais déçu, venu lui aussi en cours de développement apporter son savoir-faire, on ne saura pas exactement ce qu’on doit à qui, mais qu’importe : le résultat est là !
C’est un véritable plaisir de partir explorer le palais et ses environs, de chercher où aller ensuite, à l’acquisition de nouvelles capacités… Le jeu n’est jamais frustrant, même si on va mourir souvent. Les phases de plateformes sont peut-être un peu faciles durant la première grosse moitié du jeu, mais les choses se corsent un peu par la suite.
Les boss, par contre, nécessitent un peu plus de maîtrise et demanderont d’étudier un peu les paterns. On a des sensations proches de celles qu’on pouvaient ressentir en jouant aux jeux 16 bits ou arcade (l’auteur de ces lignes à beaucoup pensé à la borne de Shadow Dancer en jouant…), la frustration du game over en moins. Au contraire, Bloodstained possède cette capacité qui vous fait vous dire : « allez, une dernière… » avant de relancer une partie, encore et encore… !
La progression du personnage est particulièrement fluide, et on a la bonne surprise d’évoluer très rapidement au début du jeu. Ce qui offre au joueur un sentiment de puissance et de satisfaction très réjouissant (même si cette progression ralentit un peu par la suite, sans pour autant jamais stagner).
Les ennemis sont parfois extrêmement impressionnants, toujours très bien dessinés, mais les plus gros ne sont pas les plus dangereux. Les espèces de poissons volants vous pétrifiant au moindre contact nous auront ainsi causé bien plus de problèmes que ces chevaliers en armure mesurant 3 ou 4 fois la taille de Miriam…
De manière très simple : ça faisait un petit moment déjà qu’on n’avait pas rencontré un jeu aussi difficile à lâcher !
Bloodstained: Ritual of the Night revient de loin. Mais une fois le jeu pris en main, le doute n’est plus permis : c’est une grande réussite, et un excellent jeu. IGA maîtrise son sujet, et se concentre sur l’essence du jeu : la jouabilité et le plaisir.
On pourra lui reprocher la pauvreté de son scénario, des cinématiques pas à la hauteur. Certains temps de chargement sont un peu agaçants, notamment quand, après être passé d’un vitrail à un autre et avoir subi un temps de chargement, c’est un nouvel écran de chargement qui apparaît à la sortie de la pièce… Mais il faudra aussi rappeler qu’on est face à un jeu indé ne disposant pas des budgets AAA ! Et pourtant, quelle réussite ! Si il faut juger un jeu à l’aune de son ambition, de ses promesses, le contrat est très largement rempli.
Un mot pour la musique, enfin, très réussie. Le jeu nous propose d’ailleurs à un moment de s’asseoir au piano pour jouer une mélodie, sans autre but que le plaisir de la musique. Le plaisir, encore. Voilà longtemps qu’on n’avait pas été aussi pressé de rentrer du travail pour se faire une petite partie de jeu vidéo. Et Bloodstained: Ritual of the Night a exactement cet effet-là !
Attention toutefois, les joueurs Switch se plaignent d’un rendu graphique pas à la hauteur, et de chutes de framerate brutales, très handicapantes notamment contre les boss. Sur PlayStation 4, avec une grosse dizaine d’heures de jeu, nous n’avons eu aucun souci technique à déplorer.
IGA nous a de plus promis 13 DLC gratuits qui devraient arriver au fil de l’eau. De quoi faire durer encore un peu plus le plaisir !