À quel âge les orcs partent-ils à la retraite ? L’Alliance du Vieux Monde n’est-elle pas ostentatoirement woke, mêlant hobbits et nains, trolls et humains ? Les affaires de corruption de Kiroth Krakeneye doivent-elles priver son équipe de participer à la compétition ? Voilà des questions que Blood Bowl 3, le nouvel amendement du studio Cyanide à son BB, ne viendra absolument pas poser.
Nous invitant à replonger dans l’arène de nos races fantastiques préférées pour un bain de sang sportif parfaitement réglementé, cette troisième adaptation du jeu de plateau dérivé de Warhammer se sera fait attendre. Alors qu’elle était initialement prévue pour 2021, nous avons enfin pu mettre nos poings/griffes/paluches ensanglantés dessus. Comme ce fut le cas avec l’opus précédent, ce nouvel épisode propose avant tout une mise à jour des règles du jeu vidéo, afin de respecter la dernière version de celles du jeu de plateau (la cinquième édition, datant de 2020).
Après un second épisode qui aura grandi avec sa communauté pour proposer un contenu particulièrement complet, Blood Bowl 3 avait la matière pour dépasser son statut de simple adaptation en s’appuyant sur sa notoriété, et prendre par là même une ampleur nouvelle. Force est d’admettre que le plaquage tant attendu a bien eu lieu, mais pas comme nous l’espérions.
(Test de Blood Bowl 3 réalisée sur PC via une copie du jeu fournie par l’éditeur)
L’émoi des retrouvailles
Il y avait un plaisir non feint à retourner dans cette arène, presque dix ans après la sortie de Blood Bowl 2. Dès les premières minutes, on retrouve nos repères habituels : l’odeur de la pelouse fraîchement tondue, mêlée aux volutes de sang encore plus frais ; l’haleine fétide de l’arbitre, et son petit sourire en coin tandis qu’on lui glisse subtilement un denier ; et surtout, ces onze adversaires en face de nous, aux anatomies variées, mais pas moins fragiles, dont les squelettes réclament avidement nos crampons. Toutefois, modérant nos ardeurs et pour partir sur de bonnes bases, nous nous sommes attelés au tutoriel désormais habituel. Un moment propice pour apprécier la nouvelle DA du jeu.
L’humour british absurde est toujours présent, avec un doublage anglais de qualité pour les différents personnages de la campagne. L’esthétique a gardé son charme simpliste, tandis qu’un coup de polish a été appliqué aux différents modèles 3D des joueurs ainsi qu’aux cinématiques, indéniablement plus belles. Cependant, nous ne sommes pas là pour fracturer des rétines, mais bien des tibias, et quelques agréables surprises nous attendaient également à ce niveau-là.
Il n’est pas évident d’adapter un jeu aussi complexe que Blood Bowl, avec sa centaine de pages de règles et autres exceptions. Mais il faut admettre que le tutoriel le fait très bien, et arrive à transmettre l’essentiel en à peine une dizaine de défis : un exploit.
L’ergonomie du jeu a été améliorée, les raccourcis clavier sont indiqués aux différents endroits importants de l’écran, les contrôles sont logiques, et les résultats des lancers de dés sont parfaitement clairs. Durant ce tutoriel, les fans seront également servis en retrouvant Bob et Jim, les commentateurs habituels, auxquels se joindra Varag Mâche-Goule, le Starplayer des orcs. Un petit plaisir appréciable, à l’inverse de ce qui vous attendra dans le reste de Blood Bowl 3. Si vous parvenez à y jouer.
Varag Ma-Gueule
Juste après le tutoriel, les cartons rouges ont commencé à fuser de notre côté. En plein milieu d’un match de la première campagne (comptez 30-45 minutes), la partie est interrompue sous prétexte que notre connexion internet a été coupée. C’est le moment délicat où nous découvrons que le jeu se scinde en deux sauvegardes totalement séparées selon que vous jouez en ligne ou hors-ligne. Autrement dit, vos progrès dans la campagne seront distincts selon que vous êtes connectés ou non. Et, si par malheur votre connexion est interrompue, il n’y a pas de pause possible (même si vous jouez contre l’IA), et vous perdrez le match.
Le problème est bien évidemment le même pour les parties en ligne, et la stabilité des serveurs sur ces premiers jours a tout bonnement rendu ces parties impossibles. Mais rassurez-vous, cette feature est sur la roadmap des développeurs et devrait nous parvenir courant août. Dans six mois.
Malheureusement, même hors-ligne, le jeu vous empêchera de progresser. Une fois la première campagne terminée, la seconde ne s’est tout simplement jamais déverrouillée pour nous (ainsi que pour un grand nombre de joueurs), bloquant toute avancée dans celle-ci même après l’avoir réinitialisée (et donc refait les matchs) à plusieurs reprises.
Pêle-mêle, il nous faut aussi évoquer des problèmes bien trop nombreux pour être passés sous silence :
- Des freezes du chronomètre en plein match, associés à l’interruption des actions de l’IA.
- Des commentaires répétitifs (même pour les parties scénarisées de la campagne), dont la plupart ont été simplement récupérés de Blood Bowl 2.
- Des temps de chargement honteux.
- Une IA répétant toujours le
smêmesschémasd’attaque, et qui prend vingt secondes à chaque phase de jeu avant d’entreprendre une action, vous laissant vous demander si le jeu n’a pas planté. - L’icône du joueur ayant le ballon disparaissant par moment.
- Les compétences spéciales des personnages pas toutes implémentées, d’autres provoquant des glitchs.
- Des couleurs de terrain empêchant de distinguer correctement vos joueurs.
- Les outils de ligue en ligne non fonctionnels…
Et ce n’est pas tout ! Blood Bowl 3 s’appuie aussi sur un système de microtransactions vous permettant de personnaliser un joueur, et un seul. Un comble, quand on connaît le nombre d’équipes disponibles (chacune étant constituée de onze joueurs par défaut) et les possibilités de customisation de l’opus précédent.
Cyanide nous aura fait patienter pour mieux nous décevoir : mais que s’est-il passé durant le développement de Blood Bowl 3 pour que cette infâme monstruosité puisse nous être vendue en l’état, sans broncher ? Entre les jeux qui sortent inaboutis (le syndrome Cyberpunk) et les remakes cassés vendus sur Switch, Blood Bowl 3 devient un étendard de la honte pour ces objets avec lesquels nous ne pouvons pas jouer, car ils ne sont tout simplement pas fonctionnels.
Il est cruel pour les fans de sortir cette dernière mouture en l’état, et inexcusable de le faire payer. Surtout si vous aimez la licence, prenez votre mal en patience avant d’acquérir Blood Bowl 3, car pour l’instant, le jeu n’est tout simplement pas fini. Les deux années de report n’auront véritablement pas suffi à Cyanide : des fonctionnalités basiques sont à l’heure actuelle absentes du jeu (une déconnexion temporaire terminera une session de jeu, au lieu de le mettre en pause), celui-ci est perclus de bugs empêchant d’avancer dans la campagne ou de jouer en ligne, et le business model propose de la microtransaction à tout-va.
Malheureusement, nous ne sommes plus à l’heure de la bêta et le jeu est officiellement sorti. Faire la critique d’un produit inabouti, qui plus est d’une licence chérie, a tout du crève-cœur. En l’état, soyez prévenus, Bloow Bowl 3 est injouable et inexcusable. Alors, faites preuve de patience, continuez à profiter d’un Blood Bowl 2 aux petits oignons, et revenez l’année prochaine. Ou la suivante.