En 2005, le premier opus de la saga Another Code : Mémoires Doubles voyait le jour sur Nintendo DS. Mélangeant éléments de puzzle game et de jeu narratif, il avait su trouver son public et les bonnes grâces des critiques de l’époque. À tel point qu’une suite intitulée Les Portes de la Mémoire avait pu être développée sur Wii en 2009, reprenant les mêmes personnages, les mêmes codes, mais adaptant son gameplay aux capacités de la nouvelle console. Le succès n’avait alors pas vraiment suivi.
Dix-huit ans après, c’est donc avec une bonne dose d’étonnement que nous avons appris la sortie d’Another Code: Recollection sur Nintendo Switch, la franchise étant tout de même assez confidentielle. Reprenant les deux jeux originaux avec des graphismes améliorés et de nouvelles énigmes, cette anthologie est proposée au prix fort. Mais la recette peut-elle encore fonctionner en 2024 ? Après une douzaine d’heures dans la vie d’Ashley Mizuki Robins, on vous donne notre avis sur la question.
(Test de Another Code: Recollection réalisé sur Nintendo Switch à partir d’une copie fournie par l’éditeur)
La mémoire dans la peau
Dans Another Code, tout est histoire de cerveau. Le vôtre, celui d’un joueur prêt à quelques heures de lecture et d’énigmes, mais surtout celui d’Ashley, l’héroïne de vos aventures. Agée de quatorze ans, elle vit avec sa tante Jessica depuis la mort de sa mère et la disparition de son père, onze années plus tôt.
C’est donc une jeune adolescente hantée par ses cauchemars, ses doutes et les flous souvenirs de ses parents que l’on retrouve dans l’introduction d’Another Code: Mémoires Doubles. Mais, surprise, papa est de retour. Ou plus précisément, il vient d’inviter sa fille, qui le croyait disparu, à le rejoindre sur une île perdue au milieu de nulle part : l’île de Blood Edward.
Un nom pas vraiment rassurant, et une histoire qui ne l’est pas plus. De mystérieuses morts sur l’île au siècle dernier ont amené les habitants à fuir les lieux. Ne reste plus qu’un manoir abandonné, celui de la famille Edward, qui va rapidement devenir le cadre du quasi huis-clos qu’est Another Code : Mémoires Doubles.
Et qui dit huis-clos, mystères et morts dit bien souvent ambiance pesante et sombre. Malheureusement, à ce niveau-là, on se rend vite compte que le jeu ne répond pas aux attentes, malgré le passage des graphismes de la DS à ceux permis par la Switch. Le jeu est joli, le lifting est réussi, mais les textures et, de manière générale, l’univers créé dans le manoir ne sont jamais parvenus à nous faire ressentir le sentiment d’urgence et de stress vécu par Ashley tout au long de son aventure.
On regrettera notamment un trop grand nombre de cinématiques parasites, inutiles à la fois pour l’histoire et pour le gameplay. Durant parfois moins de cinq secondes, elles ont eu pour effet de nous couper de l’aventure.
À la recherche du temps perdu
Accompagnée d’un nouvel ami lui aussi en quête de ses souvenirs, et dont nous tairons l’identité, Ashley part donc à la recherche de son père dans le manoir Edward. Dans chaque pièce visitée, les objets, les tableaux, les écrits retrouvés seront comme autant de moyens de retrouver la mémoire pour les deux protagonistes.
Et c’est souvent via des flashbacks en noir et blanc ou floutés convaincants que le puzzle commencera petit à petit à prendre forme pour Ashley. Pourquoi certaines salles du manoir sont-elles closes ? Son passé serait-il lié à celui de la famille Edward, ancienne maîtresse des lieux ? Voici un petit aperçu des questions auxquelles vous pourrez répondre durant votre aventure, au gré de vos pérégrinations dans le manoir. Avec toujours en toile de fond les sentiments tiraillés de la jeune fille, entre malaises d’enfance et besoin de réponses.
Et c’est de loin le point fort du titre. Le scénario est intéressant, plein de rebondissements, et parfaitement équilibré entre les flashbacks et les dialogues dans le présent. Comme on le disait précédemment, si l’ambiance générale et le choix de la vue à la troisième personne n’ont pas réussi à complètement nous happer dans l’aventure, l’écriture est quasi à elle seule parvenue à nous tenir en haleine.
En 2005, à sa sortie, le jeu avait été critiqué pour sa courte durée de vie. Il nous aura fallu environ huit heures pour voir le bout d’Another Code : Mémoires Doubles dans sa version 2024, agrémentée de quelques énigmes et découvertes supplémentaires, mais au scénario identique. Selon nous, il est largement suffisant au vu du contenu proposé, et aurait pu devenir facilement ennuyeux s’il avait été étiré trop longtemps, tant le jeu est dirigiste.
Voir un si beau manoir, si vaste, et se voir obligé de visiter les salles une par une dans un ordre prédéfini, avouons que ça dénote pas mal de la majorité des jeux sortis récemment, qui donnent la part belle à la liberté. Certains s’y retrouveront, d’autres, comme nous, seront sans doute déçus. Malgré un nouveau contenu plus moderne et des clins d’oeil in-game à la Nintendo Switch, le jeu n’a jamais réussi à nous faire oublier qu’il date originalement de 2005, une éternité dans le jeu vidéo.
Jeu d’énigmes ou jeu narratif ?
Mais pour mériter de faire toute la lumière sur les mémoires doubles d’Ashley et de son compagnon, il est nécessaire de résoudre quelques énigmes. C’est en tout cas la promesse du titre. En récompense, vous pourrez obtenir une clé permettant d’ouvrir une nouvelle zone du manoir, ou un élément qui permettra à la jeune fille d’en apprendre plus sur le passé mystérieux du lieu, ou son présent.
En combinant des objets récupérés précédemment, en décryptant des codes secrets ou en utilisant à bon escient l’appareil photo de votre DAS (une machine bien mystérieuse et utile envoyée par le père d’Ashley), vous arriverez toutefois sans peine à pénétrer dans les tréfonds du manoir et de la mémoire.
Car si nous n’avons pas parlé plus tôt des énigmes du jeu, c’est que nous n’y avons trouvé que peu d’intérêt. Malgré l’introduction de nouvelles mécaniques propres à la Switch comme l’utilisation du gyroscope et de l’appareil photo, tout est bien trop simple et guidé. Amateur de challenges, Another Code: Recollection n’est clairement pas pour vous.
Les énigmes sont trop peu nombreuses et très peu marquantes. C’est bien simple, seul un ou deux moments de l’aventure ont nécessité de se torturer un peu les méninges. Le reste est soit trop facile, soit trop guidé, et malheureusement trop espacé dans le temps. En n’arrivant pas à choisir entre jeu d’énigmes et jeu narratif, Another Code se perd un peu en route.
Another Code : Les Portes de la Mémoire, bis repetita ?
Afin de respecter la chronologie de l’histoire d’Ashley, Another Code: Recollection impose au joueur de terminer le premier opus, Mémoires Doubles, avant de pouvoir enchaîner sur la suite, Les Portes de la Mémoire. Si le choix peut paraître discutable éthiquement parlant, il est tout à fait logique d’un point de vue scénaristique. Le second jeu constitue une véritable suite, et sans certains éléments du premier jeu, impossible de comprendre les tenants et aboutissants du sequel.
Cette fois, bienvenue à Lake Juliet. Ici, pas de manoir, mais différents lieux autour du plan d’eau qu’il sera possible de visiter (toujours de manière aussi linéaire). Ashley, devenue adolescente, doit résoudre de nouveaux mystères, mélange de souvenirs familiaux et de découvertes du temps présent. Ça ne vous rappelle pas quelque chose ?
Les Portes de la Mémoire n’apporte pas de nouveautés de gameplay par rapport à son prédécesseur. Mais il fait le choix d’un monde plus vaste, sans huis-clos, et basé sur la nature et les extérieurs. Et ça fait du bien. Malheureusement, les mêmes défauts inhérents au premier jeu sont de retour. Beaucoup de cinématiques, des dialogues parfois inutiles et peu d’énigmes comparé au temps de jeu proposé.
Malgré sa jolie mise à jour graphique et quelques nouveaux casse-têtes, Another Code: Recollection n’aura jamais réussi à nous faire oublier son âge. Le jeu narratif prend le dessus sur le jeu d’énigmes, et même si le scénario des deux opus est chargé en personnages et en rebondissements, c’est véritablement à un vieux jeu vidéo que nous avons eu l’occasion de jouer.
Nous n’avons pas passé un mauvais moment à découvrir le passé et à se battre contre les démons d’Ashley, mais au prix auquel il est proposé (45 euros), difficile selon nous de se laisser tenter par un jeu au rythme aussi lent et aux énigmes aussi poussives. Certains y trouveront sans doute leur compte, comme l’a prouvé le succès du premier jeu en 2005. Mais le jeu vidéo a évolué, et Another Code: Recollection n’a pas réussi à suivre le rythme de cette évolution.