Eclipsée par les productions à gros budget et par quelques jeux indépendants populaires, il existe pourtant toute une frange du jeu vidéo qui passe sous les radars même des initiés, et à fortiori du grand public. C’est précisément le cas d’Akimbot qui, après s’être dévoilé par le biais d’une démo Steam en juin dernier, et bien qu’il vienne donc de sortir dans sa version finale le 29 août dernier sur PlayStation 5, Xbox Series et PC, reste désespérément dans l’ombre du mastodonte Astro Bot.
Il s’agit là du dernier titre développé par Evil Raptor, à qui l’on doit le sympathique Pumpkin Jack qui nous avait permis d’incarner le seigneur des citrouilles. Point de légumes cette fois mais un duo de personnages dont l’inspiration visuelle est à chercher du côté de Ratchet & Clank.
Alors évidemment, on n’imagine pas qu’Akimbot puisse véritablement rivaliser avec les aventures du Lombax et de son acolyte robotique, mais peut-être que son aventure sera suffisamment plaisante pour que, malgré les apparences, il puisse se forger sa propre identité, qui sait ?
(Test de Akimbot sur PS5 réalisé à partir d’une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Presque robot pour être vrai
En préambule, nous allons grogner. Grogner contre cette exécrable habitude qu’a pris une large majorité de studios et éditeurs, depuis la génération précédente, de sortir des jeux remplis de problèmes techniques, qui ne sont pas équilibrés, optimisés voire même proprement injouables. Alors, bien entendu, ces désagréments sont généralement corrigés dans la fenêtre de sortie, au travers de différents patchs (rappelons-nous du cas Cyberpunk 2077 ou la vingtaine de patchs pour Lords of the Fallen, entre autres), mais cela n’en reste pas moins proprement scandaleux.
Alors, cette fois, c’est Akimbot qui prend, car il faut bien préciser que l’état du jeu à sa sortie, sur PS5 du moins, était inacceptable. Bien sûr, il est loin d’être le seul ou le pire cas, mais sa goutte d’eau à elle aussi remplis un verre débordé depuis longtemps déjà. La possibilité de corriger à postériori un jeu, dans ce qu’il a de plus technique, ne devrait pas être une raison pour le sortir « en l’état » et de remettre les mains dans le cambouis selon les retours d’utilisateurs. L’acheteur Day One ne devrait pas être pris pour un beta testeur, c’est là la tâche des services Quality Assurance.
Bref, Akimbot a depuis reçu quelques mises à jour correctives le rendant bien plus stable, quoique quelques chutes de frame rate restent présentes, principalement lors des sauvegardes automatiques jalonnant l’aventure. Une épopée qui se déroule dans un univers futuriste peuplé de machines ultraperfectionnées en tous genres (rendant encore moins flatteur le parallèle avec les incidents techniques subis). On y fait alors la rencontre d’Exe, un hors-la-loi notoire et Shipset, son compagnon d’infortune rencontré lors de son transfert en tant que prisonnier et qui, par la magie du scénario, vont se voir confier pour mission de sauver l’univers.
Effectivement, il n’y a pas grand-chose à chercher du côté de l’intrigue, qui est plus un prétexte à nous faire voyager de niveaux en niveaux. Toutefois, c’est dans l’écriture des personnages, et surtout des dialogues, qu’Akimbot brille de mille feux. Tout est prétexte à la blague, au bon jeu de mot, et il faut avouer que l’on s’est marré d’un bout à l’autre du jeu. Le titre ne se prend jamais au sérieux, et toute une sémantique mécanique et informatique, retravaillée pour coller à des références contemporaines (notamment) y passe pour un résultat souvent désopilant.
Ainsi, le professeur devient le processeur, Shipset se fait casser les douilles, etc. Vous avez compris l’idée. Ajoutons à tout ceci la répartie de nos deux héros qui ne manquent jamais une occasion de sortir une référence bien sentie ou à briser le quatrième mur.
Aussi, là où les équipes d’Evil Raptor se sont fait plaisir, comme nous l’avons évoqué, c’est dans l’inclusion de références dans chacun des niveaux proposés. De Sonic à Metal Gear Solid, en passant par Star Wars, Crash Bandicoot, Halo et tant d’autres, vous trouverez forcément de quoi vous donner le sourire. Imaginez donc que même Franck Ribery, et son fameux «la routourne a tourné», a le droit aux honneurs du studio.
De plus, et c’est assez rare pour être signalé, Akimbot est intégralement doublé en français, un doublage qui ne souffre d’aucune fausse note, bien au contraire (comme la bande-son d’ailleurs, quoiqu’elle boucle un peu vite. Mais quel thème d’introduction !). Vraiment, et insistons bien là-dessus, Akimbot mérite d’être découvert ne serait-ce que pour ses personnages, ses dialogues et le jeu des comédiens de doublage.
De bric et de broc
Toutefois, il ne faut pas oublier qu’il est avant tout un jeu vidéo, et lorsqu’il s’agit de nous faire jouer, Akimbot est beaucoup moins réussi. Le titre se présente plus ou moins comme un ersatz de Ratchet & Clank, le design d’Exe ne laissant que peu de place aux doutes, mais propose un gameplay le rapprochant bien plus de TPS (jeu de tir à la troisième personne) qui fleure bon les années 2000, défauts de l’époque inclus.
Les combats ou les phases de plate-forme classiques ne sont pas bien intéressants ou palpitants et il faudra même souvent lutter contre un équilibre douteux lors des affrontements. Ceux-ci nous mettent aux prises face à des robots d’une précision bien trop chirurgicale et il faudra régulièrement être malin (voire déloyal), à rester planqué derrière un pilier, pour détruire patiemment un à un tous ces tas de ferraille.
Signe d’ailleurs que les équipes de développement étaient conscientes de cet écueil, chaque arène de combat dispose de plusieurs packs de soins, bien mis en évidence, permettant de palier mécaniquement, mais artificiellement à ce problème d’équilibre. Et puis, il faut ajouter ci et là quelques décisions de game design pas très heureuses, comme le fait de nous tuer presque obligatoirement en cas de chute, nous ramenant au checkpoint précédent ou certaines séquences beaucoup trop longues pour leurs propres biens.
Pour autant, malgré les problèmes indéniables de son gameplay, Akimbot est d’une richesse et d’une inventivité assez époustouflantes. Les situations varient en permanence autour de son socle ludique précédemment évoqué. On peut tout à fait commencer un niveau de manière classique, à occire des hordes de vilains robots tout en enchaînant quelques phases de plate-forme banales, puis poursuivre par une séquence en véhicule avant d’affronter un boss façon jeu de combat.
Même au sein des niveaux les plus classiques, on sent que les équipes d’Evil Raptor ont essayé de varier, autant que faire se peut avec leurs moyens qu’on imagine limités, les situations. Ce n’est pas révolutionnaire, mais, par exemple, ajouter des (micro) jeux pour les phases de hacking, spécialité d’Exe, ou planquer quelques collectibles au sein des stages permet d’aérer l’ensemble efficacement. On a ainsi pu s’atteler à notre héroïque tâche sans jamais ressentir la moindre lassitude, bien au contraire.
Il y a tellement à redire sur la dernière production d’Evil Raptor. Objectivement, Akimbot est un jeu cabossé de partout. Entre son équilibre discutable, son manque de fluidité ou son socle ludique, comme ses graphismes, datés, on pourrait se dire qu’il est un jeu à fuir comme la Peste. Et pourtant, lorsque l’on parcoure son aventure, on ressent le cœur qu’y ont mis les équipes de développement, et toute leur envie de bien faire.
Si on ne peut nier que ses idées ne sont pas souvent bien réalisées, elles sont pourtant présentes en nombre et on ne s’ennuie jamais durant la grosse dizaine d’heures de jeu proposée. On y retrouve l’esprit qui animait le jeu vidéo dans les années 2000, quand tout était encore à faire, que les studios tentaient de nouvelles approches et expérimentaient continuellement (avec plus ou moins de réussites).
Et puis quel duo ! Porté, notamment, par l’acting de Ryan Highley et Pierre-François Pistorio dans leurs rôles d’Exe et Shipset, l’écriture d’Akimbot, et surtout ses dialogues, sont remarquables, et ont fait partie intégrante de notre envie de poursuivre l’aventure jusqu’à son terme. Le titre a une âme, ce petit on-ne-sait-quoi qui le rend si attachant. Akimbot n’est pas qu’un plaisir coupable, il est surtout l’un de nos jolis coups de cœur de cette année.