La tendance aux remasters et remakes ne faiblit pas et c’est d’autant plus vrai dans le monde restreint des jeux de stratégie type RTS dont l’âge d’or est désormais bien loin derrière. Si certains ont tenté d’innover en proposant des univers originaux à la manière d’un Iron Harvest, l’échec et la mort lente du titre n’est hélas jamais bien loin dans ce genre de niche parfois présenté en déliquescence. Dans ces conditions, quoi de plus prudent et plus logique que de remettre au goût du jour les grandes licences du passé comme les Definitive Edition pour les jeux Age of Empires et le nouvellement intronisé Age of Mythology: Retold ?
Réduire Age of Mythology: Retold à un bête bonbon lancé aux fans des RTS serait cependant malhonnête. Certes, la sortie du titre s’est rapidement retrouvée entachée par une polémique sur l’avarice du studio vendant à part des portraits de déités, mais, et bien que l’on ne puisse balayer cela d’un revers de main olympienne, cela ne doit pas ombrager les réelles qualités de ce remake qui découlent d’un travail soigné et respectueux de la part des équipes de développement.
Pour autant, est-ce que cette nouvelle version d’un titre légendaire, lequel est facilement disponible pour une poignée d’euros, vaut bien le coup et le coût pour les férus de RTS ?
(Test d’Age of Mythology: Retold sur PC à partir d’une version fournie par l’éditeur)
Les jeux Age of, ou les vénérables gardiens du temple RTS
Les Age of Empires, Age of Mythologie, Empire at War, Empire Earth et autres Rise and Fall font partie de ces jeux de stratégie qui étaient facilement accessibles sur des machines modestes à l’époque de leurs sorties, et fort peu gourmands en espace de stockage. En conséquence, de nombreux joueurs PC ont abordé les jeux de stratégie et de gestion à partir de ces RTS vieille école. Un genre de jeux que l’on ne retrouve plus forcément aujourd’hui, ou du moins avec des approches substantiellement différentes à la Northgard ou Ancestors Legacy.
Des jeux qui, en dépit de réelles qualités, n’ont absolument pas cette dimension de bac-à-sable gigantesque qu’offrent les RTS Age of et feu les Empire Earth. Point d’éditeur de carte ou de scénario, point de carte gigantesque où se faire affronter différentes équipes gérées par l’ordinateur, point de lente progression dans une partie en passant par des âges, imposant de choisir entre le long développement vers des unités onéreuses et puissantes ou de privilégier un vil rush de début de partie avec des unités faiblardes pour prendre à partie l’adversaire vulnérable qui pensait avoir un peu de temps devant lui pour se développer.
Face au déclin du genre et suite à la résurrection réussie des Age of Empires, c’est donc au tour du vénérable Age of Mythology d’être frappé des faveurs des déités atlantes : nouveaux modèles pour les unités, nouveaux effets de destruction, nouveaux effets environnementaux, meilleure lumière, meilleure résolution, animations retravaillées, pouvoirs divins à l’apparence bien plus immersive, sans oublier un bon coup de pinceau sur l’UI, le jeu a largement été remis au goût du jour. C’est bien davantage un véritable remake qu’un modeste remaster.
Pour autant, cette refonte visuelle ne dénature aucunement le jeu originel : elle lui rend plutôt justice et c’est sans doute là que se trouve le premier compliment à adresser. Age of Mythology: Retold est infiniment plus beau et immersif que le jeu originel, moyennant le sacrifice de quelques gigaoctets de plus.
L’I-Art de la Guerre
Quel est le véritable cœur du jeu ? Les trois campagnes bien ficelées, didactiques et intéressantes ? Le multijoueur avec le défi d’affronter des humains ? L’éditeur de cartes et de scénarios ? Les escarmouches contre l’IA ? De notre côté, les jeux Age of ont toujours été associés aux parties contre l’ordinateur, avec deux ou trois équipes d’IA sur une grande carte qui offrait l’occasion de prendre son temps pour construire de superbes villes fortifiées, progresser à travers les âges sans pression et rassembler de grandes et belles armées aux côtés des IA alliées pour conquérir la carte face aux IA adverses.
Sans doute que beaucoup se retrouveront ici et souhaiteront se replonger dans ces très longues parties immersives qui constituent l’ADN de ces anciens RTS et qu’Age of Mythology: Retold restitue sans la moindre lacune.
Comme dans le premier jeu, il n’y a pas de faction à choisir mais une culture, parmi les Grecs, les Égyptiens, les Atlantes et les Nordiques, ainsi qu’une divinité majeure qui offre des pouvoirs divins et des unités mythiques uniques. Ces différentes cultures proposent un gameplay subtilement différent : les Égyptiens vénèrent des idoles et n’ont pas la diversité de troupes humaines qu’ont les Grecs tandis que les Nordiques ont une population civile qui se joue d’une manière complètement différente.
Tout au long d’une partie, et à chaque changement d’âge, il s’agira ensuite de choisir une divinité mineure qui vient également avec ses propres pouvoirs, unités et technologies, personnalisant ainsi la progression durant la partie mais offrant également de nouveaux embranchements de gameplay.
Un adversaire est hors d’atteinte sur la carte et votre ville est menacée ? Peut-être qu’opter pour une divinité offrant un pouvoir de téléportation peut être utile. Peut-être faut-il plutôt en choisir une autre qui offrira une pierre permettant d’attirer le bétail, améliorer ainsi vos ressources en nourritures et vous permettre de recruter quelques Ouadjet ou Colosses pour épauler votre troupes ? Ou encore obtenir un pouvoir de peste, voire de portail vers les Enfers, pour ravager la ville ennemie ? Un éventail de pouvoirs dont l’utilisation est conditionnée par la faveur générée par vos idoles et vos temples.
D’autant que les escarmouches contre l’IA se prêtent à un rythme rapide ou lent, agressif ou non, si le joueur en décide ainsi, via le paramétrage de leur comportement. De nôtre côté, nous avons ainsi eu une partie aussi longue que mémorable sur une gigantesque carte forestière, où l’un de nos alliés se prenait la plupart des attaques de l’autre équipe d’IA, nous permettant ainsi de bâtir courageusement plusieurs villes fortifiées sur la carte.
Une stratégie aussi noble que judicieuse puisque la partie semblait sur le point de se terminer avec un seul ennemi restant face à notre équipe, celui-ci parvint à attaquer notre ville principale avec son Titan et n’a fait qu’une bouchée de notre armée et de nos fortifications, nous imposant de préparer notre revanche à partir d’un forum sous contrôle à l’autre bout de la carte et de quelques villageois épars qui ont eu la lourde tâche de rebâtir notre puissance et, surtout, préparer l’accueil de notre propre Titan pour aller nous expliquer à politesse égale.
La dimension multijoueur du jeu est par ailleurs très vivante. Contrairement au jeu original qui a plafonné avec un millier de joueurs quotidiens ces dernières années, l’on se retrouve ici avec dix fois plus de monde et, bien que pour beaucoup les jeux Age of sont des jeux solo, fatalement la portion des joueurs qui se consacrent au multijoueur a augmenté. Il y a donc un véritable choix en termes de serveurs et de parties disponibles, même si les premières parties risquent toujours d’être plus délicates pour les nouveaux venus face aux stratégies « méta » utilisées par certaines joueurs.
À la manière de ce que fait Creative Assembly avec les derniers jeux Total War, les développeurs ont mis l’emphase sur la personnalisation de l’expérience de jeu et un florilège d’options dédiées à l’accessibilité. Ainsi, il est désormais possible d’attribuer automatiquement les villageois à la collecte de ressources en définissant des seuils à atteindre pour chacune d’entre elles. De même, il est possible de limiter, ou non, l’utilisation des pouvoirs divins. Des options qui contribuent à rendre le titre plus ouverts aux nouveaux joueurs tout en offrant une expérience de jeu plus personnelle.
Quelques bugs sont cependant à relever et tous ont été rencontrés durant les différentes campagnes du jeu. Tout d’abord, les temps de chargement sont relativement longs et dénotent avec la vitesse que l’on connaît aujourd’hui sur des titres bien plus gourmands. Mais le plus fâcheux s’est trouvé en un bug audio pendant la campagne de l’Atlandide durant laquelle les dialogues se répétaient en boucle pendant quelques secondes. Un bug léger, et qui n’entrave pas la progression dans le jeu, mais tout de même assez pénible.
Age of Mythology: Retold mérite-il que l’on dépense quelques dizaines d’euros pour racheter un jeu que l’on a probablement déjà pour beaucoup d’entre nous ? La réponse est simplement oui, parce qu’il s’agit d’un remake qui améliore substantiellement le jeu d’origine sans rien trahir de son esprit ou de son style.
Remettre au goût du jour un tel monument n’est pas aisé, d’autant qu’il s’agit désormais d’un genre de niche et que la communauté des joueurs peut avoir tendance à se faire les gardiens du temple et se réfugier parmi les anciens jeux en laissant mourir les nouveaux. Pour l’instant, Age of Mythology: Retold est parvenu à ressusciter une partie de la communauté des fans de RTS en ayant dix fois plus de joueurs que son ombrageux prédécesseur, une performance à faire pâlir d’admiration les lambeaux de peau restant à Néphtys et les stoïques momies d’Anubis.
On aimerait que ce succès en entraîne d’autres et permette à d’autres anciennes licences de RTS de revenir sur le devant de la scène, parmi lesquelles les Empire Earth et le singulier Rise and Fall: Civilizations at War, par exemple. L’âge d’or des RTS est peut-être loin derrière nous mais quelle chance avons-nous de pouvoir entendre de nouveau résonner des Wololo et Prostagma dans des remakes et remasters de qualité.