Depuis plus de dix ans, Arte s’est lancé dans l’édition de jeux vidéo. Loin de son image (exagérée) de chaîne soporifique et d’intello, la branche vidéoludique du groupe nous a au contraire habitués à produire des belles pépites indé, souvent décalées, et à la direction artistique aboutie. Développé par le studio belge Ram Ram Games, 30 Birds est le dernier OVNI de l’écurie.
Comme beaucoup de jeux indépendants, ce sont les graphismes et la pâte artistique qui nous frappent avant même d’avoir la manette en main, et on peut se demander si 30 Birds se contente de faire la roue, ou si l’expérience en jeu est aussi belle que son joli plumage.
(Test du jeu 30 Birds sur PC réalisé à partir d’une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Les lanternes persanes
La déesse Simurgh, oiseau mythique qui a accroché des lanternes dans le ciel, a été enlevée par un mystérieux savant. Zig, une jeune détective, va avoir pour mission de trouver trente oiseaux capables de chanter en harmonie pour accomplir le rituel qui la ramènera. Cette histoire est inspirée d’un poème persan du XVIIIe siècle (30 Birds est d’ailleurs un jeu de mots sur la prononciation de « Simurgh » en persan), qui infusera l’ambiance du jeu tout entier. Zig chausse des babouches magiques, voyage sur un tapis volant, rencontre des djinns farceurs et fouille le grand bazar à la recherche des oiseaux.
La direction artistique de 30 Birds est elle aussi un hommage à la miniature persane (des illustrations très colorées de poèmes et de mythes) : on se déplace sur les quatre faces de grandes lanternes, qui vont tourner comme des cubes en 3D quand on arrive au bord.
Le mélange entre l’art traditionnel et le jeu vidéo est parfaitement maîtrisé, et les décors font finalement penser à un grand livre pop-up qui fourmille de détails. L’ambiance des Mille et Une Nuits est elle aussi mise au goût du jour : les personnages s’échangent des SMS, parlent de « clopes » et de « flics », se déhanchent sur de la musique électronique, ou prennent le tramway pour se déplacer entre les lanternes, et à aucun moment on n’a l’impression que la modernité est mal dosée.
Des énigmes très… chouettes
Après son arrivée sur Cité Lanterne, Zig fera rapidement la connaissance de Hoop, le premier oiseau parmi les trente à réunir. Ce dernier nous guidera à travers le parc, l’université et le grand bazar pour récupérer les numéros de téléphone de nos amis à plumes. Notons que s’il faut bien trouver trente oiseaux, certains arrivent en groupe dans notre liste de contacts, ce qui réduit le nombre réel de rencontres à effectuer.
Pour chaque oiseau, le jeu nous demande de résoudre une énigme : peindre une jolie toile, gagner une partie de « poker lanterne », reproduire un motif, réunir des objets au bon endroit, habiller un oiseau déplumé… C’est à chaque fois l’occasion de proposer un gameplay différent, le temps d’une poignée de minutes. Entre chaque puzzle, on peut également réaliser des défis optionnels. Cette variété rend 30 Birds très agréable, car le jeu arrive toujours à nous surprendre.
On peut toutefois regretter la facilité de quasiment tous les casse-têtes. Certes, 30 Birds se présente comme une aventure interactive et non comme un jeu de réflexion, mais on aurait apprécié un peu plus de challenge pour résoudre les puzzles, d’autant plus que l’histoire se termine en une poignée d’heures.
Quelques plumes dans les rouages
Paradoxalement, si les énigmes ne posent pas de réelle difficulté, l’avancée dans le jeu est parfois ardue. Prenons l’exemple des instruments de musique qu’on nous demande de jouer à plusieurs reprises : le but de ces phases n’est pas clair, ni les contrôles, et on se retrouve finalement à bidouiller tous les boutons qu’on a sous les yeux et à réussir sans vraiment comprendre comment ni pourquoi. Dommage dans un jeu dans lequel la musique est centrale.
Cette combinaison d’explications peu claires et de contrôles aléatoires se retrouve malheureusement tout au long de l’aventure. Nous avons testé 30 Birds à la manette, mais avons dû prendre la souris plusieurs fois (notamment pour les énigmes où il faut faire glisser des objets) car le jeu était plus maniable et intuitif ainsi.
Notons également que lorsque Zig débloque une nouvelle compétence, l’interface nous dit comment l’utiliser avec le clavier mais pas avec la manette. Rien d’handicapant et pas de quoi gâcher l’expérience (on finit par trouver), mais c’est dommage. Dans le même ordre d’idée, on peut relever les objets à ramasser qui reparaissent à chaque changement d’écran, et une ligne de dialogue à la fin du jeu qui n’a pas été traduite en français.
Enfin, quelques bugs viennent aussi ternir ce tableau pourtant bien coloré : dialogues qui ne se lancent pas, ou animations qui restent bloquées et qui nous obligent à relancer le jeu. Dans les discussions sur Steam, de nombreux joueurs rapportent de nouveaux bugs régulièrement, certains les empêchant tout bonnement d’avancer dans l’histoire (par exemple, des quêtes qui ne démarrent pas). Les développeurs sont à l’écoute et répondent à tous les messages, et des patchs ont déjà été déployés pour corriger le tir.
30 Birds est un petit jeu charmant, fidèle à l’identité des productions Arte. Si les énigmes manquent parfois de challenge, on ne peut que saluer leur diversité et leur inventivité. Le véritable attrait du jeu réside dans son histoire qui revisite un mythe persan, sa direction artistique unique et ses dialogues pleins d’humour.
Le temps d’une après-midi, on passe un excellent moment en compagnie de Zig et Hoop, à discuter avec les djinns et à écouter du ska sur notre tapis volant. Les bugs sont le seul (gros) point noir, mais les équipes de 30 Birds sont réactives : espérons que ce problème sera bientôt résolu pour de bon, et le jeu sera réellement un sans fausse note.