C’est peu dire qu’on l’attendait, 12 Minutes ! Avec une mise scène qui sort de l’ordinaire, son scénario de boucle temporelle façon Un Jour Sans Fin cauchemardesque, et son casting quatre étoiles, les trailers du jeu avaient bien réussi à nous rendre impatients. Ajoutons à cela la signature Anapurna, qui ne se loupe que rarement, et un gameplay mystérieux, et voilà rien de moins que l’un des jeux les plus attendus de cet été. Mais plus hautes sont les attentes, et plus la déception risque d’être importante. Alors, 12 Minutes se montre-t-il à la hauteur de la hype ?
(Test de 12 Minutes réalisée sur PC grâce à une copie commerciale du jeu)
Le visiteur du soir
La boucle temporelle sera pour longtemps encore associée au Jour sans fin que vit Bill Murray dans le film d’Harold Ramis. On pourrait aussi penser à l’amusant Edge of Tomorrow, de Doug Liman, avec Tom Cruise. Dans les deux cas, les personnages principaux vont revivre la même journée encore et encore, et, pour sortir de ce cercle vicieux, devront utiliser ce qu’ils apprennent au fur et à mesure des répétitions.
C’est exactement le principe de 12 Minutes. Alors qu’une petite soirée en tête à tête avec son épouse se profilait, un policier fait irruption dans l’appartement du protagoniste principal de cette histoire. Le flic accuse alors la femme de meurtre, et tout s’emballe avec les protestations du couple qui finiront par faire tuer le mari… pour que celui-ci réapparaisse aussitôt sur le seuil de l’appartement, et que les mêmes instants se reproduisent, encore et encore.
Il est le seul à avoir conscience de cette boucle temporelle, et à garder les souvenirs d’un cycle à l’autre. Souvenirs dont il devra se servir pour avancer dans la compréhension des événements et essayer de sortir de cette situation infernale, comme les personnages des films cités précédemment.
Intérieur nuit
Le jeu est présenté comme un thriller interactif, et outre les deux références évidentes que sont Un Jour Sans Fin et Edge of Tomorrow, la fiche Steam du jeu cite aussi Shining, Fenêtre sur Cour et Memento. Avec Daisy Ridley (Rey, dans la dernière trilogie Star Wars), James McAvoy (Split) ou Willem Dafoe, qu’on ne présente plus, le cinéma est aussi très présent à travers le casting du jeu,
Et il est vrai que 12 Minutes a tout d’un huis-clos, ce genre de film (ou de roman ou de pièce de théâtre) dans lequel l’action se déroule dans un lieu unique dont les personnages ne peuvent sortir. D’autant que notre personnage est aussi bien coincé dans l’espace (l’appartement où il réapparaît systématiquement), que dans le temps. On pensera particulièrement à La Jeune Fille et la Mort, de Polanski, avec Sigourney Weaver et Ben Kinglsey. Dans le film, un couple accueille un inconnu en panne en qui la femme, activiste politique, croit reconnaître le bourreau qui l’a torturée quelques années auparavant…
Si on a ce même schéma du couple perturbé par l’arrivée d’un inconnu qui amène avec lui la violence, il manquera à 12 Minutes l’un des ingrédients essentiels du huis clos : le doute. Si les choses ne sont pas telles qu’on les imagine en premier lieu, et si le jeu réserve aussi sa part de révélations fracassantes, il lui manque quand même cet aspect de l’histoire par lequel monte la tension. Le personnage ne doute que très peu, semble très (trop) rapidement prendre pour acquis les accusations du policier qui visent sa femme.
Dommage, les ambitions narratives du jeu ne sont ainsi pas totalement réalisées, la faute aussi à un scénario et surtout à une conclusion un peu tirés par les cheveux.
Back in time, le joueur aussi
Mais si 12 Minutes n’aurait probablement pas fait un bon film, il n’oublie pas d’être avant tout un jeu. Et les personnages et leurs réactions, qu’on peut trouver parfois peu crédibles, sont avant tout au service du gameplay.
Avec un nombre très limité d’objets avec lesquels interagir, et un système de jeu ultra-minimaliste (un pointeur et un bouton de sélection, c’est tout), le jeu se présente comme un « casse-tête chinois », ces puzzles au nombre réduit de pièces, qui paraissent simples de prime abord, mais finalement impossibles à réaliser sans avoir avant compris le « petit truc » qui va débloquer la situation.
12 Minutes est ainsi un puzzle narratif qu’il s’agira de résoudre peu à peu. Et derrière sa mise en scène originale, en vue de dessus – un placement de caméra qu’on voit plus souvent dans des jeux orientés action, comme Hotline Miami, Ape Out ou les premiers GTA – et ses ambitions narratives et cinématographique, le titre est finalement un bon vieux point’n’click auquel on a donné un peu de sang neuf avec brio.
Comme quand il s’agissait d’associer des objets dans les jeux LucasArts, on essaiera alors différentes combinaisons d’actions pour voir comment l’histoire tourne, et, étape par étape, en revenant souvent en arrière, on finira par comprendre le drame que cache cette boucle temporelle. Au fur et à mesure que le puzzle commence à faire sens, le joueur se fait chef d’orchestre (ou showrunner, pour rester dans la fiction narrative) et essaie de jouer LA partition qui lui permettra d’accéder aux nouvelles couches du scénario.
On regrette d’ailleurs que les dialogues ne puissent être passés une fois entendus une première fois. Le jeu appelant aux tentatives et autres expériences, certains dialogues vont se répéter. Beaucoup. Et devoir réécouter quinze ou vingt fois les mêmes lignes de dialogues peut finir par être agaçant. Certes, c’est là que se cachent les indices qui nous permettront de progresser, mais quand même !
Avec sa mise en scène originale pour le genre, son gameplay minimaliste, et le puzzle que constitue son intrigue, 12 Minutes rafraîchit plutôt bien le genre du pointer-cliquer. Malheureusement, il se perd un peu dans des ambitions narratives et cinématographiques qu’il n’arrive pas tout à fait à réaliser, la faute à son scénario pas très bien ficelé. Sans vraiment décevoir les attentes qu’on avait placées en lui, les quatre à six heures que durent titre de Luis Antonio seront pour certains ce verre à moitié plein (le point’n’click brillamment modernisé), à moitié vide pour d’autres (l’écriture).